« Voie de garage » : itinéraire d’un homme hors des clous
Voie de garage nous plonge dans l’histoire singulière de Paulin, personnage inspiré de Martial Richoz. Fasciné depuis l’enfance par les trolleybus, il arpentait les rues de Lausanne derrière un véhicule qu’il avait fabriqué lui-même, en suivant un réseau de transport imaginaire. Raconté par Sophie Adriansen et illustré par Arnaud Nebbache, cette bande dessinée nous invite à une réflexion profonde sur notre manière d’appréhender la singularité.
Paulin est un homme à la fois attachant et atypique, dont la passion dévorante pour les trolleybus est souvent comprise et encouragée, parfois perçue avec méfiance et, finalement, dénoncée. Il sera ainsi placé en hôpital psychiatrique, et cet internement sera l’occasion d’un débat public sur le droit à la différence. À travers ce parcours tragi-comique, le récit questionne subtilement la frontière mouvante entre intérêt obsessionnel et pathologie, entre norme et différence.
« Les psychiatres ne cherchent pas à comprendre. Ni qui je suis, ni pourquoi je suis comme ça. Ils veulent juste me normaliser. Pourquoi est-ce que les psychiatres s’inquiètent quand un enfant ne joue pas, et tiennent à ce qu’il joue sérieusement ? Et pourquoi est-ce qu’ils s’inquiètent quand un adulte joue sérieusement ? »
Les magnifiques illustrations au pochoir d’Arnaud Nebbache, aux dominantes de bleu, vert, ocre et rouge, et la douceur des formes viennent résonner avec la personnalité de Paulin, dont la gentillesse et la bienveillance transparaissent dans ses relations aux autres.
En refermant Voie de garage, on ne peut s’empêcher de repenser à Paulin et à son monde, empli de trolleybus et d’une tendre obsession. Et de renforcer la conviction que notre société doit laisser une place à celles et ceux qui vivent autrement, avec une intensité qui défie les normes établies.
Sophie Noël
Voie de garage, de Sophie Adriansen (scénario) et Arnaud Nebbache (illustrations) éditions Dargaud
