« Parfois l’homme » de Sébastien Bailly, radioscopie d’une vie ordinaire
Ce livre aurait pu s’appeler « À la croisée des chemins ». Le personnage central, antihéros anonyme et représentant moyen du « mâle » occidental, est observé par un narrateur omniscient, qui le cueille à la naissance et l’emmène jusqu’à la mort.
À travers les étapes clés de sa vie sont envisagés différentes évolutions, différents choix, selon les aspirations de l’homme, sa capacité à s’émanciper, ou non, des partitions déjà écrites et jouées par d’autres avant lui, des déterminismes inhérents à son sexe et à sa classe sociale.
L’auteur dissèque et analyse, avec humour et une lucidité impitoyable, les petits choix qui font bifurquer le destin d’un individu, les atermoiements et errances de cet homme, d’abord fils puis mari et père. Car comment être sûr d’avoir fait le bon choix quand « chaque regard en arrière est un couteau planté dans le dos qui pousse vers le précipice où se morfondent les espoirs gâchés » ? Un antihéros parfois satisfait de lui-même et de sa réussite quand le succès lui tend les bras, parfois fataliste, qui expérimente tout simplement « le métier de vivre ». Sébastien Bailly signe ici son premier roman, très maîtrisé, jusqu’à la dernière ligne, avec une mention spéciale pour la dernière phrase, particulièrement savoureuse.
Valérie Schmitt
Mots choisis
« Il a peur de ne plus faire que répéter ce qu’il a vu de ses parents,
et que tout le livre de sa vie ait déjà été feuilleté par d’autres.
Il déprime un peu. Il a envie d’aventure. Il a envie de revenir en arrière d’un chapitre ou deux. Il recommencerait bien quelque chose. L’Homme est faible. Le sourire de la petite Clélia, ou Antigone,
ou Marie, […] est bien la chose que l’Homme n’avait pas prévue. […] Il est père. Et ça, ça n’était écrit nulle part. »
Bio express
Sébastien Bailly est né près de Paris et a grandi à Rouen, où il vit actuellement. Il a écrit de nombreux livres, dans des genres très différents : du livre documentaire au livre pratique en passant par des ouvrages sur la langue et le roman, sans compter les collaborations.
Ancien journaliste, il a notamment travaillé pour Ouest-France, Télérama et Libération, et est aujourd’hui formateur en communication. Admirateur de Perec, on lui doit d’avoir trouvé l’unique « e » qui s’était glissé par erreur dans une réédition de La Disparition.
Il a écrit plusieurs ouvrages dont un essai, Les Zeugmes au plat (Mille et une nuits, 2011) préfacé par Hervé Le Tellier. Parfois l’homme est son premier roman.