Archives des Perluète #05 - Perluète https://perluete.normandielivre.fr/category/perluete-05/ La revue littéraire de Normandie livre & lecture Fri, 15 Oct 2021 12:11:52 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.2.4 https://perluete.fr/archives_00-14/wp-content/uploads/2020/08/cropped-200_2006-1-32x32.png Archives des Perluète #05 - Perluète https://perluete.normandielivre.fr/category/perluete-05/ 32 32 153862814 [L’invité] Guillaume Nail – Auteur engagé https://perluete.normandielivre.fr/linvite-guillaume-nail-auteur-engage/ Wed, 30 Sep 2020 19:00:26 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=2191 À la fois scénariste, comédien et auteur jeunesse, Guillaume Nail s’exprime aussi sur le terrain de l’engagement.

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À la fois scénariste, comédien et auteur jeunesse, Guillaume Nail s’exprime aussi sur le terrain de l’engagement. Avec une passion énergisante, l’ex-président de la Charte des auteurs et illustrateurs combat les stéréotypes et milite pour l’égalité femmes-hommes. Même intensité à la table de travail, où il prend l’écriture à bras-le-corps, la malaxe comme une matière vivante, partageant son temps entre Paris et le Cotentin, ce bout du monde qu’il raconte dans plusieurs de ses livres.

© Julien Benhamou
Tu as fait une entrée remarquée en littérature jeunesse avec un joli polar rural Qui veut la peau de Barack et Angela ?. Pourquoi t’être lancé dans l’écriture pour les enfants et adolescents ?

La question est plutôt : pourquoi donc ai-je attendu si longtemps ? Dès le départ, je m’y suis senti chez moi. J’ai découvert un univers foisonnant, une réelle liberté de création, et goûté un plaisir infini à retrouver mes sensations d’enfance, mes émotions d’adolescent. Cerise sur le gâteau, les interventions scolaires, en librairie ou en salon créent un rapport très vivant au lectorat, leurs retours me nourrissent.

Tes romans publiés aux éditions du Rouergue sont portés par des personnages forts, parfois en rupture. C’est le cas de l’héroïne de Tracer, par exemple. Dirais-tu que tu es un écrivain engagé ?

Le terme me convient parfaitement. Comment trouver sa place est une question qui me taraude. J’ai besoin d’éprouver avec mes personnages les moyens de sortir des assignations stéréotypées, des voies toutes tracées. Comment s’autoriser à dessiner son propre parcours, loin des sentiers battus… C’est le questionnement, la confrontation d’idées et la rencontre qui nous font avancer.

Parle-nous de ton mandat de président de la Charte des auteurs et illustrateurs. As-tu eu l’impression de faire bouger les lignes, de faire avancer la relation auteur-éditeur et la question de la rémunération et du statut des auteurs jeunesse ?

" Il faut sortir de cette vision obsolète de l’auteur qui vivrait d’amour et d’eau fraîche, déconnecté de la réalité du monde"Dans les politiques publiques – la crise sanitaire l’a cruellement confirmé –, on oublie trop souvent le premier maillon, sans qui pourtant toute la chaîne s’effondre : l’auteur. C’est sur lui que repose le risque de la création, lui aussi qui doit se battre pour faire entendre son droit à vivre de ses œuvres. Double peine, d’ailleurs pour les auteurs jeunesse, qui restent moins rémunérés, avec 5,1 % du prix HT du livre, en moyenne !

Les maisons d’édition ont leur rôle à jouer ; il faut sortir de cette vision obsolète de l’auteur qui vivrait d’amour et d’eau fraîche, déconnecté de la réalité du monde. Acteur économique à part entière, l’auteur doit être appréhendé et rémunéré comme tel.

Mon engagement au sein de la Charte aura servi à confirmer combien je crois au collectif – sans lui, point de salut. Mais aussi à questionner la sous-valorisation d’un secteur très féminisé – inégalité de traitement qui interpelle le féministe que je suis. De même, quid de la diversité ? Où sont les auteurs racisés ? Quelle part de représentations LGBTQI+ dans les ouvrages, de récits non validistes ? Il est temps que la littérature jeunesse embrasse la diversité du monde auquel elle s’adresse. Le secteur doit opérer sa mue.

