À Deauville, « le festival Livres & Musiques décloisonne les arts »

Publié le 01/05/2024
Temps de lecture : 4mn
Philippe Normand, directeur artistique du festival Livres & Musiques.
© DR
La prochaine édition du festival Livres & Musiques de Deauville aura lieu du 5 au 7 mai. En 20 ans, il est devenu un rendez-vous atypique, carrefour de spectacles vivants, où comédiens, musiciens et auteurs explorent les relations entre les livres et la musique. Philippe Normand, Directeur artistique, en dessine les contours.

« Nous créons des spectacles et concerts uniques, où la musique rencontre l’œuvre d’un écrivain. » Avec sa programmation singulière où s’entremêlent musique et textes, le festival Livres & Musiques de Deauville a fait figure de pionnier en Normandie parmi les manifestations littéraires adeptes du croisement des genres.

« Créé en 2004, ce festival nous a révélé combien les arts étaient décloisonnés et combien l’imaginaire d’un artiste, du chorégraphe au poète, trouve l’inspiration dans bien d’autres formes d’art que celle dans laquelle il s’exprime », commente son organisateur Philippe Normand. « Rappelons-nous que toute l’histoire culturelle du XXe siècle s’est construite sur des rencontres privilégiées entre poètes et peintres, chorégraphes, compositeurs et plasticiens, chanteurs et poètes. » Interview.

Comment résumer le concept du festival Livres & Musiques de Deauville ?

Nous développons une programmation qui associe musiques et textes. Au fil des éditions nous avons exploré plusieurs modes de relation. Au départ, nous abordions la musique comme sujet de roman ou d’inspiration des auteurs. Puis nous avons exploré comment des générations d’écrivains se sont fédérées autour d’une forme musicale : les écrivains du classique, les écrivains du jazz, les écrivains du rock, puis les écrivains-chanteurs et les chansons d’écrivains :  de Boris Vian à Yves Simon ou Bertrand Belin ; les poèmes de Mac Orlan, Prévert et d’Aragon mis en musiques et chantés par Ferré et Ferrat,…  

Ensuite, nous avons mis en valeur comment la musique et de la littérature fondent l’imaginaire des grandes capitales : New York, Rome, Londres, Dublin… Depuis deux ans nous explorons désormais comment la musique traverse l’œuvre d’un écrivain. Nous avons inauguré ce format l’an passé avec Marguerite Duras, dont les titres de livres sont éloquents : La Musica, Moderato Cantabile, India Song

En invitant un écrivain d’aujourd’hui dans sa passion d’un écrivain d’hier, l’on a parcouru en 2023 les petites et grandes musiques de Marguerite Duras avec Colette Fellous. En 2024, c’est avec Florence Noiville et Sophie Delassein que l’on va découvrir comment la musique inspire, influence et parcourt les livres de Milan Kundera ou de Françoise Sagan.

En 2023, le temps d’une soirée spéciale, le festival a permis de parcourir « les petites et grandes musiques de Marguerite Duras ».
© Sandrine Boyer Engel

Votre festival est-il devenu un rendez-vous de spectacles vivants ?

Je le crois, avec des concerts littéraires et des lectures musicales inédites. Cette année, lors de cette soirée musicale consacrée à Milan Kundera, nous verrons comment, après avoir étudié dans son adolescence le piano et la composition, puis hésité entre création musicale et littéraire, il s’est consacré totalement à l’écriture. Nous évoquerons les œuvres musicales qui traversent ses romans, ou celles de Bach, Stravinski et Janacek qu’il préférait et qui ont inspiré son imaginaire. Ce sera la première création, littéraire et musicale du festival.

Pour le lendemain, nous avons conçu une autre soirée qui explore comment la musique a inspiré et révélé l’écriture de Françoise Sagan, à l’occasion du 20e anniversaire de sa disparition.

Le succès et la reconnaissance sont au rendez-vous ?

Je constate un engouement du public pour tous ces nouveaux rendez-vous littéraires en libre accès. Ce qui est formidable c’est qu’aujourd’hui, les grandes manifestations littéraires du territoire, comme Le Goût des Autres, au Havre, Le festival Epoque à Caen, ou Les Boréales, chaque automne, mobilisent, par la force et la singularité de leur programmation, un public qui circule d’une ville à l’autre et qui parfois vient de loin.

Parallèlement, depuis 20 ans, le Prix de la Ville de Deauville « Livres & Musiques », que préside Jérôme Garcin, conforte l’exigence artistique du festival. Il a couronné des auteurs pour qui la musique est essentielle, avec des livres inspirés par la musique, je pense à Jean Echenoz pour Ravel, Virginie Despentes avec Vernon Subutex, Pascal Quignard pour Dans ce jardin qu’on aimait et Jean-Baptiste Andréa pour Des diables et des saints.

Interview Laurent Cauville / Aprim

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