Archives des Perluète #10 - Perluète https://perluete.normandielivre.fr/category/perluete-10/ La revue littéraire de Normandie livre & lecture Tue, 19 Jul 2022 10:18:13 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.2.4 https://perluete.fr/archives_00-14/wp-content/uploads/2020/08/cropped-200_2006-1-32x32.png Archives des Perluète #10 - Perluète https://perluete.normandielivre.fr/category/perluete-10/ 32 32 153862814 [Entretien] Adeline Miermont-Giustinati, autrice et créatrice d’une maison de poésie dans le Cotentin https://perluete.normandielivre.fr/entretien-adeline-miermont-giustinati-autrice-et-creatrice-dune-maison-de-poesie-dans-le-cotentin/ Tue, 21 Jun 2022 09:48:52 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=3935 Le Moulin Marie-Ravenel pourrait être l’emblème de la future maison de poésie en Cotentin, sans en être le lieu unique, sans se limiter à lui.

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Je pense de plus en plus la poésie au pluriel

« Le Moulin Marie-Ravenel pourrait être l’emblème de la future maison de poésie en Cotentin, sans en être le lieu unique, sans se limiter à lui. J'aime aussi l'idée d'une maison nomade, d'une maison disséminée sur le territoire et engageant divers lieux et personnes, permettant la jonction de ceux-ci autour d’événements et actions.

La Factorie, dans l’Eure, joue un rôle de stimulateur du projet. Cette maison de poésie veut en voir d’autres naître sur le territoire et me pousse dans mon projet. C’est un lieu qui a toute sa place dans le Cotentin.

Dès l’été 2022, je devrais animer au Moulin Marie-Ravenel des ateliers et balades d’écriture et proposer ateliers et lecture pour les Journées du Patrimoine en septembre, avec deux auteurs (François David et Isabelle Grout) et des musiciens du territoire. En dehors de l’été, les événements et animations peuvent aussi tourner dans divers lieux du Cotentin. Le principe de "maison de poésie nomade" me plait bien, pour diffuser et aller à la rencontre du public. »

Un retour de la poésie ?

« Je pense de plus en plus la poésie au pluriel. Les slameurs et les poètes se rejoignent, les poètes montent sur scène, les slameurs sortent des livres, les réseaux sociaux portent les mots, ils sont une révolution pour la poésie. Certes la poésie reste confidentielle en librairie, mais elle se diffuse autrement, en son et en images aussi, juste avec un smartphone. Sans oublier l’incarnation en ateliers, en salons et rencontres littéraires, en lectures…

La poésie est souvent « invisibilisée », mais l'on constate une réapparition de celle-ci sur le devant de la scène culturelle ces dernières années.

Le public est souvent coupé de la poésie, pour lui elle est plutôt synonyme de récitation scolaire, d'alexandrins et s'arrête souvent à la moitié du 20e siècle. Pourtant il se montre très ouvert à des formes qui vont au-delà du littéraire, qui rayonnent dans tous les domaines des arts dans des formes les plus diverses. Il y a une dimension organique puissante dans la poésie. C’est un langage des sensations, des émotions les plus universelles. La poésie « ne raconte pas d'histoires », ne réfléchit pas, c'est le monde et l'être mis à nu. »

 

Propos recueillis par aprim

Adeline Miermont-Giustinati, autrice et créatrice d’une maison de poésie dans le Cotentin, a été interviewée pour le dossier « Poésie(s) en liberté ».
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[Entretien] Patrick Verschueren, directeur artistique de la Factorie https://perluete.normandielivre.fr/patrick-verschueren-directeur-artistique-de-la-factorie/ Tue, 21 Jun 2022 09:05:48 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=3932 La poésie a le vent en poupe. Après des années de dénigrement, la reléguant au bas de l’échelle des arts ou la traitant comme un objet purement décoratif, la voilà qui refait surface avec une jeunesse et une vigueur renouvelée.

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« En six ans, notre activité s’est développée »

« La poésie a le vent en poupe. Après des années de dénigrement, la reléguant au bas de l’échelle des arts ou la traitant comme un objet purement décoratif, la voilà qui refait surface avec une jeunesse et une vigueur renouvelée. Imprimée dans un livre ou incarnée sur une scène, elle touche désormais un nouveau public en quête de sens et s’éloignant des sirènes de la société du spectacle.

Je note un rajeunissement global du genre. Il s’illustre par de nouvelles formes, notamment vers le performatif, le « spoken words », par une présence accrue de la poésie dans l’oralité et une énergie de l’édition.

La Factorie à Val-de-Reuil, première maison de poésie de Normandie, fait des émules
La Factorie à Val-de-Reuil, première maison de poésie de Normandie, fait des émules © La Factorie

« Une maison de poésie ? »

« À la création de La Factorie, à Val-de-Reuil, on a pu sentir un certain scepticisme sur le projet. On peut être encore perçu comme quelque chose de décoratif, mais les enjeux autour de l’alphabétisation et de la lecture à voix haute remettent la poésie au cœur de nombreux projets éducatifs. On s’est aussi rendu compte qu’on était peut-être un peu en retard en France sur le sujet, par rapport à la Belgique, le Canada ou les Etats-Unis, où la poésie revient en force. L’imaginaire est fondamental, et dans un monde qui perd cet imaginaire, la poésie est un contrepoids.

En six ans, notre activité s’est développée, preuve que les attentes du public sont réelles et que les poètes ont besoin de lieux pour créer, se retrouver, se produire… Beaucoup pensent que la poésie est difficile d’accès, mais une fois venus ici, leur regard change. C’est du partage et du plaisir. C’est la même chose avec les scolaires. En janvier dernier, pour la quatrième édition du festival « Les poètes n’hibernent pas », nous avons touché 45 classes. A chaque fois les enfants sont ravis, ils découvrent que l’auteur est un humain, que la poésie a un côté ludique, que c’est un jeu. Pour les enseignants, c’est rassurant aussi de pouvoir s’appuyer sur une structure comme la nôtre pour monter des projets avec les enfants.