Peux-tu répondre à une question que je ne t’aurais pas posée ?

J’en profiterais pour dire le bonheur que j’ai à évoquer dans mes romans le Cotentin. Dire ce qui me lie à cette région, pourquoi j’en suis tombé amoureux. Dans les territoires ruraux, des milliers d’histoires existent, qui méritent d’être racontées. Une manière là aussi de lutter contre les idées reçues.

 

Propos recueillis par Catherine Gentile

Découvrez une interview vidéo de Guillaume Nail

Bio express

Scénariste et auteur. Son 1er titre, Qui veut la peau de Barack et Angela ?, est publié en 2016 (Le Rouergue). Vont suivre Bande de zazous (Le Rouergue, 2017), Cro Man (Seuil jeunesse, 2018), L’Inversion des pôles (Slalom, 2019 – 2020, en deux tomes), Magda (Auzou, 2019, illustrations de Terkel Risbjerg), Tracer (Le Rouergue, 2020). Il devient le président de la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse en février 2019 avant de passer le flambeau en octobre 2020 à une présidence collective assurée par les 5 auteurs membres du bureau.
Le 14 octobre 2020 sort Le Cri du homard (Glénat), dont l’action se déroule dans le Cotentin.

Site : https://guillaumenail.com

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[Lieux] Arromanches-les-bains : Résidence avec vue https://perluete.normandielivre.fr/lieux-arromanches-les-bains-residence-avec-vue/ Wed, 30 Sep 2020 18:40:36 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=2189 Construite dans les années 1860, la Villa La Brugère est une maison destinée à l’origine aux activités balnéaires. Depuis 2010, ses propriétaires la mettent partiellement à la disposition d’artistes qui viennent y travailler.

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© Marie Nimier

Construite dans les années 1860, la Villa La Brugère est une maison destinée à l’origine aux activités balnéaires. Depuis 2010, ses propriétaires la mettent partiellement à la disposition d’artistes qui viennent y travailler.

Située sur la digue d’Arromanches, la Villa La Brugère propose des séjours de création. Le maître mot du lieu est la transdisciplinarité : littérature, cinéma, photo…

Un riche programme de rencontres permet au public de découvrir les auteurs tout au long de l’année et lors du festival Route panoramique, organisé tous les deux ans.

La Villa accueille plus d’une vingtaine de résidents chaque année. Dernièrement : Gabrielle Schaff, Marie Nimier, Sandra Lucbert… Cette dernière y a vécu une expérience singulière, puisqu’elle a fait le choix de poursuivre sa résidence alors que le confinement était instauré, en mars dernier.

Comment s’est déroulée cette résidence hors normes ? Réponse à travers les témoignages de Marie-Thérèse Champesme, responsable de l’association, et de Sandra Lucbert.

Cindy Mahout

 

Site : https://villalabrugere.fr

 

Retrouvez les interviews associées :

 

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[Lieux] Déconfinement actif chez les libraires https://perluete.normandielivre.fr/lieux-deconfinement-actif-chez-les-libraires/ Wed, 30 Sep 2020 18:00:38 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=2181 La crise sanitaire a fait mal aux librairies, mais, ô surprise, l’après-confinement s’est soldé par un retour massif des clients. Réconfortant.

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La crise sanitaire a fait mal aux librairies, mais, ô surprise, l’après-confinement s’est soldé par un retour massif des clients. Réconfortant.

La crise sanitaire a emporté le printemps et fait naître de sérieuses inquiétudes et beaucoup de questions chez les libraires. Combien de temps cela allait-il durer ? Pourraient-ils s’en relever ? Les clients allaient-ils se détourner des lieux de vente et s’orienter en priorité vers Internet ?

