« Le livre en chantier », une nouvelle grille de lecture pour la filière
Près de 500 nouveautés inondant d’un coup les librairies. En septembre, la vague de la rentrée littéraire est un faux indicateur de l’état de forme de la filière livre. Cette année encore, elle est teintée d’inquiétude pour les professionnels, dans un contexte inflationniste toujours soutenu.
Si le livre et la lecture ne sont pas en chute libre en France (lire par ailleurs), des transformations profondes sont engagées sur le champ des pratiques. Dans une « guerre de l’attention » où les écrans sont des hameçons, quelle place pour le papier, quel avenir pour la lecture ? Et quelles incidences sur la diffusion et la création ? « Anticiper ce nouveau rapport au “lire”, et le faire collectivement, devient donc crucial pour toute la filière », résume Sophie Noël, directrice de Normandie Livre & Lecture.
Huit ateliers, deux thèmes
Pour « tracer des perspectives face à ces enjeux et envisager des solutions communes », l’agence régionale du livre a donc amorcé au printemps 2023 une démarche de réflexion-consultation inédite. Une série de huit ateliers menés en Normandie de mars à juin a permis à plus de 80 participants de s’exprimer. « Auteurs, organisateurs de salons, libraires, éditeurs, bibliothécaires, organisateurs de résidences artistiques, institutionnels… Toutes les composantes du livre en Normandie y étaient. »
L’approche participative a plutôt séduit : « Des temps d’échanges utiles car, hors relation exclusivement commerciale, il existe peu d’espaces pour rencontrer les libraires », confirme l’éditrice Fabienne Germain (éditions Zinédi).
Deux questions centrales ont alimenté les débats : Comment mieux rapprocher les professionnels ? Comment bien anticiper les mutations du livre et de la lecture ?
« Ces deux thèmes sont la raison d’être de Normandie Livre & Lecture, insiste Sophie Noël. Ils illustrent ce à quoi nous voulons être utiles : favoriser une coopération permanente au sein de la filière et proposer des clés de prospective. »
D’Argentan à Cherbourg, de Caen à Rouen, ces ateliers ont nourri une première liste des besoins et esquissé des pistes d’actions. Ainsi, le besoin d’accélérer la mise en réseau des professionnels se confirme. « On a imaginé par exemple des “speed meetings” ou des “Vis ma vie de libraire”…», illustre Sophie Noël. « Aussi à des actions pour mettre en relation des éditeurs, des auteurs, des bibliothécaires, par exemple un annuaire professionnel et un vade-mecum des bonnes pratiques », retient encore Pierre Aubert, directeur de la médiathèque Quai des Mondes à Mondeville.
Croisement d’idées
Sur l’adaptation aux nouvelles attentes du public, il a été beaucoup question de mieux valoriser l’offre. « Les recommandations par les lecteurs eux-mêmes, au sein de cercles de lecture, sont des approches à développer, tout comme une meilleure utilisation des réseaux sociaux, voire le recours aux influenceurs… » On s’est aussi demandé comment mieux valoriser la production régionale, « par exemple en proposant dans chaque librairie une table dédiée aux éditeurs de Normandie », ajoute Fabienne Germain. On a évoqué de nouvelles médiations du livre, ou une meilleure présence de l’écrit dans l’espace public. « Le croisement de toutes ces idées va nourrir notre plan d’action pour les trois ans à venir, à partir de 2024, apprécie Sophie Noël. Nous disposons là d’une bonne base pour envisager l’avenir plus collectivement. »
Laurent Cauville et Stéphane Maurice / Aprim