Le prix Mallarmé étranger de la traduction 2024 pour Les carnets du Dessert de Lune

Comment est née la collection LUA ?
C’est la première collection que j’ai lancée dans les Carnets du Dessert de Lune après la reprise de la maison qui était d’origine belge. On a donc commencé à devenir éditeur en plus des activités de la Maison de la Poésie de Normandie. De par ma formation en littérature comparée je me suis toujours intéressé aux questions liées à la traduction, notamment la traduction de la poésie. Au moment de rejoindre la maison d’édition je souhaitais chercher des financements pour lancer un projet sur des traductions de poésie d’aujourd’hui. Nous avons répondu à un appel à projets européen qui s’appelle Circulation des œuvres littéraires, qui concerne notamment des œuvres moins représentées comme le théâtre ou la poésie ou des langues moins représentées, comme celle d’Europe de l’Est. On cherchait aussi des auteurs contemporains. C’est comme cela que s’est dessinée l’idée de la collection en 2021. Le fait de publier en bilingue c’était aussi dans l’idée de faire venir les auteurs en France et d’envoyer nos traducteurs et nos auteurs français à l’étranger.
Quelles sont les langues et pays représentés dans la collection ?
Nous travaillons avec cinq pays : la Bulgarie, la Géorgie, la Finlande, la République Tchèque et le Portugal. La langue française est aussi représentée par le fait que tous les livres sont bilingues. Mais aussi parce qu’un auteur français contemporain est traduit dans la langue du pays partenaire. Nous faisons donc découvrir deux auteurs étrangers en France et un auteur français dans le pays partenaire. Cela nous amène à une collection de 15 titres (trois titres par pays) avec deux auteurs étrangers traduits en français et un auteur français traduit dans le pays partenaire. Huit premiers titres sont sortis en 2023. Et en 2024 sont parus les deux auteurs portugais. Sur les cinq auteurs français traduits en langue étrangère, trois sont déjà parus, les deux autres le seront d’ici mai 2025, date de la fin du partenariat européen.
Comment trouvez-vous les textes ?
Il y a eu un scénario différent avec chaque pays. On a la chance avec la Maison de la poésie de Normandie d’avoir déjà un réseau de poètes étrangers et de traducteurs qui étaient venus en résidence d’écriture. Donc soit on connaissait déjà les traducteurs et ce sont eux qui nous ont orientés vers les auteurs remarquables qui n’avaient jamais été traduits en français. Ou à l’inverse on voulait tel auteur et on a dû chercher des traducteurs.
Les premiers titres sont sortis en septembre 2023, il y a eu presque un an et demi de travail avant la sortie des premiers titres. Un travail important en amont qui consistait à rédiger tous les contrats d’acquisitions de droits, à établir les traductions, à faire les révisions de traductions. Je ne voulais pas que la collection soit juste de la poésie traduite, je voulais que les lecteurs qui lisent la traduction en français aient une vraie expérience de lecture poétique. Et pour cela j’ai encouragé les traducteurs à prendre quelques libertés, à conserver surtout l’esprit poétique du texte et pas seulement une traduction littérale.
Quels sont les retours des lecteurs et des professionnels du livre autour de ces titres ?
On a présenté nos ouvrages à plusieurs prix. Pour cette interview on parle du livre de Marie Vrinat, qui a remporté le prix Mallarmé étranger de la traduction 2024, mais sur la première sélection on avait trois livres finalistes, ce qui était exceptionnel pour une même collection qui n’a qu’un an d’existence. On a le livre de Eka Kevanishvili, Le transport des pauvres ne s’arrêtera nulle part, traduit du géorgien par Maya Katsanashvili, qui a été finaliste du prix Pen Club. On a beaucoup de blogueurs, d’influenceurs qui ont repris les livres aussi. Les livres géorgiens rentrent en pleine actualité avec ce qui se passe actuellement dans le pays, car ils ont une dimension politique, donc les gens s’y intéressent. Cela donne tout de suite une lumière à ces livres. On a des retours aussi qu’on n’avait pas anticipés, comme avec le livre finlandais de Anja Erämaja. L’autrice pratique la course à pied et écrit des poèmes et le livre a été repris par des revues qui parlent du lien entre la littérature et l’activité physique ou des revues de sport. Et sur les salons on voit aussi que les livres plaisent, suscitent de l’intérêt pour des auteurs de talent que personne ne connaissait en France jusqu’à présent.

Quel est l’avenir de la collection ?
On est satisfaits des jalons posés. Toutefois l’appel à projets européen se termine en mai 2025. Nous allons probablement nous rapprocher de l’Europe à l’automne 2025 pour essayer de continuer le travail commencé, mais quoi qu’il arrive la collection va se poursuivre, pas au rythme de 15 titres en deux ans bien sûr ! Mais on continuera de rajouter des titres au fil des années.
Au départ on imaginait ajouter beaucoup plus de pays mais en ce moment on réfléchit plutôt à fidéliser les pays dans lesquels nous sommes allés accompagner les auteurs et où on a créé des liens, créé des rapports de confiance. On a envie d’y retourner, de consolider les ponts parce que c’est cela l’esprit de la collection, créer des ponts pour faire circuler les œuvres.
Propos recueillis par Valérie Schmitt