Après quelques semaines de « click & collect », plus ou moins convaincantes, mais qui ont néanmoins amené de nouveaux clients, les libraires se sont préparés à la réouverture avec toutes les mesures sanitaires nécessaires pour protéger personnel et clients. Et là, surprise, une affluence digne de Noël qui a duré jusqu’en juillet, emportant momentanément leurs craintes et comblant parfois l’absence de chiffres d’affaires des deux mois de fermeture.

Des projets un peu partout
À Huisnes-sur-Mer, dans le Sud-Manche, le café-librairie La Salicorne et le Rhinocéros a ouvert le 14 juillet. © Sophie Fauché

Cet afflux a confirmé un changement dans les habitudes de consommation, l’arrivée de nouveaux clients venus soutenir le commerce de proximité et plus particulièrement la librairie de leur ville. Des projets retardés par le virus ont vu le jour. À Saint-Lô, Planet’R s’est transformée en Fnac. À Neufchâtel-en-Bray, la librairie Histoire de papier s’est associée avec le magasin de jeux et jouets Sajou. L’ouverture programmée fin mars a finalement eu lieu le 11 mai 2020, dans un espace agrandi et joliment aménagé. À Huisnes-sur-Mer, dans le Sud-Manche, le café-librairie La Salicorne et le Rhinocéros a ouvert le 14 juillet. Des reports à répétition et travaux encore en cours n’ont pas entamé le plaisir de Cécile de constituer un assortiment de qualité pour les lecteurs locaux ou de passage.

Ailleurs d’autres projets, bien que retardés, restent d’actualité. Mathilde Degroult poursuit, avec une énergie folle son projet de création, à l’automne, d’une librairie généraliste baptisée « Les Racontars », à Saint-Lô. Et autre conséquence de la crise, l’envie pour les éditions Zulma d’investir une pépinière à Veules-les-Roses, transformée en librairie éphémère, pour y faire découvrir ses livres aux couvertures aussi colorées que les fleurs qui les entourent.

À Veules-les-Roses, la librairie éphémère Zulma a accueilli le public en juillet et août.

Sophie Fauché

Retrouvez ci-dessous les vidéos de deux librairies :

Une histoire de papier à Neufchâtel-en-Bray

La Salicorne et le Rhinocéros à Huisnes-sur-Mer

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[Dossier] Climats polaires https://perluete.normandielivre.fr/dossier-climats-polaires/ Wed, 30 Sep 2020 17:30:52 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=2171 Le succès du polar nordique ne se dément pas en France, encore moins en Normandie, où le festival Les Boréales a creusé un sillon qui profite aux auteurs du froid. Quinze ans après le raz de marée Millenium, romans policiers, noirs, mais aussi littérature dite « blanche » profitent de cette popularité.

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Le succès du polar nordique ne se dément pas en France, encore moins en Normandie, où le festival Les Boréales a creusé un sillon qui profite aux auteurs du froid. Quinze ans après le raz de marée Millenium, romans policiers, noirs, mais aussi littérature dite « blanche » profitent de cette popularité. Une valeur sûre des libraires où même de jeunes auteurs français font une incursion.

Laurent Cauville, avec Bertrand Arcil et Philippe Legueltel / aprim

La disparition de Maj Sjöwall, en avril dernier à l’âge de 84 ans, est passée inaperçue dans une France confinée. Pourtant, dix livres écrits avec son mari Per Wahlöö de 1965 à 1975 ont fait du couple les pionniers du polar nordique. Dans leur série Le Roman d’un crime, le personnage central, inspecteur dépressif, sert de vecteur pour dépeindre la société côté perdants. « Loin du récit à énigme, les auteurs y proposent un roman social, saisissant une situation dramatique pour refléter un pan de la société, un peu comme Manchette en France », analyse l’éditrice Anne-Marie Métailié, fan du genre. (Ces romans ont été publiés par 10/18 et actuellement par les éditions Rivages).

