« Lire en prison » : des libraires dans la boucle au nouveau centre pénitentiaire Caen-Ifs
Trois mille. C’est le nombre d’ouvrages qui ont été acquis entre juillet 2023 et septembre 2024 pour constituer les fonds documentaires des nouvelles bibliothèques pénitentiaires de Caen-Ifs. Sur ces 3 000 références, près de 500 documents ont été sélectionnés par les personnes détenues, utilisatrices des services des bibliothèques. Quatre libraires ont été mobilisés pour accompagner cette initiative participative et inclusive. Ils reviennent sur l’expérience et l’importance de leur mission de médiation auprès des publics, quels qu’ils soient.
Pour Sophie Peugnez, de la librairie Le Brouillon de Culture, « le livre a parfois une image intellectuelle, écrasante. “Aller vers”, savoir se rendre auprès des publics qui n’ont pas forcément été sensibilisés à la lecture (notamment dans leur jeunesse), ne jamais être dans le jugement mais au contraire leur donner envie d’ouvrir et de tourner les pages d’un livre. […] Au centre pénitentiaire, j’ai rencontré des personnes qui écoutaient mais qui n’ont pas hésité à échanger, il n’y a pas eu de tabous. Il y a aussi eu des échanges littéraires très riches. Cela prouve qu’il ne faut jamais se fier aux apparences. On peut ressembler à un chef de gang et avoir une vraie finesse littéraire ».
Fabrice Varin, de la librairie Guillaume, est déjà intervenu trois fois en prison et souhaite renouveler l’expérience, car « les détenus sont motivés, curieux et ont une envie de lecture indéniable ».
Même enthousiasme chez son collègue Grégor Diakité, pour qui c’était une première : « Aller à la rencontre de publics dits “éloignés” de la lecture, c’est désacraliser les livres, la lecture et le lieu à proprement parler. L’accueil, que ce soit du personnel pénitentiaire ou des détenus a été très bon. J’ai apprécié la forme. Partant pour une présentation d’une sélection d’ouvrages, j’ai été content que cette rencontre devienne un échange autour de la lecture et de ce que l’on en attend. […] J’y retournerai avec plaisir. »
Pour Grégoire Trouvé de la librairie BD r’Art, sa première intervention en prison a été « une sacrée et belle expérience », et il précise : « Dans mon ancien métier, la lecture était une véritable échappatoire, avec toujours la même sensation : sortir grandi à la fin du livre. Il est, pour moi aussi, essentiel de transmettre afin d’échanger. J’en retiens un mot : l’interactivité. »
Emmanuelle Giraud
Le projet « Acquisitions » porté par Normandie Livre & Lecture, en étroite collaboration avec la coordination culturelle du SPIP14, bénéficie de l’aide au développement de la lecture auprès des publics spécifiques du Centre national du livre (CNL).