En résidence aux Fours à Chaux, Nicolas Sorel donne un nouvel élan à un futur roman
Après des débuts dans le journalisme, la carrière d’auteur de Nicolas Sorel s’est longtemps écrite parallèlement à un parcours de production de projets culturels. Pas de surprise donc à ce qu’il ait écrit majoritairement du théâtre, même si sa bibliographie s’est enrichie de poèmes, de chansons, de chroniques, de feuilletons, de nouvelles, d’un polar, d’un roman jeunesse.
On le retrouve en sortie de résidence, au Centre départemental de Création des Fours à Chaux, à Regnéville-sur-Mer (Manche). Son séjour d’écriture s’y est organisé en deux périodes : du 26 février au 8 mars puis 25 mars au 6 avril 2024. Quatre semaines pour reprendre le fil d’un projet engagé depuis longtemps : « un roman pince-sans-rire, articulé autour des frasques d’un bonhomme déroutant, d’un zigoto tragique baptisé Anatole Thorax. »
Interview bilan.
Vous terminez quatre semaines de résidence d’écriture aux Fours à Chaux. Sur quoi avez-vous travaillé ?
C’est un roman intitulé Anatole Thorax est saugrenu. Il s’attache aux pas d’un personnage autiste, en complet décalage avec la réalité. Cela donne lieu à des situations comiques et tragiques, le malaise et la solitude vont de pair avec l’absurdité des situations.
Le récit est basé sur le journal intime de l’assistante sociale chargée d’évaluer la faculté d’indépendance de ce quarantenaire souffrant d’un handicap mental, isolé suite au décès de sa mère. Elle va s’immerger dans l’univers improbable de cet autiste solaire, se trouver prise dans l’engrenage des questions stupides et existentielles qui le tarabustent et découvrir le gouffre d’ombre caché derrière les incartades de ce gugusse pas si innocent qu’il en a l’air.
En quoi la résidence a-t-elle été bénéfique ?
C’est un projet sur lequel je travaille depuis des années, par bribes. J’en étais arrivé à un point où l’accumulation des bribes était trop importante. Une résidence était la solution idéale pour prendre l’ensemble du projet à bras le corps, repasser toutes les bribes pour en faire un texte unique, peaufiner un scénario tenu et remettre le projet sur les rails.
C’était une expérience nouvelle, votre première résidence ?
J’avais déjà bénéficié d’une résidence sur une période beaucoup plus courte et avec beaucoup d’actions de médiations à réaliser. Et c’était dans un lieu que je connaissais bien, près de chez moi. Du coup, cette fois, j’ai eu l’impression d’être en résidence pour la première fois, même si ce n’est pas tout à fait vrai.
Pourquoi avoir choisi ce lieu de résidence ?
Parce que les conditions proposées étaient vraiment tentantes, j’ai eu le sentiment que l’organisation mettait tout en œuvre pour que les artistes n’aient rien d’autres à penser qu’à leur création. C’est exactement ce qui s’est passé. Par ailleurs, pour des raisons personnelles, je suis attaché au village de Régneville et à ses alentours : avoir la possibilité d’y revenir et d’y passer un long moment est très émouvant pour moi, et donne beaucoup de sens au fait de venir créer ici.
« La panne est réparée : j’ai l’impression que le cargo est à nouveau à flot »
Qu’est-ce que vous appréciez le plus dans le fait d’être en résidence ?
En premier lieu la possibilité de s’extraire de son quotidien, de se libérer de la charge mentale habituelle, de passer ses journées sur un projet exclusif, au lieu de sept à la fois comme j’ai la contrainte et l’habitude de faire.
On a le temps de penser à ce qu’on écrit, pourquoi on l’écrit, comment on l’écrit. Le temps s’allonge… on peut travailler longtemps, et beaucoup ! J’apprécie également les rencontres avec les autres artistes dans ces conditions particulières : on n’est pas sur le même projet mais on est là pour les mêmes raisons, cela crée une communauté agréable et une dynamique.
Comment votre résidence vous a aidé dans votre projet d’écriture ?
Mon projet d’écriture était en panne, trop imposant pour les courts créneaux que je pouvais lui consacrer. J’ai enfin eu le temps de le relire en intégralité, de le considérer dans son ensemble, ce qui m’a servi d’une part à penser les ajustements dont il a besoin, d’autre part à prendre un nouvel élan pour le relancer. La panne est réparée : j’ai l’impression que le cargo est à nouveau à flot, qu’il a repris la marche qui le mènera à bon port.
Aviez-vous des appréhensions ou des doutes sur votre projet qui ont pu être résolus pendant cette période ?
J’avais beaucoup de doutes, et autant d’appréhensions : en premier lieu sur ma capacité à aller au bout d’une aventure au long, très long cours. J’avais des doutes sur la qualité même du projet, et la peur que tous les éléments disparates précédemment assemblés ne forment pas un tout aussi cohérent qu’espéré. J’avais enfin la crainte que certains passages, les premiers que j’ai écrits il y a des années, ne soient plus d’actualité. Tous les doutes ne sont pas levés, mais j’ai eu le temps de trouver des solutions pour résoudre les principaux problèmes. Enfin je l’espère…
Pourriez-vous décrire une rencontre ou un moment fort de votre résidence ?
Le personnage principal du roman est un autiste étonnant, le titre du livre devrait être Anatole Thorax est saugrenu. Lors d’un atelier d’écriture mené à la Médiathèque de Valognes, la structure qui m’a parrainé, les participants ont inventé et décrit « leur Anatole Thorax ». C’était très intéressant, surtout très émouvant, de voir des répliques de mon personnage s’incarner dans l’imaginaire d’autres gens, alors qu’il n’existe pas encore tout à fait.
Quelle suite pour votre projet d’écriture ?
C’est une question à la fois facile et difficile : facile parce que maintenant que le projet est relancé, il faut aller au bout ! La résidence m’a permis de beaucoup avancer, le premier jet est presque terminé, reste à le finaliser, puis à faire tout le retravail dessus. C’est là que ça devient difficile.
Après la parenthèse de la résidence, la vie « normale » reprend son cours, donc les difficultés de dégager du temps pour une création personnelle reviennent. J’espère quand même réussir à aboutir un manuscrit d’ici la fin de l’année 2024, pour pouvoir le proposer à des éditeurs en 2025.
Ce projet a bénéficié d’un soutien de la DRAC de Normandie, de la Région Normandie et du CNL au titre du FADEL Normandie.
Propos recueillis par Cindy Mahout
Un écrivain partageur
Passionné par l’art de raconter des histoires, par la transmission et le partage, Nicolas Sorel anime aussi des ateliers d’écriture auprès de publics variés.
Avec sa structure Polygraphe, fort du constat que les récits sont partout et afin d’investir tous les endroits dans la société où la présence d’un auteur peut être pertinente, il propose de nombreuses actions culturelles ainsi que des formations et accompagnements.