Politiquent engagé, le polar sauce Sjöwall et Wahlöö a inspiré des auteurs à succès comme Henning Mankell, Stieg Larsson ou Arnaldur Indriðason. Leurs titres vont déferler en France au début des années 2000. À Caen, la libraire et blogueuse Sophie Peugnez (Brouillon de culture et Zonelivre.fr), inconditionnelle du genre, en brosse les lignes de force. « Dans le polar nordique, les auteurs ne surjouent pas. On a l’impression de faire partie de la famille ou de l’équipe autour d’un personnage central assez ordinaire. La relation parent-enfant revient souvent, comme beaucoup de détails du quotidien. »

Un polar sociétal
David Pocholle :
« La littérature nordique blanche m’a amené au polar, pas l’inverse. » © aprim

Ce succès du polar nordique en France a-t-il pour autant stimulé une littérature nordique plus large ? Le Caennais Éric Boury, traducteur référence de l’Islandais, le pense. « Le polar est une vitrine qui a permis la découverte d’autres genres. Il nous apprend beaucoup de choses sur les sociétés nordiques. Il peut être aussi bon que la littérature “blanche”. Indriðason, par exemple, a amené des lecteurs vers d’autres types d’auteurs, comme Jón Kalman Stefánsson. »

Mais l’inverse est tout aussi vrai. Moins stéréotypé, le polar nordique a su séduire les adeptes d’une littérature « blanche » peu portés sur le genre policier. « La littérature nordique est trop souvent réduite au polar », s’étonne d’ailleurs David Pocholle, bibliothécaire à Caen (Alexis-de-Tocqueville) et coordinateur du guide gratuit Empreintes nordiques. « La littérature nordique blanche m’a amené au polar, pas l’inverse, avec des livres marquants comme Un inconnu vint à la ferme de Mika Waltari (Finlande), Entre ciel et terre de Stefánsson (Islande) ou Les Racontars de Jørn Riel (Danemark). »

Millenium et Boréales

La sortie en 2006 en France du tome 1 de Millenium a amplifié la vague. Dans le sillage de Stieg Larsson, le succès de sa compatriote Camilla Läckberg a attiré comme des aimants les lecteurs vers l’édition nordique au sens large. « Ces années 2006-2010 ont été un tournant, situe Sophie Peugnez. Beaucoup de lecteurs se sont ouverts à d’autres styles, pour moi par exemple à Arto Paasilinna ou Jón Kalman Stefánsson... » Des maisons d’édition (Gaïa, Zulma, Métailié) ont suivi. Enfin, « Les Boréales ont pesé, souligne Sophie Peugnez. Le festival est un merveilleux outil pour découvrir des écrivains et élargir ses horizons. Chaque année, la programmation me fait l’effet d’un tas de cadeaux de Noël... »

Habitué à sillonner la France, Éric Boury ressent aussi l’impact du festival sur le public. « Beaucoup de lecteurs normands lisent des auteurs nordiques, c’est évident. Plusieurs librairies en Normandie proposent un rayon nordique, je ne l’ai pas vu ailleurs. Le succès des Boréales n’y est pas pour rien. Ce festival laisse des traces. »

À noter enfin le rôle des éditeurs normands, petits et grands, qui ont ouvert leurs catalogues à ces auteurs, des PUC à Møtus, du Passage(s) à Cactus

Terres inspirantes

Cet engouement a sans doute un peu déteint sur la production d’auteurs français… De jeunes plumes se jettent dans ce bain glacé, souvent séduites par l’étrangeté des terres gelées, mélangée à l’ordinaire des vies qu’elles abritent. « Les sociétés nordiques nous fascinent par leur mélange si spécifique de familiarité et d’exotisme », dit le Nantais Mo Malø (lire son interview ci-dessous), attendu aux Boréales en novembre, et qui a jeté son dévolu sur le Groenland (Après Qaanaaq et Diskø, il publie Nuuk à La Martinière).

À l’instar de Mo Malø et Sonja Delzongle au Groenland, Ian Manook en Islande, Olivier Truc en Laponie…, une vague d’auteurs français s’empare de ces décors où se nichent de nouvelles confluences entre géopolitique, questions sociétales, corruption, enjeux écologiques… « Mon envie de me lancer est venue de ma fascination pour le Groenland et l’importance qu’il revêt dans le monde d’aujourd’hui (enjeux climatiques, énergétiques, politiques, etc.) »,  développe Mo Malø.

