En résidence à Bernay, Lise Béninca embarque petits et grands dans un conte musical

Autrice d’albums jeunesse, rédactrice et prête-plume, Lise Beninca s’est laissée porter par l’inspiration collective pour créer un univers visuel et sonore envoutant. C’est en répondant à l’appel à candidature de l’Intercom de Bernay qu’elle a la brillante idée de postuler avec Christel Sadde (artiste plasticienne) et Thomas Pouyé (violoniste, chanteur et compositeur) dans le but de créer un conte musical, tout en menant des ateliers de médiations auprès de différents publics. Ce projet empreint de joie, de liberté et de rire est né de la volonté de faire participer le public et surtout de distribuer des sourires.
Comment avez-vous appréhendé la création de ce conte musical ?
Pour moi, comme pour Christel et Thomas, cette expérience était complètement nouvelle. Nous n’avions jamais travaillé ensemble, et jamais créé de conte musical, ni les uns ni les autres ! Nous étions à la fois excités par cette aventure, et assez impressionnés par l’ampleur du défi. Mais avoir la chance d’être financés pour mener un projet de cette ampleur, incluant six représentations finales dans une très belle salle (la salle Robert Fort à Beaumont-le-Roger), et devant un public de 250 enfants pour les représentations destinées aux scolaires, c’était assez unique et très motivant !
Pour choisir le thème du conte, comme tout était possible (et donc difficile de choisir entre un thème plutôt qu’un autre), j’ai décidé de demander à Christel avec quel matériau elle aimerait travailler pour composer le décor du spectacle (sachant que Christel conçoit exclusivement des sculptures mobiles, très aériennes et poétiques). Elle m’a répondu d’emblée : « Des bouées gonflables, ça m’amuserait beaucoup ! » C’est de là qu’est partie l’idée du thème aquatique, qui inspirait aussi Thomas pour créer un univers sonore. De mon côté, j’ai pensé à tous les enfants qui ont peur de l’eau, qui ne savent pas bien nager (j’ai pu constater cela en accompagnant les sorties piscine de mon fils quand il était à l’école primaire) et ce sujet m’a inspirée pour créer le personnage d’Océane : elle est tétanisée à l’idée d’aller là où elle n’a pas pied, et en même temps elle rêve d’aller observer les poissons près du massif de rochers là-bas…
Les témoignages des enfants, les éléments travaillés avec eux lors de nos ateliers ont été aussi une belle source d’inspiration et une rencontre magnifique pour nous trois : nous avons passé quatre jours complets avec les deux classes de CM2 de l’école Commandant-Cousteau à Beaumont-le-Roger, pour les intégrer à cette création. Ce sont d’ailleurs eux qui ont trouvé le prénom de notre héroïne, Océane.

Qu’est-ce que cette collaboration à trois vous a apporté ?
Étant logés ensemble à Beaumesnil pendant les 5 semaines de résidence (réparties sur 5 mois), nous étions totalement immergés dans notre projet, et les idées fusaient au petit-déjeuner comme au dîner. Cela donne une énergie incroyable ! Nous avons la chance de nous être très bien entendus, amicalement comme artistiquement : chacun a trouvé sa place, tout en étant à l’écoute des remarques, idées, conseils des autres. Nous nous sommes soutenus également dans les moments de stress ou de doute ! Je me souviendrai longtemps du moment où Thomas et moi avons inventé la chanson phare du spectacle, et de l’installation avec Christel de son grand mobile sur la scène de spectacle. Avoir ainsi une porte ouverte sur nos univers respectifs et les faire s’entrecroiser pour que l’ensemble fonctionne et fasse rêver ou rire les spectateurs, c’était une aventure incroyable.
Je voudrais aussi saluer les sept professeurs du conservatoire de Bernay et leur chef d’orchestre, qui ont participé au projet en jouant en direct la musique composée par Thomas lors des représentations. Assister à leurs répétitions, les voir s’inscrire dans le spectacle, c’était vraiment enrichissant car personnellement je n’avais jamais eu l’occasion d’être ainsi au contact d’un orchestre.
Qu’est-ce que vous appréciez le plus dans le fait d’être en résidence ?
La résidence est un temps hors du temps… On peut se permettre de tout laisser de côté et de ne penser qu’à la création. C’est tellement rare ! En même temps, 5 semaines (avec des ateliers à animer), ce n’est bien sûr pas suffisant pour créer de toutes pièces un vrai spectacle de 45 minutes. Nous avons donc également travaillé chacun de notre côté, en dehors des temps de résidence. Ce qui fait que nous sommes restés connectés pendant 5 mois… Alors maintenant que le projet est terminé, nous avons envie de continuer ensemble. Nous espérons pouvoir rejouer ce spectacle dans d’autres salles, ou en créer d’autres par la suite. C’est le principe d’une résidence : elle offre aux artistes un temps de création, qui leur servira de tremplin, d’incubateur, de test grandeur nature…

Pourriez-vous décrire une rencontre ou un moment fort de votre résidence ?
Le moment le plus fort, ça a été la première représentation devant une salle remplie d’enfants (ils sont venus de toutes les écoles des environs) : nous étions vraiment stressés, nous ne savions pas du tout si l’histoire allait leur parler, si elle les ferait rire, s’ils allaient réagir comme nous l’imaginions, si l’ensemble serait cohérent, car nous n’avions même pas eu le temps de faire une répétition générale. Mais Sara Belviso, la comédienne qui incarnait Océane, est très vite entrée en connexion avec eux grâce à son jeu expressif, enjoué, et ils ont marché à 200 %. Nous étions tous les trois dans les coulisses pour activer certains éléments du décor, et nous avons d’abord entendu les enfants rire discrètement, puis éclater de rire, puis hurler à l’arrivée du requin ! Le public était au rendez-vous. Grand soulagement et grande joie !
Propos recueillis par Mylène Heigeas