Il faut défendre un côté plus joyeux de la poésie, je crois qu’on en a encore peur ici en France.

« Pertinent sur les territoires »

Ici, la fréquentation est devenue importante. On dénombre 27 poètes en résidence d’écriture sur la saison 2021-2022. Nous sommes à la limite de notre capacité, mais nous développons des partenariats avec d’autres lieux, à Régneville-sur-Mer, au Québec, au Foyer des marins de Rouen, avec la future Maison de poésie de la Manche…

Beaucoup de compagnies et de poètes en résidence présentent leur travail à la Factorie, une fois par mois en moyenne. Ce type de lieu est pertinent sur les territoires, c’est souple, partageur, assez simple à mettre en place finalement. »

Propos recueillis par aprim

Patrick Verschueren, directeur artistique de la Factorie, a été interviewé pour le dossier « Poésie(s) en liberté ».
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[Entretien] Yo du milieu, poète, slameur, crieur public https://perluete.normandielivre.fr/entretien-yo-du-milieu-poete-slameur-crieur-public/ Tue, 21 Jun 2022 08:56:38 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=3958 Avec son personnage de Mr PassdeMoiLeMot, il s’installe dans la rue à la manière d’un crieur, rémouleur de mots. Il collecte et restitue « avec gouaille, emphase et amour » les mots des gens.

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Avec la poésie, on peut tout se permettre

© DR

Yohann Le forestier, alias Yo du milieu, mêle poésie et slam avec les arts de la rue et le théâtre. Il transmet à travers des ateliers d’écriture ou vocaux. Avec son personnage de Mr PassdeMoiLeMot, il s’installe dans la rue à la manière d’un crieur, rémouleur de mots. Il collecte et restitue « avec gouaille, emphase et amour » les mots des gens.

« Je me considère comme un diseur de mots. J’aime les dire, les faire sonner. Le slam descend d’une forme de littérature orale, à la croisée du conte, de la joute verbale et de la poésie. J’aime la musique des mots, le rythme, quand le son fait sens.

Avec la poésie, on peut tout se permettre. Mes publics sont souvent fâchés avec l’école, les règles, le papier et le crayon. Une pratique sonore, rythmique et musicale est un excellent vecteur de lien avec les mots. Ils se retrouvent souvent à faire de la poésie à la Jourdain, sans le savoir. Je leur dis que faire de la poésie ce n’est pas grave, que ça ne fait pas mal.

Quand on me qualifie de poète, aujourd’hui ça va, mais il m’a fallu du temps pour l’accepter. Je préférais le mot « slameur », aujourd’hui, je l’assume. J’ai compris que la poésie s’inscrit dans plein de formats différents, toujours avec un minimum de contraintes, par exemple le nombre de pieds, le fait de s’adapter à une musique… C’est comme les impros en jazz, c’est une liberté qui doit rester sur des rails.

San Antonio, Bobby Lapointe… et j’ai découvert ce qu’on pouvait faire avec les mots

J’aime mettre une dimension artisanale dans la poésie et le slam. Ce côté « fait à la main », directement du producteur au consommateur. Au-delà de la question de l’esthétique et du résultat, c’est un rapport au travail qui m’intéresse. C’est là qu’est la liberté, dans la façon de pratiquer, choisir ses conditions de travail. 

Je n’ai pas baigné dans les livres enfant. Je n’ai pas rencontré le prof de français qui m’a fait flasher. Tout est parti d’un copain qui un jour m’a tendu un San Antonio, puis le rap, puis Gainsbourg, puis Bobby Lapointe… Et j’ai découvert ce qu’on pouvait faire avec les mots.

Avec les publics, les premiers jeux d’écriture c’est quelque chose de collectif, de partagé. C’est un préalable avant que chacun se livre davantage avec ses tripes. Ces moments de partage ont tendance à changer leur regard sur les mots. Et parfois je recroise des jeunes hors cadre, qui ont pris le virus. La rencontre s’est faite. »

 

Propos recueillis par aprim

Yo du milieu, poète, slameur, crieur public, a été interviewé pour le dossier « Poésie(s) en liberté ».
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[Entretien] Alexis Pelletier, auteur de poésie https://perluete.normandielivre.fr/entretien-alexis-pelletier-auteur-de-poesie/ Mon, 20 Jun 2022 18:47:51 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=3965 Alexis Pelletier dépasse l’écriture seule et emmène volontiers sa poésie vers les arts plastiques, la danse et la musique contemporaine.

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La poésie se vit sans doute en termes d’audience pour celles et ceux qui la méprisent

Alexis Pelletier dépasse l’écriture seule et emmène volontiers sa poésie vers les arts plastiques, la danse et la musique contemporaine. Avec le compositeur Dominique Lemaître, il a mis sur pied des « Concerts poétiques », accompagne des expositions et collabore avec des chorégraphes.

© DR

« Le fait de travailler avec des danseurs et danseuses, avec des musiciennes et des musiciens qui composent ou qui interprètent ce qui est joué ; avec des plasticiennes et plasticiens, avec des comédiennes et comédiens, etc., permet d’aller vers l’autre, de découvrir d’autres univers et, ainsi, de remettre en cause habitudes et certitudes. Ce sont des expériences très enrichissantes, y compris dans les hiatus que des esthétiques immanquablement différentes peuvent produire. Cela conduit, pour moi, à perdre pied dans la langue. Et surtout à quitter une attitude qui peut être trop asservie à ce qui est uniquement rationnel. Quand un compositeur comme Dominique Lemaître me dit qu’il faut un texte pour tels instruments ou bien qu’il souhaite que je mette les mots que je veux sur une partition déjà composée, c’est toujours quelque chose de neuf. La contrainte fait que les mots peut-être acquièrent une présence physique encore plus grande. C’est pour moi salutaire. Je suis friand de ces rencontre et prêt… à étudier toutes les propositions ! 