Nouveaux thèmes
L’Islandaise Lilja Sigurðardóttir, auteure de Trahison (Métailié, 2020), nouvelle vague du polar islandais. © metailie.com

Autre preuve de vitalité : la capacité de renouvellement du genre, pointée par Sophie Peugnez. « Les thèmes habituels, comme les difficultés familiales, les secrets, les addictions chez les jeunes, sont progressivement remplacés par des sujets d’actualité comme la corruption, l’écologie, le harcèlement… Comme dans Trahison, le dernier livre de l’Islandaise Lilja Sigurðardóttir. » Son éditrice, Anne-Marie Métailié, confirme avoir été embarquée par ce texte, « ancré dans les réalités du moment comme les questions de genre... On suit les aventures d’une femme issue de l’humanitaire qui devient ministre. Face à une nomenclature politique qui veut lui faire la peau. C’est Borgen ! »

Lire l'interview complète d'Anne Marie Métailié

À l’affût des nouvelles productions, le bibliothécaire David Pocholle confirme : « Les récits deviennent plus rugueux et j’observe une plus grande porosité entre les genres. L’Islandais Ragnar Jónasson résume bien cette tendance, avec Snjór (Points Seuil, 2016), polar captivant où le policier est un ex-étudiant en théologie, où chaque personnage est ombre et lumière. On peut citer aussi le Finlandais Antti Tuomainen ou la Suédoise Camilla Grebe. »

Sous la glace, la littérature polaire est un bouillonnement permanent.

Éric Boury traducteur à Caen de nombreux auteurs islandais, rappelle la place prise par la littérature de ce pays de seulement 366 000 habitants. © DR

Le poids de l’Islande

« En France on constate un essor des publications islandaises. C’est lié à la présence de traducteurs : pas de traducteur, pas de diffusion. En dehors de moi, il y a aujourd’hui Jean-Christophe Salaün, qui vit aussi à Caen, ou Catherine Eyjólfsson, basée en Islande. Tous les trois nous publions beaucoup.

C’est un pays où la BD et la littérature jeunesse sont quasi inexistantes. Par contre, beaucoup écrivent de la poésie, c’est une spécificité, même si ça reste assez confidentiel en diffusion. Malgré tout, les bibliothèques les achètent. L’Islande produit aussi pas mal de biographies et autobiographies. Globalement beaucoup de livres y sont produits, avec 800 sorties par an. Rapporté aux 360 000 habitants, c’est beaucoup. »

Lire l'interview complète d'Éric Boury

Mo Malø : « Un mélange de familiarité et d’exotisme »

Le Nantais Mo Malø
(série Qaanaaq) inscrit ses récits dans les décors nordiques, comme d’autres jeunes auteurs français. © Alexandre Isard
L’auteur de Nuuk (La Martinière), suite de Qaanaaq et Diskø, figure parmi les auteurs français inspirés par les atmosphères polaires.
Comment expliquer l’engouement du public pour le polar nordique ?

Je le constate et le partage plus que je ne l’explique. Je pense que ces polars reflètent inévitablement les sociétés dont ils sont issus. Et je suppose que celles-ci fascinent sous nos latitudes par leur mélange si spécifique de familiarité et d’exotisme. Ces pays sont à la fois proches géographiquement et en termes de fonctionnement, et très différents du nôtre en termes de culture et de climat. Ce cocktail contradictoire explique probablement notre attirance.

Comment en êtes-vous arrivé à écrire vous-même des polars nordiques ?

Pas en me disant que je m’inscrivais dans le genre ! Mon envie de me lancer dans la série Qaanaaq est venue de ma fascination très spécifique pour ce pays réellement à part qu’est le Groenland, un ovni sur nos planisphères. Ce qui le rend unique, ce n’est pas que sa taille et son isolement, mais bien ce grand écart entre l’image que nous en avons a priori – celle d’un gros glaçon vide et sans histoires – et l’importance qu’il revêt en réalité dans le monde d’aujourd’hui (enjeux climatiques, énergétiques, politiques, etc.). C’est ça que j’ai eu envie de partager avec les lecteurs.

