Goncourt des détenus : « J’ai redécouvert le plaisir de la lecture en détention »

Publié le 24/02/2025
Temps de lecture : 4mn
Lire en détention, débattre sur les livres avec d’autres détenus, découvrir des auteurs… Nombreuses sont les vertus du prix Goncourt des détenus. En détention à la maison d’arrêt de Rouen, Naya a souhaité participer au jury de la dernière édition, entre septembre et décembre dernier. Elle nous raconte son Goncourt.
Ce troisième Goncourt des détenus a été attribué en décembre à Sandrine Collette, pour Madelaine avant l’aube.

Naya, pourquoi avez-vous souhaité participer au jury du Goncourt des détenus (1) ?
C’est la troisième année que j’y participe, c’est toujours l’occasion de faire des découvertes littéraires et aussi et surtout matière à avoir des échanges avec d’autres personnes détenues.

Êtes-vous une grande lectrice ?
J’ai toujours aimé lire, mais mon activité professionnelle ne me le permettait pas, moins que durant ma scolarité en tout cas. Comme beaucoup, j’ai redécouvert le plaisir de la lecture en détention. C’est une distraction saine et accessible.

Avez-vous lu les seize livres de la sélection ?
Non, pas cette année ! J’ai manqué de temps, occupée par d’autres choses et mon travail. Il faut dire aussi que je n’étais pas attirée par tous les livres sélectionnés. Et le but du Goncourt est de nous réunir, de donner des recommandations aux autres participants et participantes, les lectures sont orientées en fonction des retours que nous nous faisons.

Que pensez-vous des échanges entre les participants et participantes lors des séances proposées ?
Les échanges étaient riches grâce aux fiches de lecture proposées, un exercice qui peut paraître scolaire, mais tout le monde a joué le jeu. Le groupe était constitué de personnes qui avaient une réelle envie d’échanger. Ces échanges valorisent nos capacités oratoires, notre expression orale. C’est aussi un temps où notre parole est écoutée, tout le monde est sur un pied d’égalité.

Qu’est-ce qui vous a touchée, surprise ?
J’ai aimé la variété des narrations des livres de la sélection, cela permet de s’ouvrir à d’autres genres littéraires et à de nouvelles lectures. Je n’ai, par exemple, d’ordinaire pas grand intérêt pour les romans historiques, et il se trouve que j’ai finalement adoré Les Guerriers de l’hiver. J’ai donc découvert Olivier Norek. C’était également inspirant de déconstruire l’image que l’on se fait de la littérature, que ce n’est pas une affaire d’élite, je peux prendre en exemple l’écriture accessible et très moderne de Rebecca Lighieri dans Le Club des enfants perdus.

Le Goncourt des détenus 2024 est-il le vôtre ?
Non ! Parce que Madelaine avant l’aube avait déjà été choisi par les lycéens… il aurait été intéressant de récompenser un autre livre.
Avec quel auteur de la sélection aimeriez-vous partager un moment à part, comme un repas ?
Je souhaiterais une visite guidée du Havre par Maylis de Kerangal !

Si vous écriviez un livre, ce serait quoi ?
Le principal reproche que je fais aux romans, c’est qu’ils ressemblent à des romans ! Il n’y a pas de prises de risques. J’aurais envie d’écrire une œuvre composite, comme un livre interactif disponible en ligne, avec des passages musicaux, des couleurs, des textures pour illustrer et surtout pour accompagner les sens ! Que la lecture soit presque un happening. Pour la thématique, il faut parler d’amour. La seule chose qui peut encore sauver le monde.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose, un commentaire, une proposition d’amélioration, etc. ?
En améliorations possibles, peut-être plus de contacts avec les auteurs et autrices. Également, plus d’échanges avec les autres établissements. Difficile de changer cela, mais, en ce qui concerne la sélection, il faudrait définitivement en finir avec les autofictions et les récits de développement personnel et thérapeutiques ! Peut-être éviter de tomber dans le trop politique aussi… Enfin, je me propose pour remplacer Christine Angot au sein de l’Académie !

Propos recueillis par Hélène Bonamy et Emmanuelle Giraud

(1) Organisé en partenariat avec le Centre national du livre, sous le haut patronage de l’académie Goncourt, ce prix est organisé dans différents lieux de détention de France. À la maison d’arrêt de Rouen, il a été coordonné par Mmes Wable (enseignante), Launay (directrice adjointe en charge de la Culture) et Bonamy (coordinatrice culturelle).

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