Émilie Boré : « Quand j’écris, mille références me traversent sans même que je m’en rende compte… jusqu’à parfois me couper les jambes »

Lectures
Publié le 14/11/2024
Temps de lecture : 3mn
Dans chaque numéro de Perluète, une autrice ou un auteur invité prolonge le thème du dossier du mois. Émilie Boré s’est laissée inspirée pour imaginer un texte autour des autres vies du livre. « Dans ce dossier consacré à l’interaction féconde entre le livre et les autres arts, je trouvais amusant d’évoquer, en contrepoint, cette coupure d’inspiration que peuvent provoquer les œuvres ou les créateurs avant nous.  »
Émilie Boré © Coralie Renouf

Après 120 ans de mystère, on venait de retrouver dans la petite chapelle de l’école Saint-David, sur la 89e rue, tout près du Guggenheim, dix vitraux jadis accrochés dans le bureau d’Émile Zola, à Médan. New York–Les Yvelines. Improbable correspondance, pensa-t-elle.

Encore plus improbable, cette vie de Marie Madeleine sous les yeux de celui qui avait inventé Nana, la sublime prostituée jamais repentie…

Elle reprit sa lecture.

Dans l’article qui relatait cette découverte, on lisait que l’écrivain avait choisi ces vitraux non par piété – il était totalement agnostique – mais pour leurs couleurs éclatantes : des bleus, rouges et jaunes magnifiés par la lumière du soleil levant venant du parc. « Ils lui servaient d’écran pour filtrer la réalité et transformaient son cabinet de travail en tableau de peintre impressionniste ; être plongé dans cet environnement irréel contribuait à nourrir sa pensée artistique. »

Elle posa le journal et regarda par la fenêtre de son bureau.

Une mouette s’était oubliée et une traînée grisâtre barrait la vitre. Soulages ? Plutôt Nicolas de Staël, se corrigea-t-elle intérieurement. La mer, à quelques mètres de là, n’était même pas bleue. Un groupe de longe-côtistes bruyant et bariolé s’était agglutiné pour se prendre en photo et avait laissé traîner, en souvenir, imagina-t-elle, un emballage de sandwich-triangle et une peau de banane, seul élément lumineux du décor. Elle pensa vaguement à un tableau-piège de David Spoerri, où les reliefs sans grâce d’un repas devenaient une véritable scène de genre. Elle s’étira mollement et soupira.

Elle écrirait un texte génial sur l’interaction entre le livre et les autres arts plus tard.

Retrouver le dossier « Les autres vies du livre » dans Perluète #15, paru en mars 2024

Bio express d’Émilie Boré

Née en 1984, Émilie Boré est diplômée de l’École du Louvre et titulaire d’un master en lettres et histoire de l’art. Aujourd’hui rédactrice et correctrice naviguant entre la Suisse et le Cotentin, où elle a ses racines, elle est l’auteure de plusieurs livres, notamment pour enfants.

Avec le dessinateur Vincent Di Silvestro, elle publie à la Joie de Lire des albums jeunesse qui flirtent avec la bande dessinée : Jean-Blaise, le chat qui se prenait pour un oiseau (2022), Il est où Diouke ? (2023) et Jean-Blaise tombe amoureux (2024). Avec son frère, l’auteur, compositeur et chanteur Matthieu Boré, elle propose une version musicale des aventures de son drôle de chat dans Jean-Blaise : le pestacle.

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