Le polar nordique a-t-il été pour vous une porte d’entrée vers une littérature nordique plus large ?

Par nature j’ai des goûts éclectiques. Même dans le polar, je suis loin de ne lire que des Nordiques. Mais en effet, cet univers nordique m’a conduit à découvrir des auteurs que je n’aurais sans doute pas lus sans cela. Je pense en particulier au Norvégien Karl Ove Knausgaard et son incroyable autobiographie-fleuve.

Pensez-vous que la littérature nordique « blanche » soit suffisamment connue en France ?

Pour l’instant, sauf cas ponctuels comme celui mentionné ci-dessus, j’ai le sentiment qu’elle est assez méconnue. Ou plutôt, et je ne sais pas s’il faut s’en réjouir ou le déplorer, l’intérêt des lecteurs français semble surtout se porter sur le polar. Mais on peut espérer que celui-ci finisse en effet par faire « passerelle ». Peut-être manque-t-il aussi à notre époque un succès comparable à celui du Monde de Sophie en son temps, pour tirer dans son sillage d’autres auteurs de littérature nordique.

Les Baltes aussi

Eux aussi sont nordiques : les pays baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie) affichent une vie littéraire protéiforme, à l’image de l’Estonien Indrek Hargla, figure montante du polar teinté de science-fiction.

Dans un registre plus classique, des ouvrages récents ont marqué les esprits : L’Homme qui savait la langue des serpents, de l’Estonien Andrus Kivirähk, ou Vilnius poker, de Ričardas Gavelis (Lituanie)… Tandis que paraîtra prochainement en France le best-seller letton Soviet Milk, de Nora Ikstena (Lettonie).

Malgré la difficulté à trouver des traducteurs, la littérature balte inspire aussi des éditeurs normands. Le Lituanien Valdas Papievis est publié au Soupirail (Un morceau de ciel sur terre). Chez Møtus, Le Garçon au cœur plein d’amour est illustré par Stasys Eidrigevičius. Pour Les Boréales 2004, les PUC ont publié Cette peau couleur d’ambre, un recueil de nouvelles Lettonnes. Plus récemment, en 2018, Passage(s) sortait Le Jour où j’ai appris à voler, d’Indrek Koff…

Normandie Livre & Lecture veut aujourd’hui contribuer à tisser plus de liens entre Normandie et pays baltes, en facilitant l’accès des éditeurs régionaux aux catalogues baltes. Résidences et invitations croisées devraient se développer dans un avenir proche. À suivre…

>>> Normandie Livre & Lecture organise un événement en ligne du 19 au 23 octobre 2020 autour de la littérature lituanienne.

Agneta Ségol : « Encore beaucoup d’écrivains à découvrir »

Agneta Ségol - Traductrice d’auteurs suédois (Astrid Lindgren, Henning Mankell, Stefan Casta, Håkan Nesser, Tove Jansson…) ©
Agneta Ségol - Traductrice d’auteurs suédois (Astrid Lindgren, Henning Mankell, Stefan Casta, Håkan Nesser, Tove Jansson…) © DR

« La littérature nordique se fait une belle place, particulièrement en Normandie… Mais il reste encore beaucoup d’écrivains et d’œuvres à découvrir. Je suis ravie pour les polars, je me souviens de mon enthousiasme à la lecture de Roseanna, premier volume de la série Roman d’un crime, du couple Sjöwall-Wahlöö, qui a jeté les bases d’un roman policier critique, politique et socialement engagé. Mais je pense que le succès du polar nordique est aussi au détriment d’autres genres. […]

Je regrette qu’un auteur tel que Henning Mankell soit surtout connu en France comme auteur de polars. Il ne faut pas oublier son théâtre, sa « littérature blanche » ou ses livres jeunesse. […]

En Suède, nous avons aussi une auteure de romans graphiques extraordinaire, Liv Strömquist. Je citerai encore Tomas Tranströmer, ou la poésie de Kristina Lugn. Je tiens aussi à mentionner Ædnan (Sápmi-épopée) de Linnea Axelsson, poème de 800 pages qui retrace l’histoire moderne du peuple Sámi. »

Lire l'interview complète d'Agneta Ségol

Suivez le guide !

