Agnès vit dans un petit village brut, isolé et encerclé par une forêt ancestrale. Seule avec son père depuis la disparition de sa mère lors de son adolescence, la jeune femme vit au rythme des tâches ménagères et des obligations liées à la ferme.

Un quotidien aussi fade et morne que le silence qui habite son père depuis des années. Sans aucune émotion, autre que la certitude d’une défaillance au sein de son histoire familiale, Agnès est comme prise au piège par une sensation de lourdeur qui lui colle à la peau, la rendant totalement incapable de s’épanouir et de s’émanciper. Son seul plaisir occasionnel est celui de la chair, presque vital, qu’elle partage avec Pàl sans jamais accepter de s’y abandonner totalement ; en a-t-elle seulement la possibilité ?

Un premier roman assez glaçant, à l’univers sombre tant dans la nature qui y est décrite que dans les sentiments et caractères des personnages. Une plume poétique et parfois abstraite qui conte l’enfance meurtrie, les blessures intimes et le poids des secrets.

Directement classé OLNI, « œuvre littéraire non identifiée », La Couleur des choses est l’agréable surprise de la fin d’année. Surprenant d’un point de vue graphique (celui d’être à la pure verticale durant tout l’album, une vue du dessus), captivant dans le récit à la fois drôle et dans l’action, La Couleur des choses emprunte à Chris Ware une narration inventive et unique.

Quand on sait que l’auteur, Martin Panchaud, est grand dyslexique et cinéphile, notre lecture est d’autant plus convaincue par cette œuvre donnant ses lettres de noblesse au roman graphique. Il est d’ailleurs nominé dans plusieurs prix : Angoulême, Canal BD… et a obtenu celui de l’Association des critiques BD, pour l’originalité dont il fait preuve.

Croyez-vous aux anges ? Moi, j’y crois. Certains se cachent même parmi nos auteurs.

Mon ange terrestre à moi, c’est Maud Ankaoua. Son chemin a croisé le mien, un étrange soir de neige. Je venais de terminer Kilomètre Zéro paru chez Eyrolles. À bout de souffle, ce roman m’avait fait vaciller le temps d’un sublime voyage initiatique au Népal. C’est donc avec beaucoup d’enthousiasme que je l’ai suivie sur les chemins de Compostelle…

Plus jamais sans moi, son troisième et dernier roman vient de paraître aux Éditions Eyrolles. C’est l’histoire de Constance, une jeune femme qui se trouve embarquée, bien malgré elle, sur le Chemin, en guise de période d’essai au contrat qu’elle vient de signer. Éloignée de l’homme dont elle est amoureuse mais qui est marié, elle va partager avec deux autres femmes une expérience unique qui va bouleverser sa vision d’elle-même et de l’amour, au gré des rencontres avec d’autres pèlerins. Plus jamais sans moi est une histoire captivante et généreuse comme son auteure.

Valerie Horrenberger

L’Eau vive

6, place de la Résistance - 14000 Caen

Plus jamais sans moi de Maud Ankaoua – Éditions Eyrolles

Le schéma pourrait sembler un tantinet classique. Et pourtant, ce roman qui oscille entre une unique et décisive journée et cinquante années de la vie d’Ellie, quinquagénaire new-yorkaise, nous happe dès la première ligne dans un balancement fluide et limpide entre hier et aujourd’hui.

Le présent, c’est New York, une vie rangée, apaisée avec Peter. Le passé, avant tout une demeure familiale à Cape Cod où les générations se sont succédé. Et autour de La Grande Maison, la Nature omniprésente est la pièce maîtresse du roman, témoin du passage de l’enfance à l’âge adulte. C’est l’eau, le lac, les arbres, toutes les traces laissées par les êtres, les rires, les drames, les non-dits, les regrets.

Galerie de personnages inoubliables, parfois très sombres, parfois drôles. Jonas, ami d’enfance au cœur de l’histoire. Anna, sœur si fusionnelle. Sans oublier différentes générations de femmes, mère et grand-mère, dont le rôle est central mais contrasté. Une écriture délicate et charnelle pour un roman vraiment réussi.

Franck Kleczewski

Du côté de Bellême

8 bis, boulevard Bansard-des-Bois

61130 Bellême

 

La Mémoire de l’eau de Miranda Cowley Heller – Les Presses de la Cité

Imaginez… Regardez par votre fenêtre. Sur quoi votre regard s’accroche ? Pour Raoul, il s’agit du banc en pierre près de l’arbre dans la cour de son immeuble, sur lequel vient parfois s’asseoir sa voisine.

Raoul pense à la lettre d’expulsion pour les habitants de l’immeuble, qu’il vient de recevoir dans sa boîte aux lettres, et il ne sait pas comment l’annoncer à sa femme, Valérie. Car Raoul comme Suzanne, Bastien et Dave Missouri, ces autres voisins, dont les rapports sont inexistants, ont tous une bonne raison de vouloir rester.

Contre toute attente, ils vont alors décider de s’unir et s’engager dans une aventure rocambolesque à travers la France pour sauver leur immeuble, sauver leur vie.

Soyez intrépide, vous aussi, et plongez avec enthousiasme dans ce roman plein d’humanité d’Hervé Commère, auteur d’origine rouennaise, reconnu jusqu’à présent pour ses polars. Vous en ressortirez avec un autre regard sur votre voisinage, et ce sur quoi la vie s’accroche.

Faire un bout du chemin vers l’autre

Une petite fille croise tous les jours sur le chemin de l’école une jeune femme, assise sur le sol avec son bébé. L’enfant ne comprend pas ce que la jeune femme fait là, elle voudrait se détourner quand elle la voit, car cela la met profondément mal à l’aise et la rend triste jusqu’aux larmes. Sa mère tente de trouver les mots justes, mais comment expliquer l’injustice et la pauvreté ?

Toute l’histoire se déroule du point de vue de l’enfant. Le texte, sensible et poétique, est servi par des illustrations délicates et minimalistes. Le lecteur chemine avec la petite fille qui trouvera finalement les ressources, à son échelle d’enfant, pour sortir de son sentiment d’impuissance et avoir le courage d’aller vers l’autre.

À partir de 5 ans.

 

Valérie Schmitt