 

L’audience d’un poète qui résiste (…) est foncièrement plus limitée

L’audience d’un poète qui résiste, pour des raisons politiques, à une bonne partie des industries polluantes tant intellectuellement qu’écologiquement de la communication moderne, est foncièrement plus limitée encore que celles et ceux qui cèdent à la mascarade des likes. Chaque concert, chaque occasion de faire des livres avec un musicien, un plasticien, une plasticienne, une musicienne etc. et chaque manifestation qui peut accompagner ces rencontres permettent des rencontrer des gens qu’on ne connaît pas. Celles et ceux qui viennent me parler ensuite ou qui m’écrivent, bien sûr je ne les aurai pas rencontrés sans ces occasions. 

La poésie se vit sans doute en termes d’audience pour celles et ceux qui la méprisent : les rencontres physiques avec un nouveau lecteur, une nouvelle lectrice qui vous dit que ce qui a été dit, écrit ou montré a fait mouche, ce sont des moments de joie, des cadeaux qui viennent toujours en plus du travail qui a été fait. Une lecture au milieu de vignes, en Bourgogne, à Irancy ; un poème dansé à Cerisy pour un colloque sur le commun ; des créations avec le Festival Terres de Paroles sont autant de chances qui doivent – mais je ne sais pas mesurer comment – relancer l’énergie du travail de l’écriture. »

Propos recueillis par aprim

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[Entretien] Poésie : des éditeurs engagés https://perluete.normandielivre.fr/entretien-poesie-des-editeurs-engages/ Mon, 20 Jun 2022 18:37:04 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=3915 Christophe Manon, Ghislaine Brault et Emmanuel Carou ont été interviewés pour le dossier « Poésie(s) en liberté ». Vous pouvez lire les interviews complètes.

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Christophe Manon, Ghislaine Brault et Emmanuel Carou ont été interviewés pour le dossier « Poésie(s) en liberté ».
Vous pouvez lire ci-dessous les interviews complètes.

Christophe MANON, auteur publié chez l’éditeur caennais Nous

« Cette confidentialité me convient parfaitement »

« La poésie contient par essence une forme de vitalité, elle est déjà un genre littéraire très libre, qui n’obéit pas aux contraintes économiques ou formelles d’autres genres de la littérature. De nouveaux auteurs s’y engagent assez facilement. C’est un genre de substrat où circulent des auteurs, où règne une émulation peu visible mais réelle. Cette confidentialité me convient parfaitement.

La poésie échappe aux lois du marchés, certes c’est difficile pour les auteurs et les éditeurs, mais cet état de fragilité permet la possibilité de surgir dans toutes les conditions, ici un petit festival, là une petite maison d’édition éclosent. Comme tous les genres marginaux, il est chargé de vitalité.

« Performances et poésie sonore font partie du paysage »

Même si je suis attaché au papier et que mon premier but reste d’être lu sur une page, je diffuse volontiers à haute voix, pour le rapport direct au public, et aussi pour retisser un lien avec une tradition millénaire de l’oralité des troubadours. La lecture en public fait partie de mon activité depuis au moins une dizaine d’années. Un des axes de la poésie contemporaine, c’est quand même de se rendre publique, entendue, vue. Performances et poésie sonore font partie du paysage. Moi je fais des lectures de mes textes à haute voix, parfois avec des musiciens. J’aime aussi allier les mots et la vidéo. Mais pour moi, l’écriture reste le geste premier. J’écris pour être lu par un lecteur sur une page.

Même si la poésie est peu présente chez les libraires et que la presse en parle peu, le public est bien présent, et on peut facilement réunir 50 personnes un soir pour écouter des textes. Les festivals, les manifestations littéraires sont aussi une voie intéressante pour se faire connaître ou tout simplement mettre son texte à l’épreuve du public. J’en retiens que le public est souvent ouvert à toutes formes y compris les plus inattendues. »

 

Emmanuel Caroux des éditions Lurlure

« Je perçois un milieu très dynamique »

« La poésie est milieu à la fois riche et foisonnant en terme de création, comme en témoignent de nombreuses revues en ligne ou papier, comme la trimestrielle Décharge (41 ans d’âge), TXT (que je viens de reprendre), ou encore Catastrophes (en ligne et sur papier) sans parler de toutes celles qui se créent, ou des manifestations, des résidences, des lectures publiques… Je perçois un milieu très dynamique.

Je reçois une dizaine de manuscrits par semaine en moyenne, des écritures très différentes, classique ou expérimentales. Je viens par exemple de publier Pierre Vinclair, qui a écrit sur le confinement dans un style qui revisite des formes anciennes du sonnet, en utilisant les codes formels des réseaux sociaux. 

La poésie reste toutefois un  genre confidentiel. Mais j’entrevois un vrai regain, certains libraires lui font une place, le réseau des librairies indépendantes est un atout sur lequel on peut s’appuyer. 

Il y a de bons éditeurs de poésie en Normandie. On se croise sur les salons. Chacun travaille de son côté, mais sans aucune concurrence. Il est difficile d’en vivre, j’ai d’ailleurs une autre activité professionnelle. Mais je vis mon projet d’édition comme un engagement, j’aime faire découvrir et diffuser. »

 

Ghislaine Brault des éditions La Feuille de Thé

« Le lien direct avec le lecteur est important »

« J’ai créé ma maison d’édition en 2005 à Beaufour-Druval (Pays d’Auge). Aujourd’hui mon catalogue compte de nombreux auteurs, dont plus de la moitié de la production est de la poésie. Je participe depuis 10 ans au Marché de la poésie (Paris) sur lequel j’ai un stand en propre depuis 5 ans. J’y invite d’autres confrères éditeurs. La Feuille de thé a publié environ 20 auteurs de poésie (28 recueils) depuis sa création. Elle recourt parfois à une imprimerie traditionnelle, la SAIG à l’Haÿ-les-Roses, où les petits livres sont fabriqués au plomb comme au XIXe siècle. Elle distribue et diffuse ses livres elle-même et ne publie qu'entre trois et cinq titres par an, or à l'heure actuelle, elle reçoit presque un manuscrit par jour.