Créé à l’occasion du festival Les Boréales 2019, Empreintes nordiques propose une sélection d’œuvres et d’ouvrages de la bibliothèque de Caen, dans divers domaines. Le polar et la littérature blanche y occupent deux chapitres copieux. On doit ce guide aux bibliothécaires de la bibliothèque Alexis-de-Tocqueville.

« Nous voulons montrer la diversité nordique, y compris celle des pays baltes, insiste David Pocholle, coordinateur du projet. On y trouve nos coups de cœur, à travers une centaine de références qui vont des classiques aux nouveautés. » L’édition 2020 est attendue pour l’automne, enrichie d’une version numérique. Gratuit !

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[Conseils de lecture] Romans noirs ou littérature blanche pour le dossier « Climats polaires » https://perluete.normandielivre.fr/conseils-de-lecture-romans-noirs-ou-litterature-blanche-pour-le-dossier-climats-polaires/ Wed, 30 Sep 2020 17:16:08 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=2260 Un bibliothécaire, une libraire et deux fameux traducteurs nous glissent à l’oreille leurs conseils de lecture, à savourer au coin du feu. Romans noirs ou littérature blanche, fraîchement édités ou classiques…

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À déguster au chaud cet hiver…

Un bibliothécaire, une libraire et deux fameux traducteurs nous glissent à l’oreille leurs conseils de lecture, à savourer au coin du feu. Romans noirs ou littérature blanche, fraîchement édités ou classiques…

Éric Boury - Traducteur de l’islandais

« Un chef-d’œuvre, bouleversant. C’est l’une des traductions qui m’a le plus marqué. L’histoire d’un jeune garçon qui a perdu ses parents et doit survivre dans les fjords de l’Ouest. L’auteur fait des tas de digressions philosophiques, très brèves, souvent justes. Un coup de poignard dans le cœur. »

« C’est le roman d’un Islandais qui voyage à l’étranger. D’une fraîcheur et d’une candeur très poétiques. »

Sophie Peugnez - Libraire et chroniqueuse à Zonelivre.fr

« Une militante humanitaire entre au gouvernement islandais et plonge dans le monde politique. Un livre qui pose avec brio la question des limites du pragmatisme, de l’exercice du pouvoir confronté à ses idéaux. »

« Vague de suicides étranges dans la jeunesse suédoise. Un livre noir à aborder comme une expérience. Le duo d’auteurs propose une écriture quasi sensorielle, dans une grande liberté de style. »

Agneta Ségol - Traductrice du suédois

  • Sally Jones Jakob Wegelius, Suède, illustré par l’auteur

« Un livre pour tous, de 7 à 77 ans, picaresque, fascinant et suggestif, dont l’action se déroule dans un monde marqué par le colonialisme et la corruption. Une histoire de crimes, de trahisons et de secrets sombres, mais aussi d’amitié et de solidarité. L’humanité vue à travers le regard de la narratrice, Sally Jones, une gorille ! »

« Toute l’œuvre de P. O. Enquist [disparu en avril 2020, NDLR] est à lire, mais je recommande particulièrement celui-ci. L’action se déroule au Danemark dans les années 1760. Le drame qui se joue entre les personnages aboutit à l’introduction des idées des Lumières dans les pays nordiques. Ce roman passionnant, qui mêle faits historiques à fiction poétique, est une réflexion sur le pouvoir, sur la liberté, sur le conflit des idées et le rôle des Lumières. »

David Pocholle - Bibliothécaire à Caen (Alexis-de-Tocqueville), coordinateur du guide Empreintes nordiques

BD « Une œuvre inclassable et visionnaire, par le Norvégien Terjos Brofos, plébiscitée par de grands noms du cinéma ou de l’art graphique. »

« Un roman atypique, empreint du réalisme magique de la littérature sud-américaine augmenté du lyrisme des sagas islandaises. »

