Slow édition et création : les paris audacieux du Studio Courte Échelle

Publié le 22/09/2025
Temps de lecture : 5mn
Le studio Courte Échelle est une maison d’édition spécialisée en livres d’artiste et design graphique. Elle publie cinq titres par an dans cinq collections différentes. Depuis sa création en 2017, les deux fondateurs, François Belsoeur et Alexandra Lafitte, poursuivent leur recherche éditoriale autour des rapports entre texte, image et objet. Entretien avec François Belsoeur. 
© Studio Courte Échelle

Votre objectif est de concevoir des formes éditoriales différentes voire expérimentales (cf Récit à la fin de l’article) Pourquoi ce parti pris au sein de Studio Courte Échelle? 

Je pense que dans un premier temps, c’est une question de goût : goût du papier, de l’encre, du pliage, du façonnage. Avec Alexandra (co-fondatrice) nous faisions tous deux des microéditions et des livres d’artistes indépendamment, avant de fonder Courte Échelle ensemble. C’est un goût aussi de l’invention, cette idée de se poser des problèmes pour leur trouver des solutions, d’avoir l’opportunité d’avancer sur le fond et sur la forme de manière parallèle et cohérente. 

Pouvez-vous expliquer la notion de Slow édition, qui est le titre d’un de vos derniers livres, et comment elle se traduit concrètement au sein de votre maison d’édition ? 

C’est une catégorie assez peu visible dans le monde éditorial, qui n’est pas tout à fait le fanzine (qui se définit aussi par une forme d’amateurisme, de gratuité, de diffusion libre), et qui n’est pas exactement l’édition indépendante qui est déjà très intégrée dans des circuits de diffusion. 

Ce qu’on appelle Slow édition, c’est l’espace entre les deux, avec une sélection de collectifs, d’artistes, d’autrices, d’auteurs et d’éditeurs, d’éditrices qui choisissent de faire un pas de côté par rapport à la filière traditionnelle du livre. Ce qui inclut donc la diffusion, la distribution, le rapport à la librairie, le rapport aussi au tirage… tout simplement, la slow édition, c’est de faire un pas de côté pour ralentir et se dire finalement, qu’est-ce qu’on peut faire d’autre, comment est-ce qu’on peut imaginer un autre livre ? 

Aller chercher des formes expérimentales, différentes. On se situe aussi dans des problématiques écologiques puisqu’on sait qu’il y a quand même une énorme part de la production éditoriale, chaque année, qui va au pilon. On sait qu’il y a beaucoup de nouveautés, beaucoup trop pour les libraires qui sont un peu noyés. L’idée, c’est de produire sans doute moins mais mieux et de manière plus spécifique. 

C’est ce qui nous a aussi motivés, en 2022, à ouvrir au Havre HATCH, qui est une galerie du livre et de l’objet imprimé et donc un espace d’exposition dédié aux pratiques différentes du livre qui demandent forcément des modes de diffusion et de démonstration différents aussi. On prolonge ainsi notre activité d’éditeur-ices dans cette idée que, de façon sociale, de façon écologique, il y a une vraie urgence en ce moment à se poser la question de comment ? Comment fonctionner différemment ? 

Studio Courte Échelle – Stand Angoulême 2023 © Michaël Jillali

À la suite de Slow édition, vous souhaitez proposer à l’avenir plus de textes critiques sur ce que sont les livres . Quels sont vos prochains projets?  

On s’est rendu compte en sortant Slow édition que nous avions beaucoup de retour des acteurs et actrices de la scène éditoriale dont on parle dans le livre, puisque finalement ce sont des pratiques qui sont assez peu archivées et pas forcément très visibles, dans le sens où elles ne font pas forcément l’objet de texte critique. C’est donc dans ce cadre que sort la prochaine nouveauté, un ouvrage qui est soutenu par le Fadel et qui s’appelle « C’est l’heure : Studioburo : du papier au pixel ». On revient sur 20 ans d’histoire du collectif Studioburo, un collectif de design graphique notamment très actif auprès des institutions musicales de la scène alternative et qui a un rapport très fort à l’image et à l’illustration. Ce qui est très intéressant avec l’histoire de Studioburo, c’est qu’elle traverse 20 ans d’évolution technologique, d’évolution écologique aussi tout en tenant la ligne sur cette idée que « qu’est-ce c’est l’image ». 

Il nous a semblé que cette aventure racontait beaucoup de choses sur ce que c’est que le livre, ce que c’est que l’image imprimée, ce que c’est que la communication, le design graphique, et ça nous semble intéressant, encore une fois, de faire un pas de côté et prendre du recul. 

Même si on sait très bien que finalement, l’archivage du contemporain, c’est quand même délicat. Ça nécessite aussi de se laisser une marge de manœuvre, de se dire qu’en fait, on n’est pas dans un travail historique. On est dans un travail critique, donc on essaie de construire des choses, on n’est pas là pour les figer non plus. 

Propos recueillis par Valérie Schmitt

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Récit (ci-dessus, Sylvain Lamy, 2025) exprime tout à fait cet engagement, concevoir des formes éditoriales différentes, permettre aux artistes d’imaginer des objets insensés, au public de vivre des expériences singulières. Un récit : SI… TU… AT… ION… IN… IT…IA…LE… // Ouvrage dont les lecteurs et lectrices sont protagonistes, Récit est une aventure tautologique de plis en déploiement. Où il s’agit de tirer languette pour accéder aux volutes que dessinent les péripéties, avant de trouver le twist qui ouvre la conclusion + lien vidéo 

Voir la la vidéo-tutoriel de Récit

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