« La création d’ un objet-livre est également intéressante"

La poésie touche souvent à des thèmes universels. La production est particulièrement dynamique, je reçois beaucoup de textes. Je pense qu’en France la poésie se porte plutôt bien, y compris côté lecteurs. Il y a un public. Pourtant les ventes restent assez faibles en librairies, aussi le lien direct avec le lecteur est important et la diffusion repose sur une présence minimum aux manifestations littéraires.

La poésie explore de nouvelles formes et peut trouver d’autres prolongements. J’ai publié par exemple « J’aurais préféré que nous fassions obscurité ensemble », un formidable recueil de poèmes écrits par Claire Audhuy, dont le mari a été tué au Bataclan en 2015. 

Ce texte a été adapté au théâtre et joué en Avignon l’été dernier. La pièce a eu du succès, ce qui a contribué à augmenter les ventes du recueil, lui-même un bel objet, fabriqué au plomb, ce qui en fait un objet rare. La création d’ un objet-livre en poésie est également intéressante. La Feuille de Thé a déjà publié cinq livres d’artistes, ouvrages dans lesquels, à partir du texte, un artiste vient poser son regard, non pas pour illustrer, mais pour exprimer ce que lui inspire le texte… »

Propos recueillis par aprim

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[Entretien] Marion Renauld, autrice de poésie https://perluete.normandielivre.fr/entretien-marion-renauld-autrice-de-poesie/ Mon, 20 Jun 2022 13:23:08 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=3952 Marion Renauld réalise des performances d’écriture poétique à l’aide d’une machine à écrire devenue sa marque de fabrique.

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La poésie servie bien frappée

Marion Renauld réalise des performances d’écriture poétique à l’aide d’une machine à écrire devenue sa marque de fabrique. Elle pose sa machine sur une table dans la rue, dans un square, au cœur d’un quartier ou dans des lieux incongrus, non dédiés à la culture. Lors d’une résidence à la Factorie, elle a transformé des billets de banque en billets doux, faisant claquer les mots au dessus des euros.

Son interview vidéo sur la chaîne YouTube « La Factorie Maison de Poésie », playlist « Rencontre en poésie »
 

« Avec la machine à écrire, le geste est explicité, on sait immédiatement ce que je fais. Et puis il y a la dimension sonore, au fait de frapper. Je me dis que dans cet acte d’écrire je ne peux pas être douce, je convoque un peu de colère, une dimension physique et sensorielle de l’écriture. Je prends une posture de travailleur. La machine est aussi une époque, un souvenir, elle appartient au passé, c’est incongru et ça interpelle le passant. Ça provoque des rencontres, c’est un médium social.

Il y a un côté spectaculaire dans cette proposition, parce que c’est incongru. J’écris à partir de cette machine, la situation crée de l’interaction, ce qui va générer d’autres textes. Je décide de ce que j’écris, et les curieux dialoguent avec moi, ce qui génère d’autres textes… 

Le fait d’inscrire l’écriture de manière aussi directe, un peu performative, dans un contexte quotidien change le regard et ôte toutes les couches symboliques d’une culture élitiste, d’un rapport à l’école, d’une autorité académique. Les gens ne se sentent pas jugés. »

 

Il y a de quoi faire exister la poésie autrement que dans les livres

« Il y a des pratiques de la poésie qui n’ont pas besoin d’édition. Je n’ai rien contre le livre évidemment, mais pour toucher un public plus large, il y a de quoi faire exister la poésie autrement que dans les livres. Je produis publiquement, je laisse une trace immédiatement, je diffuse de la main à la main ou j’affiche. Mes petits papiers vont s’installer au domicile des habitants, qui deviennent de multiples petites maisons d’édition dans lesquelles mes petits papiers vont habiter. Je ne produis que des originaux, dans l’éphémère, je sors de toute logique patrimoniale. C’est le geste qui compte, pas le résultat. Je pense souvent au boulanger. Fabriquer du pain, c’est un geste fondamental et banal à la fois. Pourquoi pas en faire autant avec les mots. »

 

Propos recueillis par aprim

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[Dossier] Poésie(s) en liberté https://perluete.normandielivre.fr/dossier-poesies-en-liberte/ Mon, 20 Jun 2022 12:39:26 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=4016 Vivante, multiforme, portée par des éditeurs passionnés et des lieux émergents, la poésie contemporaine affirme sa vitalité. Même si elle reste méconnue du grand public, le regain d’intérêt pour ce champ littéraire est alimenté par de nouvelles formes scéniques et digitales.

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Vivante, multiforme, portée par des éditeurs passionnés et des lieux émergents, la poésie contemporaine affirme sa vitalité. Même si elle reste méconnue du grand public, le regain d’intérêt pour ce champ littéraire est alimenté par de nouvelles formes scéniques et digitales.

Laurent Cauville  / aprim

Non, les poètes ne sont pas morts et leurs textes ne disparaissent pas sous la poussière. Comme c’est le cas au Canada, aux États-Unis ou en Belgique, on dirait bien que la poésie reprend pied en France, sous l’impulsion d’auteurs de toutes générations. On la sent requinquée par la combinaison des formes, par la passion et la persévérance d’éditeurs et de lieux nouveaux, où elle s’exprime à voix haute, et s’incarne pour toucher directement un public curieux et multiforme.

