Résidence poétique à Rouen : Husnia Anwari, entre résistance et écriture

Publié le 05/09/2025
Temps de lecture : 7mn

Découvrez le témoignage inspirant d’Husnia Anwari, poétesse franco-afghane, qui a trouvé dans la poésie une voix pour défendre la cause des femmes afghanes et apaiser son âme. À l’occasion de sa première résidence à Rouen du 13 au 25 mai, elle nous parle de son projet, des rencontres marquantes et du pouvoir de l’écriture comme acte de résistance et de partage. 

Husnia Anwari © La Factorie

En préambule, pourriez-vous, en quelques lignes, vous présenter et rappeler le sujet du projet d’écriture que vous avez commencé ou poursuivi en résidence ? 

Je m’appelle Husnia Anwari, poétesse et journaliste franco-afghane, 38 ans, née en Afghanistan. J’ai participé à divers événements de poésie, notamment à un événement de la Maison de la Poésie à Paris en 2021 en soutien et hommage aux femmes afghanes après la chute de Kaboul et l’arrivée des talibans en Afghanistan en 2021. 

J’ai quitté mon pays natal en raison de mes activités en tant que femme artiste, intellectuelle et féministe en Afghanistan. 

Je suis arrivée en France en 2014 et j’ai obtenu le statut de réfugiée politique. En 2020, j’ai été naturalisée française. J’ai obtenu un master en Droit International et Européen à l’université de Toulouse. Actuellement, je travaille pour le site d’Infomigrants en tant que journaliste, où j’écris également des articles sur l’Afghanistan (la situation des femmes, l’art, la culture, la littérature et l’immigration). 

J’écris des poèmes depuis ma jeunesse, mais j’ai commencé à le faire sérieusement après la chute de Kaboul en 2021. La poésie nourrit mon âme. Pour moi, elle est un acte de résistance. Par la poésie peut être que je pourrais être la voix des femmes afghanes, emprisonnées dans leur propre pays, tandis que le monde reste silencieux. La poésie apaise cette blessure… 

J’ai été en résidence à la Maison de la Poésie et de l’Oralité de Rouen du 13 au 25 mai 2025, soutenu par la Factorie-Maison de la poésie de Normandie. Pendant les deux semaines de cette résidence, j’ai écrit des poèmes sur le sujet de femme et la résistance… J’ai pu finaliser le projet de mon premier recueil qui sera publié prochainement. J’ai fait également plusieurs lectures de poésie et participé à des ateliers d’écriture à la résidence. 

Est ce qu’il s’agissait de votre première résidence ? 

Oui, c’est la première résidence à laquelle j’ai participé pour l’écriture et la création collective, notamment à travers des lectures de poésie avec d’autres poètes et artistes. 

Pourquoi avoir choisi ce lieu de résidence ?

J’ai besoin de calme et de concentration pour écrire. Avoir du temps uniquement pour cela, sans penser à rien d’autre. Simplement tout laisser de côté et se consacrer pleinement à la création. C’est une chance rare, surtout pour quelqu’un qui doit concilier l’écriture avec d’autres activités professionnelles. 

J’ai passé deux semaines en résidence, et au moment du départ, mon sac était presque rempli de poèmes… Bien sûr, deux semaines ne suffisent pas pour achever un projet, surtout un recueil. 

J’étais avec une autre poétesse dans la même résidence. Nous avons travaillé chacune de notre côté, mais nous avons aussi échangé sur la poésie et partagé nos expériences. Ces discussions ont enrichi notre relation et nous ont permis d’apprendre l’une de l’autre. 

Après notre départ, nous avons eu envie de continuer ensemble et de garder le contact. Nous espérons pouvoir collaborer sur d’autres projets poétiques à l’avenir. C’est tout l’esprit d’une résidence : créer, partager, et tisser des liens. 

Grâce à cette résidence, j’ai pu élargir mon réseau, rencontrer des poètes et échanger sur mes projets futurs. Ce fut une belle expérience, riche en apprentissages et en découvertes dans le monde de la poésie. 

Comment votre histoire influence-t-elle votre démarche créative ? 

Mon travail artistique est profondément lié à ma vie. Les poèmes que j’écris racontent les réalités de mon existence en tant que femme afghane. Je viens d’un pays patriarcal et conservateur où les femmes sont ignorées, subissent des violences… L’expérience de l’exil, et puis le choc de voir mon pays natal tomber aux mains des talibans, l’incertitude qui pèse sur les femmes afghanes, leur absence de liberté… Tout cela est intimement lié à ma vie et s’entrelace avec ma poésie. 

Mes écrits sont inspirés des réalités qui m’entourent. Ils parlent des femmes, notamment les femmes afghanes, de leur force, de leurs résistances, de la liberté, du corps et de la puissance de ces femmes. Écrire des poèmes m’aide à apaiser mon âme, à alléger mes pensées et à être une voix pour celles qui n’en ont pas le droit de s’exprimer comme les femmes en Afghanistan, prisonnières dans leur propre pays. La poésie est un acte de résistance pour moi, je résiste avec. 

Qu’est-ce que vous appréciez le plus dans le fait d’être en résidence ? 

Je pense que la résidence permet d’avoir un temps privilégié pour un projet artistique. Comme j’ai indiqué à la dixième question : j’avais besoin un temps à part. Donc j’ai travaillé avec une concentration importante et sur les textes de poésie. Dans ce projet, j’ai apprécié aussi tout particulièrement la possibilité de travailler à plusieurs, d’expérimenter une nouvelle forme, de dialoguer avec d’autres disciplines artistiques et avec d’autres artistes. 

Pourriez-vous décrire une rencontre ou un moment fort de votre résidence ? 

J’ai apprécié chaque moment et chaque rencontre durant la résidence. Deux événements m’ont particulièrement marquée. 

Le premier était une lecture de poésie au musée Gustave Flaubert, entourée de parfums et de bougies, avec la musique qui m’accompagnait. Cette soirée coïncidait avec La Nuit des Musées, et des enfants curieux ont dit : « Je veux écouter la poésie. » Ils se sont assis en face de moi et ont écouté attentivement jusqu’à la fin. C’était une lecture intime, dans la maison d’un médecin, celle de la famille Flaubert, imprégnée d’une ambiance aux parfums d’Orient. 

Le deuxième moment que j’ai particulièrement aimé était la lecture de poésie avec l’ensemble vocal féminin. J’ai lu mes poèmes, notamment celui dédié à la musique et celui que j’ai écrit pour ma fille, Daria. J’ai expliqué le thème du poème à la cheffe d’orchestre, qui est elle-même une femme et une mère. Nous nous sommes parfaitement comprises, et la poésie et la musique semblaient se répondre harmonieusement. C’était un instant chargé d’émotions, profondément touchant. 

Propos recueillis par Mylène Heigeas

Retrouvez d’autres retours d’auteurs et autrices qui ont participé à des résidences d’écriture en Normandie sur le site terre-ecriture.normandielivre.fr

Notre sélection