Entre création et partage, l’illustrateur Léopold Prudon revient sur sa résidence à Colombelles

Comment s’est passée votre résidence (travail personnel et médiation) ?
Ma résidence dans la médiathèque Le Phénix à Colombelles s’est divisée entre un temps de médiation quotidien de deux heures l’après-midi avec des habitants du quartier et un temps de création qui se répartissait sur le reste de la journée. J’avais décidé de travailler dans les espaces communs de la médiathèque plutôt que dans une salle à l’écart, si bien qu’il n’y avait pas de séparation marquée entre ces deux temps : je me familiarisais avec le public de la médiathèque qui, de son côté, pouvait me voir travailler. Certains venaient dessiner même en dehors des heures de médiation. J’ai pu vraiment observer la vie quotidienne d’un tel lieu, vécu par beaucoup comme un refuge, un lieu de confort et d’échanges spontanés. Cette ambiance détendue – permise en large partie par l‘accompagnement de l’équipe du Phénix – a rejailli sur les moments d’ateliers, propices à une expression assez libre, où les dessins produits avaient autant d’importance que les discussions entre participants.
Quel était votre projet en rejoignant le programme ?
J’ai postulé à ce programme avec « La Cage de verre », un projet de bande dessinée de science-fiction qui raconte l’histoire d’une créature translucide vivant dans le jardin botanique de Caen, où des êtres malveillants sont enfermés dans la serre. J’ai utilisé cette semaine de création pour dessiner le story-board de la deuxième partie du livre afin de constituer un dossier pour trouver un éditeur. Sur le volet médiation, j’ai eu envie de m’appuyer sur ce projet pour proposer un atelier de création de personnages imaginaires, de monstres, de créatures en tous genres, avec l’idée qu’un tel sujet permettait à la fois de se représenter soi-même de façon décalée, de se livrer plus facilement, et aussi de se sentir décomplexé vis-à-vis des dessins « bien faits ». J’ai ensuite façonné un fanzine réunissant ces productions, destiné à être distribué à tous les participants.
Que vous a apporté votre participation à Du soleil entre les lignes ?
Il y a une sociabilité particulière à la médiathèque qui m’a beaucoup marqué. J’en suis ressorti habité, au moins les premiers jours, par une attention plus grande aux gens qui m’entourent. J’appelle ça « l’esprit médiathèque » : une manière d’être ensemble, de réunir des personnes diverses dans un espace calme, confortable et vivant, propice à la concentration et à la création. Les personnes qui y travaillent y sont pour beaucoup. De tels espaces sont précieux.
Que prévoyez vous pour la suite ?
Je viens de terminer et d’envoyer mon dossier pour le livre La Cage de verre, j’attends maintenant le retour des éditeurs. Une bande dessinée qui m’a demandé beaucoup de travail doit sortir en 2026 aux éditions Monsieur Toussaint Louverture – nous avons d’ailleurs discuté de la possibilité d’un évènement au Phénix pour l’occasion (exposition de planches, ateliers). J’entame également le travail sur le dessin d’une bd ayant trait à un évènement marquant de la seconde guerre mondiale, dans un village du sud de la France. Elle paraîtra aux éditions Allary, avec Louise Moaty au scénario.
Un temps fort lors des ateliers à partager ?
Les participants aux ateliers avaient tendance à ne pas s’inscrire, si bien qu’on ne savait jamais vraiment combien on serait ; c’était assez croissant, d’abord 3, puis 5, puis 8, avec des variations au fil des allées et venues… J’ai le souvenir de l’avant-dernier atelier, où la grande table s’est soudain retrouvée pleine à craquer. Tout le monde dessinait côte-à-côte, des enfants, des adultes, des habitués et des nouveaux, et même Stéphane de Normandie Livre & lecture et Julie de la médiathèque, tout le monde à égalité se faisant passer les livres de références, se montrant les dessins des uns et des autres, discutant à travers la table comme à un repas de famille, ou bien dessinant en silence. C’est cette atmosphère qui me reste en mémoire.
Propos recueillis par Alexandra-Jade Cuvelier
Cette résidence a lieu dans le cadre « Du soleil entre les lignes » , un programme d’accueil d’auteurs et d’autrices ; d’illustrateurs et d’illustratrices, de maisons d’édition dans les bibliothèques de Normandie.
Ce programme fait partie de « l’Été culturel », une manifestation à l’initiative du ministère de la Culture et mise en œuvre par la Direction régionale des affaires culturelles de Normandie et les opérateurs nationaux.
 
													 
									 
							 
							 
							 
							