C’est en tout cas la tendance en Normandie, terre d’écriture pour l’auteur Christophe Manon, croisé en pleine session d’écriture à la Villa La Brugère (Arromanches) en avril dernier. « Comme tous les genres marginaux, la poésie est bourrée de vitalité. Un substrat où circule une vie souterraine, peu visible mais réelle, avec des auteurs, des éditeurs, des lecteurs et des auditeurs. Sa fragilité économique fait aussi sa force, elle lui permet de surgir dans toutes les conditions, ici via un festival, là une maison d’édition, ou une revue. »

Nouveaux terrains de jeu

Très discrète dans les librairies, délaissée par la presse, la poésie trouve d’autres terrains. « Les manifestations littéraires sont une nouvelle voie intéressante, poursuit l’auteur, devenu adepte de la lecture sur scène, à haute voix (lire par ailleurs). Aujourd’hui, on peut facilement réunir 50 personnes un soir, pour écouter des textes. »

Même si elle regrette que la poésie se vende si mal, la poétesse Françoise Coulmin, 81 ans, publiée depuis une trentaine d’années (notamment chez La Feuille de Thé), apprécie l’émergence de nouveaux vecteurs et de nouvelles formes. « L’Internet y est pour beaucoup, on peut facilement diffuser et lire de la poésie en ligne. Par ailleurs le paysage foisonne d’éditeurs, de nouvelles revues apparaissent. » L’autrice apprécie surtout que la poésie « concerne aussi beaucoup d’auteurs amateurs, qui écrivent pour exprimer une révolte, un élan, d’une façon plus ou moins spontanée, ce qui produit toutes sortes de formes, qui vont de l’alexandrin au slam ».

À Caen, Yohan Leforestier, alias « Yo du milieu », joue (entre autres) au « crieur public », mêlant poésie, slam, arts de la rue et théâtre. « La poésie, c’est plein de formats possibles, et j’aime la voir naître dans le partage et une dimension un peu artisanale. » Par exemple, dans la rue, à travers son personnage de « M. PasseMoiLeMot », il transforme en petites fulgurances poétiques déclamées les humeurs récoltées auprès du public, sur des petits bouts de papier. « Une poésie qui s’écrit avec “Madame et Monsieur Tout le Monde et qui s’inscrit dans le quotidien. »

Poésie incarnée

À l’image de Christophe Manon venu s’atteler en Normandie à un nouveau texte pour « faire cohabiter la prose et de la versification », un vent de liberté formelle souffle sur la poésie. La rime y est une option. Une prose musicale et percussive se déploie et bouscule le lecteur, des punchlines apparaissent, le jeu typographique crée des étincelles… De plus en plus d’auteurs vont aussi au-devant du public, au gré de lectures incarnées, sonnantes, musicales parfois. « La poésie aujourd’hui s’envisage au pluriel, remarque Adeline Miermont-Giustinati, poétesse et créatrice de la nouvelle revue poétique et féministe Carabosse. Les courants se rejoignent, les poètes montent sur scène, les slameurs sortent des livres, les réseaux sociaux portent les mots. » Avec David Spailier, sous le nom d’Eunice 13h02, elle publie depuis peu des poèmes sonores et des vidéopoèmes, diffusés sur Soundcloud, YouTube et Facebook.

 

Du classique à l’expérimental

Dans cette abondance créative, les éditeurs jouent un rôle d’aiguilleur et d’intermédiaire avec le public. Chez Lurlure (Caen), Emmanuel Caroux reçoit en moyenne une dizaine de manuscrits par semaine : « Des écritures qui vont du classique à l’expérimental. » Lurlure vient ainsi de publier Milène Tournier, « dont l’écriture s’élabore à travers des pratiques numériques : vidéos, réseaux sociaux... » mais aussi de rééditer Cent Ballades d’amant et de dame, de la poétesse médiévale Christine de Pizan. Le climat n’est pas à la concurrence. « Il y a de bons éditeurs de poésie en Normandie et nos relations sont bienveillantes », décrit Emmanuel Caroux.

Fondatrice des éditions La Feuille de Thé, Ghislaine Brault confirme. « Au Marché de la Poésie (Paris) de juin, j’inviterai mes amies éditrices du Soupirail et de Phloème. C’est sur ce genre d’événement qu’il faut capter le public, ou dans les nouveaux lieux qui accueillent la poésie. » Salons, festivals, espaces de performance : les lieux de poésie se multiplient (lire en page 12). Sur le modèle de La Factorie, née en 2016 à Val-de-Reuil, Adeline Miermont-Giustinati s’emploie à créer une Maison de poésie dans le Cotentin. Sans parler de ces bistrots, au Havre, à Fécamp, à Granville, où slam et poésie chantée font vibrer soucoupes et sous-bocks. L’avenir des poètes ne semble pas maudit.

Repères

Les revues spécialisées en Normandie

Sources : Normandie Livre & Lecture et Ent’revues

Retrouvez tous les acteurs du livre sur l’annuaire en ligne de Normandie Livre & Lecture

Découvrez la chronique de l'anthologie Riverains des falaises des éditions Clarisse.

ÉDITEURS ENGAGÉS

Comme le dit Christophe Manon, publié chez l’éditeur caennais Nous (Benoît Casas), « la poésie s’appuie sur un tissu de très petites maisons qui publient peu d’ouvrages à l’année mais sont portées par de vrais passionnés ». Exemple avec La Feuille de Thé, maison fondée par Ghislaine Brault dans le pays d’Auge en 2005, avec une vingtaine d’auteurs publiés en 17 ans (28 recueils au total). Comme chez ses consœurs, enthousiasme et engagement sont déterminants. « Certains de nos livres sont fabriqués au plomb, comme au XIXe siècle, parce que la poésie, c’est aussi produire de beaux objets », complète l’éditrice, qui diffuse ses livres elle-même. Parmi ses auteurs phares, citons Françoise Coulmin (prix Antonio-Vicario 2012), dont elle a publié quatre recueils. Récemment, un autre de ses titres, Comme passe le vent, de Philippe Pujas, a obtenu le prix Verlaine de la Maison de poésie Émile-Blémont.

