En résidence au Moulin Blanchard, Niklovens Fransaint partage sa poésie entre atelier et création

Publié le 02/07/2025
Temps de lecture : 5mn
Niklovens Fransaint, auteur originaire d’Haïti et co-dirigeant de la maison d’édition L’Appeau’Strophe, a quitté, entre octobre 2024 et janvier 2025, le soleil de la côte méditerranéenne pour la fraîcheur vivifiante de la Normandie, lors d’une résidence d’écriture au Moulin Blanchard, qui a bénéficié du soutien du FADEL (Fonds d’Aide au Développement de l’Economie du Livre en Région Normandie). 
Niklovens Fransaint © Patrick Bard

Auteur francophone récompensé du prix Léopold Sédar Senghor en 2018 et du Prix de l’invention poétique en 2023, Niklovens Fransaint invite ses lecteurs à voyager dans les vers qu’il compose et traduit en français et créole haïtien. 

Niklovens Fransaint se consacre à l’écriture, explorant les territoires de la poésie et de la prose lyrique. Son œuvre interroge la mémoire, l’enfance, l’exil et les multiples variations de l’amour, en privilégiant la musicalité du verbe et le souffle intérieur du texte. 

Au cours de cette résidence, il a élaboré un projet de recueil de poèmes intitulé Des lunes toujours vertes, suivi de Port-au-Prince en lettres d’amour. Ce projet est un double hommage : d’une part, une méditation intime sur la persistance du sentiment ; d’autre part, une déclaration d’amour à Port-au-Prince, ville à la fois tangible et onirique, imprégnée de mémoire et de promesses, ainsi qu’à toutes les cités façonnées par l’épreuve et la résilience. Dans le cadre de sa résidence, il a également animé une série d’ateliers au Collège Yves Montant au Theil sur Huisne, sur le thème de L’Autre et L’Ailleurs. 

Est ce qu’il s’agissait de votre première résidence ?  

Non, ce n’était pas ma première résidence, mais elle fut une expérience singulière et marquante. Chaque résidence est une immersion différente dans l’écriture, selon le lieu, l’énergie ambiante et le temps dont on dispose pour approfondir son projet. 

Pourquoi avoir choisi ce lieu de résidence ?  

Ce lieu s’est imposé à moi. J’avais besoin d’un espace qui me permettrait de m’isoler et de me reconnecter à certaines émotions profondes. Loin du tumulte de l’agglomération, ce cadre a offert à mes textes un souffle nouveau. Le silence environnant m’a permis de mieux entendre la voix intérieure du texte, de laisser affleurer des images enfouies et de ciseler mes vers avec plus d’acuité. 

Qu’est-ce que vous avez le plus apprécier dans le fait d’être en résidence ? 

Le temps suspendu. Être en résidence, c’est entrer dans un autre rythme, où l’écriture devient un battement continu, presque organique. J’ai aimé cette immersion totale, où les journées se construisent autour des mots, des lectures, des relectures. C’est un privilège rare que de pouvoir se consacrer pleinement à un projet, sans les interruptions du quotidien. 

Aviez-vous des incertitudes liées à votre projet qui ont pu être résolues pendant cette période ?  

La résidence m’a fourni un environnement propice à une exploration plus libre et plus approfondie de la thématique de mon projet. J’ai pu lever certaines incertitudes que j’avais concernant l’organisation du recueil. Je me questionnais particulièrement sur la manière de lier la partie introspective, Des lunes toujours vertes, et celle consacrée à Port-au-Prince, Port-au-Prince en lettres d’amour. J’ai eu l’espace nécessaire pour éclaircir cette relation, et pour créer un fil conducteur plus fluide qui les relie, tout en préservant et en assumant leur essentiel contraste. 

Elle a également été un terrain d’expérimentation pour moi, me poussant à explorer d’autres formes poétiques. J’ai pris davantage de libertés avec l’agencement de l’espace textuel, en jouant avec les blancs, les pauses, les respirations. Cette approche formelle m’a permis de mieux me rendre compte de la profondeur de mes émotions et d’exprimer la musicalité de mes souvenirs de manière plus vivante et nuancée. 

Pourriez-vous décrire une rencontre ou un moment fort de votre résidence ? 

Un moment marquant fut une discussion avec un autre résident. Nos échanges sur la mémoire et la transmission m’ont ouvert des pistes nouvelles, notamment sur la manière dont l’écriture poétique peut être une manière de cartographier l’intime, tout en gardant cette ouverture sur les autres. 

J’ai également vécu de nombreux instants forts avec les élèves. J’ai mené une série d’ateliers d’écriture avec les classes de troisième du Collège Yves-Montand du Theil. Ces ateliers ont constitué des moments marquants de la résidence, me permettant de partager des instants précieux et de découvrir des textes magnifiques, fruits du travail des élèves.  

Quelle suite pour votre projet d’écriture ?   

Le recueil est en phase de finalisation. Je poursuis un travail minutieux de réécriture et de mise en forme, en veillant à conserver l’authenticité des premiers jets. 

J’aimerais également organiser des lectures publiques, car la dimension orale de la poésie est essentielle pour moi. En donnant voix à ces poèmes, je souhaite partager leur souffle, leur vibration, et permettre aux lecteurs d’entrer en résonance avec eux d’une manière plus immédiate. 

Enfin, j’envisage peut-être une édition bilingue, afin de toucher un lectorat plus large et de renforcer la dimension universelle de ce dialogue entre l’intime et le monde. 

Propos recueillis par Mylène Heigeas 

Livres de Niklovens Fransaint : 

  • Ce bruit que fait vivre, L’Appeau’Strophe, 2022 
  • Délit d’ombre, Éditions Unicité, 2023.
  • Dans powèm pou sèl sezon flè, La danse du poème pour seule saison de fleurs, Caraïbéditions, 2024 

Autres traductions :

  • Kalonnen de Ricardo Hyppolite, traduit, Lapidation, L’Appeau’Strophe, 2023 

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