« Le gardien sans sommeil » de Guillaume Huon, un imaginaire doux et inquiétant
Dans un village rural nommé Igarka, prospère une micro-société aux règles bien définies. Entre les fermiers, les artisans, les gardiens du temple et le sergent Sören, héros central de l’histoire, la distribution des rôles et le respect des coutumes façonnent un ordre immuable. La quiétude règne en maître dans le village, rythmé par les saisons, les récoltes et l’hibernation de ses habitants. Cependant, la mort énigmatique du vieux Matteus vient bouleverser cette sérénité, obligeant Sören à changer de perspective.
Ambiance ouatée
Le tempo du récit, doux et contemplatif, nous plonge dans la léthargie pré-hivernale. Les habitants se préparent à ce sommeil prolongé, synonyme de métamorphose. L’ouvrage scrute ainsi notre animalité, tissant un parallèle entre l’homme et la nature. La description du processus physique de l’hibernation nous confronte à un retour à l’état sauvage, tempéré par la douceur ouatée du sommeil à venir.
Le roman explore également avec finesse le thème de la séparation. L’hibernation, au-delà de son aspect physique, induit une rupture, provoquant la séparation d’avec l’être cher, et plus poignant encore, d’avec les enfants. Comme en suspens pendant ces longs mois, l’amour, qu’il soit paternel ou sentimental, cherche des voies détournées pour s’exprimer, à travers le monologue intérieur du héros, ou dans ses gestes de protection. Au cœur de cette atmosphère feutrée, le silence devient à la fois manifestation de l’amour et enjeu des secrets à démêler.
Ce premier roman de Guillaume Huon, normand de souche, propose un imaginaire à la fois doux et inquiétant. Un livre où chaque mot résonne comme une note assourdie, invitant les lecteurs à s’aventurer au cœur de ce village hors du commun.
Sophie Noël
Mots choisis
« Sören se disait encore qu’il aurait aimé voir Anna s’arrondir, au lieu de se réveiller un beau jour d’ici cinq ou six mois quand elle serait gonflée comme un fruit mûr. Et face à tout cela il ne trouvait rien à faire sinon se lever le premier, veiller à tout et garder les yeux ouverts le plus longtemps possible, puisque le destin était un lâche. »