 

Économiquement fragile
Emmanuel Caroux © Lurlure

« J’aime traquer le texte rare. » Le jeune éditeur Emmanuel Caroux témoigne aussi de cette passion. Il a créé Lurlure en 2016 tout en conservant une activité parallèle, « parce que le modèle économique est fragile ». Il publie 7 ou 8 livres par an, dont deux tiers de poésie, diffusés via un réseau de librairies indépendantes en France, Belgique et Suisse. Emmanuel Caroux vit son projet « comme un engagement à faire découvrir des textes et accompagner des auteurs… ». Il publie depuis peu la mythique revue TXT, et veut « réfléchir à d’autres formes de diffusion ». Lui aussi regarde de près comment le digital peut servir la cause des auteurs et des mots. Lurlure est présent sur Facebook et va s’aventurer sur Instagram. « La création est soutenue, conclut-il, en témoignent les nombreuses revues comme Décharge, TXT, Catastrophes… Et de nombreuses se créent en ligne. C’est un signe de vitalité, un encouragement pour nous. »

Retrouvez les versions longues des interviews de Christophe Manon, Ghislaine Brault et Emmanuel Caroux

LIEUX DE MOTS

Scènes ouvertes au fond des bistrots, ateliers en maisons de poésie, résidences de création (Villa La Brugère, Moulin Blanchard…), les lieux où la poésie éclôt, se déclame ou se chante se multiplient. « Ils font sortir la poésie des livres, la rendent plus accessible », glisse Patrick Verschueren, à La Factorie, Maison de poésie, installée à Val-de-Reuil. « Une maison de poésie, ça ne sert à rien, ose-t-il. Sauf à susciter une demande. Ici, en six ans, nous avons vérifié qu’il y avait des attentes côté public et poètes. »

La Factorie à Val-de-Reuil, première maison de poésie de Normandie, fait des émules © La Factorie

« La poésie comme matériau »

Lieu de création, de sensibilisation et de diffusion, La Factorie accueille aussi « des artistes de théâtre, de cirque ou de chanson, utilisant la poésie comme matériau ». Elle a reçu 27 auteurs en résidence cette année, « chacun consacrant environ 20 % de son temps au territoire, notamment auprès des scolaires ». En janvier, lors du festival Les poètes n’hibernent pas, 12 auteurs ont rencontré 45 classes dans la région. Sa maison d’édition, Les carnets du dessert de lune, a déjà publié 150 titres. Elle a essaimé à Rouen, avec la Maison de la Poésie et de l’Oralité, présidée par Alexis Pelletier (une dizaine de rencontres et plusieurs résidences).

Aujourd’hui le lieu veut développer ses relations avec d’autres, à Regnéville-sur-Mer, au Québec, à Rouen ou dans le Cotentin… où une autre maison de poésie prend forme, sous l’impulsion de l’autrice Adeline Miermont-Giustinati. Le lieu totem du projet est le moulin Marie-Ravenel (Vicq-sur-Mer), du nom d’une meunière-poétesse du XIXe. « Ce sera son premier lieu d’accueil, dès cet été, avec des ateliers, des balades d’écriture, des lectures, précise-t-elle. Mais j’aime l’idée d’une maison nomade. L’accent sera mis sur les voix féminines et la forme sonore, avec la création d’une webradio ou de podcasts poétiques.»

« À sa création, notre maison de poésie a pu soulever du scepticisme, ajoute Patrick Verschueren, mais nos réponses sur des enjeux comme l’alphabétisation et la lecture à haute voix ont convaincu. » La Factorie est aujourd’hui soutenue par l’État, la Région, le Département et la Ville de Val-de-Reuil. À Caen aussi, son exemple donne des idées, avec un projet similaire en gestation. À suivre.

 

Retrouvez les versions longues des interviews de :

« Perdre pied dans la langue »

Alexis Pelletier, âgé de 58 ans, auteur d’ÉrotoMlash (éd. Rougier V.), installé près de Rouen, il dépasse l’écriture seule et emmène volontiers sa poésie vers les arts plastiques, la danse et la musique contemporaine.
Alexis Pelletier © D.R

« Le fait de travailler avec des danseurs et danseuses, avec des musiciennes et des musiciens, qui composent ou qui interprètent ce qui est joué, avec des plasticiennes et plasticiens, avec des comédiennes et comédiens, permet d’aller vers l’autre, de découvrir d’autres univers et, ainsi, de remettre en cause habitudes et certitudes. Ce sont des expériences très enrichissantes, y compris dans les hiatus que des esthétiques immanquablement différentes peuvent produire. Cela conduit, pour moi, à perdre pied dans la langue. Et surtout à quitter une attitude qui peut être trop asservie à ce qui est uniquement rationnel. Quand un compositeur comme Dominique Lemaître me dit qu’il veut un texte pour tels instruments ou bien qu’il souhaite que je mette les mots que je veux sur une partition déjà composée, c’est toujours quelque chose de neuf. La contrainte fait que les mots peut-être acquièrent une présence physique encore plus grande. C’est pour moi salutaire. Je suis friand de ces rencontres et prêt… à étudier toutes les propositions ! »

Retrouvez la version longue de l’interview d’Alexis Pelletier

EN CHAIR ET EN NOTES

« J’adore les livres, mais certaines formes de la poésie peuvent s’en émanciper. » Entre performance et méditation active, la poésie de Marion Renauld prend corps dans une machine à écrire, qu’elle installe dans la rue ou au cœur d’un quartier, au plus près des habitants. Son terrain de jeu : « Les formes spontanées... » Marion Renauld frappe les mots et les offre à ceux qu’elle croise. « Inscrire l’écriture au quotidien, et publiquement, change notre regard sur la réalité. » Ses poèmes, toujours inédits, peuvent se lire sur les murs (délicatement patafixés), ou même sur des billets de banque. « Ce genre de poésie performative, à la fois politique et populaire, parle à tous, sans question d’accessibilité. » Et elle « plaît au public », commente Patrick Verschueren, qui a accueilli Marion à La Factorie (1).

Magie du moment

Ainsi, le son, la voix, la mise en musique sont les nouveaux habits du genre. Publié depuis près de vingt-cinq ans, Christophe Manon diffuse aussi à haute voix. « Je lis mes textes en public depuis une dizaine d’années. Mon premier geste reste l’écriture, mais ce rapport direct qui raccroche à la tradition des troubadours est une caractéristique intéressante de la poésie contemporaine. J’aime aussi allier les mots et la vidéo. »

La « mise en spectacle » peut d’ailleurs aider à la reconnaissance d’un texte. L’éditrice Ghislaine Brault (La Feuille de Thé) l’a constaté avec J’aurais préféré que nous fassions obscurité ensemble, de Claire Audhuy, dédié à son mari, mort au Bataclan en 2015. « Le recueil
a été adapté et joué en Avignon l’été dernier. La pièce a eu du succès, ce qui a relancé les ventes du livre. »

Au Havre, la poésie rencontre la musique sur des scènes ouvertes de plus en plus actives.

Poésie chantée à La Causerie, au Havre © DR

L’auteur, chanteur et guitariste Grégoire Théry (alias « Havres »), installé là-bas depuis peu, y voit éclore un réseau où s’écoute une poésie chantée ou déclamée : La Causerie, Le Bistrot, Les Yeux d’Elsa (café littéraire), la galerie Incarnato… « Pas une semaine sans une scène ouverte de slam ou de poésie orale. Je suis stupéfait par la diversité des profils, des classes sociales, des styles… Pour moi qui pratique une poésie chantée, c’est très stimulant. » Une fois par mois, toute une bande d’auteurs havrais « monte » vers Fécamp, au Bar Zoo, « où l’on en croise encore d’autres venus du pays d’Auge et même de Granville ». Tout ce petit monde envisage d’ailleurs de créer un festival de l’expression poétique orale, au Havre, dès octobre prochain, et une édition plus régionale en 2023.

Comme le souligne Marion Renauld, « l’idée c’est d’être en présence, plus que d’être en représentation. Les gens sont d’autant plus touchés qu’on réduit la distance. Et il y a la magie du moment unique ».

(1) Son interview vidéo sur la chaîne YouTube « La Factorie Maison de Poésie », playlist "Rencontre en poésie"

Retrouvez Grégoire Théry sur Facebook : Havre Poésies

« Jouer avec les mots pour les voir autrement  »

Yo du Milieu Le Caennais Yohan Leforestier, alias Yo du Milieu, se définit comme un « crieur public », qui mêle poésie et slam avec arts de la rue et théâtre.
© DR

« Je suis un diseur de mots, j’aime les faire sonner. J’aime quand le son fait sens. Avec la poésie, on peut tout se permettre. Une pratique sonore est un bon vecteur de lien avec les mots.

La poésie s’inscrit dans plein de formats différents. Avec le slam, les mots ne dorment pas sur le papier, on les reprend, on ajuste, on relit, on réécrit. J’aime cette dimension artisanale, ce côté “fait main”, parfois directement avec le public. Enfant, je n’ai pas baigné dans les livres, je n’ai pas rencontré le prof de français qui m’a fait flasher. Mais avec San Antonio, le rap, Gainsbourg et Bobby Lapointe, j’ai découvert ce qu’on pouvait faire avec les mots. Jouer avec eux permet de les voir autrement. »

Retrouvez la version longue de l’interview de Yo du Milieu

Libre cour(t) : François David

Une page blanche, une inspiration... Dans chaque numéro de Perluète, un auteur invité prolonge le thème du dossier du mois.

« Je savais combien, en poésie, les mots souvent nous relient. Mais qu’ils puissent même ranimer, et que cela se soit passé sur les réseaux sociaux, je ne m’y étais pas attendu. Comme une évidence s’est imposée l’envie de le " partager ". »

C’était le premier confinement. Jour après jour, je lisais des extraits de mes recueils poétiques sur Facebook et sur Instagram. À côté des  et des , je vis le message d’une personne demandant comment avoir l’un des ouvrages*. Je lui indiquais des librairies de sa ville, mais elle me répondit sèchement qu’elle savait bien où on achetait un livre. Seulement, elle n’avait pas de quoi le payer. Et les textes qu’elle avait entendus l’avaient touchée d’une manière si particulière. Quasi vitale. Elle avait besoin de ce livre.

Le jour où je lui remis un exemplaire, elle me raconta les terreurs qu’elle avait endurées les dix dernières années. Presque tout s’était effondré. Or les livres continuaient à compter comme avant. En revanche, elle ne parvenait plus à les lire. Après ce qu’elle avait subi, elle ne pouvait plus se concentrer. Mais soudainement, sur Internet, elle avait entendu ce texte lui parler tellement fort. Il lui avait semblé qu’elle pourrait le lire aussi avec les yeux. Et après, peut-être, à nouveau aussi relire les autres livres. Comme une clé pour rouvrir ce qui avait été violenté. Cadenassé.

J’ai pensé à Apollinaire qui, sous les obus qui vont l’atteindre à la tête, réussit à s’émerveiller : « Que c’est beau ces fusées qui éblouissent la nuit ! » Au mourant, dans un camp sinistre de mort, auquel Jorge Semprun murmure des vers comme dernier viatique apaisant le terme du chemin. À Baudelaire et son rêve d’un vitrier qui, en dépit de tout, ferait « voir la vie en beau ».

La puissance étonnante de la poésie. Sa présence et sa grâce. N’importe où. Par tous les pores. Toutes les ondes. Et alors, sur la Toile aussi, la scintillation des étoiles.

*Et c’est moi que je vois, Éditions du Vistemboir.

Découvrez une chronique de Quatre pousses de riz vert, de François David (éd. La Feuille de Thé)

 

François DAVID © DR

Bio express

François David vit en Normandie, dans le Nord-Cotentin, au « bout du bout » pour reprendre un de ses titres.

Il a publié plus de cent livres, en des genres divers, dans de nombreuses maisons d’édition. Plusieurs de ses textes ont été portés au théâtre, en France et à l’étranger. Ses livres sont traduits dans une quinzaine de langues (dont le danois, le chinois, le coréen, l’italien, le lituanien, le catalan... et l’espéranto).

 

Découvrez des lectures d’extraits d’œuvres de poètes normands

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[Coup de cœur de libraire] La Position du mort flottant de Jim Harrison https://perluete.normandielivre.fr/coup-de-coeur-de-libraire-la-position-du-mort-flottant-de-jim-harrison/ Fri, 17 Jun 2022 14:36:48 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=4057 Ami•e•s de la poésie, voici de quoi nourrir votre esprit toute votre vie durant. Ça vous paraît exagéré ? C’est pourtant l’effet que ce bel ouvrage m’a fait.

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© Page 36

Ami•e•s de la poésie, voici de quoi nourrir votre esprit toute votre vie durant. Ça vous paraît exagéré ? C’est pourtant l’effet que ce bel ouvrage m’a fait. Voici le dernier recueil de poésie traduit de Jim Harrison, publié par les éditions Héros-Limite. Aux poèmes succède une note de quelques pages du traducteur, Brice Matthieussent, qui maîtrise bien le sujet. Il y explique le contexte d’écriture par celui qui se nommait lui-même, selon son état, Big Jim ou Poor Little Jim. 

Dans cet ouvrage, les poèmes disent la souffrance, la maladie, le manque de la nature, comment ne pas sombrer face au corps qui se délite, à l’esprit qui ne cesse de flancher. Aussi, la poésie in fine comme tenter de ressusciter les dieux. Adopter la position du mort flottant, c’est développer des techniques intimes pour survivre. Plusieurs lectures déjà des poèmes et, à chaque fois, la sensation de la découverte perdure. C’est le grand pouvoir de la poésie bien sûr mais une indéniable profondeur se joue dans chaque mot.

(Lu par Nathalie)

La Position du mort flottant - Jim Harrison - Heros-Limite Eds

 

Nathalie Martin et Elysabeth Thévin

Librairie Page 36

36, rue de Vienne - 27140 Gisors

J’ai aimé aussi…

Un texte tendre et poétique. Un va-et-vient entre passé et présent. Une danse entre amour et déni. (Lu par Elysabeth)

  • Cadres noirs, de Pascal Bertho, Pierre Lemaitre – Éditions Rue de Sèvres

Un rythme haletant qui retrace la vie de famille, du travail et de l’univers carcéral. (Lu par Elysabeth)

Le poète, dans un silence intérieur. Il restitue la vie en haïkus. Pirouette des sens. Renversant. (Lu par Nathalie)

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[Coup de cœur de libraire] Le Souffleur de rêves de Bernard Villiot et Thibault Prugne https://perluete.normandielivre.fr/coup-de-coeur-de-libraire-le-souffleur-de-reves-de-bernard-villiot-et-thibault-prugne/ Fri, 17 Jun 2022 14:28:28 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=4051 Cet album magnifique nous fait rêver autant par le sublime texte de Bernard Villiot que par les illustrations de Thibault Prugne. Il transporte le lecteur dans un univers chimérique où la passion et la bienveillance l’emportent sur la bêtise humaine.

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© La Galerne

Au nord de Venise, sur l’île de Murano, vit un jeune garçon, Zorzi Ballari, qui ne rêve que de devenir souffleur de verre. Mais, à la suite d’un accident stupide qui le fait boiter, il est contraint d’abandonner ses rêves. C’est grâce à la rencontre avec un jeune garçon qui vit dans la rue que Zorzi découvre qu’un nouveau destin s’offre à lui : souffler des bulles de rêves pour permettre aux enfants de s’endormir et de faire des rêves merveilleux.

Fort de son succès, il est confronté à la jalousie des souffleurs de verre qui s’empressent de l’emprisonner.

N’ayant plus de bulles de rêves, les enfants ne trouvent plus le sommeil, et les parents, désemparés, acceptent de relâcher Zorzi, qui pourra, dès lors, assouvir sa passion et transmettre son savoir à son apprenti.

Cet album magnifique nous fait rêver autant par le sublime texte de Bernard Villiot que par les illustrations de Thibault Prugne. Il transporte le lecteur dans un univers chimérique où la passion et la bienveillance l’emportent sur la bêtise humaine.

Le Souffleur de rêves - Bernard Villiot (auteur) et Thibault Prugne (illustrateur) Éditions Gautier-Languereau

J’ai aimé aussi…

David Joy et John Woods : deux nouvelles voix de l’Amérique, certes plutôt noires et souvent désespérées, mais formidablement humaines et émouvantes.

La musique et la guerre s’entremêlent au fil de l’Histoire dans ce très beau roman captivant et poétique.

Delphine Lepelletier

La Galerne

148, rue Victor-Hugo - 76600 Le Havre

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[Coup de cœur de libraire] Je t’aime comme de Milène Tournier https://perluete.normandielivre.fr/coup-de-coeur-de-libraire-je-taime-comme-de-milene-tournier/ Fri, 17 Jun 2022 14:12:23 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=4026 Un très gros coup de cœur pour ce recueil de Milène Tournier publié aux éditions Lurlure, qui poursuivent un travail remarquable d’édition de poésie contemporaine !

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© Le Passage

Un très gros coup de cœur pour ce recueil de Milène Tournier publié aux éditions Lurlure, qui poursuivent un travail remarquable d’édition de poésie contemporaine !

On ne peut que tomber amoureux de ces textes qui sont autant de déclarations d’amour aux lieux, aussi simples et inattendus, aux êtres aimés, à la ville, aux choses du quotidien. Le sentiment amoureux sous toutes ses formes, voici bien le sujet exploré, projeté, mis en avant en toutes circonstances, avec beaucoup d’humour. Dans la table des matières, les poèmes sont présentés dans l’ordre alphabétique, ce qui autorise un parcours du recueil plein de découvertes. C’est foisonnant, rebondissant et revigorant du zoo au bar à foot, de la machine à café au skate-park. À lire et à relire à tout prix et surtout à prêter, à offrir en osant un « Je t’aime comme... » !

J’ai aimé aussi…

Très beau nouveau recueil de poésie de Cécile Coulon, après le succès de son précédent recueil Les Ronces, publié également au Castor Astral.

Ce recueil est une porte d’entrée dans l’univers de Serge Pey, ce poète de l’oralité. Au fil des poèmes, il scande des histoires, des anecdotes, des fragments de pensées.

Pierre Lenganey

Librairie Le Passage

8, rue du Bercail - 61000 Alençon

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