  • Barbara Jørgen-Frantz Jacobsen, Danemark

« Paru en 1938, ce récit se déroule dans les îles Féroé, au XVIIe. On suit Barbara, jeune femme qui suit la pente de ses désirs. C’est aussi le portrait d’un village féroïen. Un récit magistral, envoûtant comme son héroïne. »

« Roman sociétal d’une grande vivacité qui livre le climat actuel de l’Estonie, toujours en proie à la menace russe. »

« Nouvelle voix de la littérature groenlandaise, l’auteure parle de la difficulté d’être jeune au Groenland aujourd’hui. »

Lire l’intégralité du dossier « Climats polaires » publié dans Perluète #05

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[Patrimoine] Alain, portrait d’un philosophe https://perluete.normandielivre.fr/patrimoine-alain-portrait-dun-philosophe/ Wed, 30 Sep 2020 17:00:15 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=2164 Au hasard du sillon des rues, à Mortagne-au-Perche, on découvre la belle bâtisse XVIIe de la Maison des comtes du Perche. Elle loge depuis 1976 le musée Alain. Franchir sa porte fait revivre ce philosophe peu connu du grand public, homme fantaisiste, féru de musique et de peinture. Et capable de passion amoureuse.

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Au hasard du sillon des rues, à Mortagne-au-Perche, on découvre la belle bâtisse XVIIe de la Maison des comtes du Perche. Elle loge depuis 1976 le musée Alain. Franchir sa porte fait revivre ce philosophe peu connu du grand public, homme fantaisiste, féru de musique et de peinture. Et capable de passion amoureuse.

Par Cindy Mahout et Agnès Babois

Alain © Gallica / Bibliothèque nationale de France

Émile-Auguste Chartier est né le 3 mars 1868, rue de la Comédie à Mortagne-au-Perche, où l’on peut encore apercevoir sa maison natale. Fils de vétérinaire et petit-fils de commerçants, sa famille et sa ville natale resteront très présentes dans son œuvre (Portraits de Famille).

À la mort de son père en 1893, Émile, alors lycéen, quitte Mortagne avec sa mère et n’y reviendra pas, poursuivant d’abord en Bretagne, puis à Rouen et Paris, sa carrière de professeur de philosophie et son parcours d’auteur. Mais il écrira toujours sur son enfance mortagnaise. « Ceux de l’Orne je les connais bien. Je suis l’un d’eux. Ce sont de grands diables qui ne savent ni craindre ni respecter. »

Professeur, militant et journaliste

Nommé professeur, il s’engage politiquement du côté républicain, donnant des conférences pour soutenir la politique laïque de la République, puis se consacre aux universités populaires.

En tant que journaliste, Alain fait ses premières armes dans des publications radicales.

« Je fus normalien et agrégé ; après cela, professeur ; […] mais le rebelle et le sauvage n’ont pris que l’habit. Le fond de l’esprit est resté mauvais, ce qui veut dire bon. »

Il est surtout connu aujourd’hui pour ses Propos, billets quotidiens inspirés par l’actualité et la vie de tous les jours, au style concis et aux formules frappantes, que publiait La Dépêche de Rouen et de Normandie à partir de 1906. Plus de 3 000 de ces Propos paraîtront entre 1906 et 1914. Devenu professeur de khâgne au lycée Henri-IV en 1909, il exerce une influence profonde sur ses élèves (Simone Weil, André Maurois, Julien Gracq…).

 

Le citoyen engagé, le soldat, le passionné

La richesse documentaire et iconographique du musée Alain (livres, lettres, revues, manuscrits, photographies, peintures…) donne à voir le philosophe anticlérical, mais aussi l’écrivain, le journaliste, le peintre, et l’engagé volontaire de 1914. « Je m’enfuis aux armées, aimant mieux être esclave de corps qu’esclave d’esprit. »

Dans une centaine de propos, réunis dans Mars ou La Guerre jugée (1921), Alain juge la guerre et n’en oublie rien : l’histoire, la révolte, la situation du soldat, paysan ou prolétaire, la violence, la passion meurtrière. Cette analyse impitoyable de la guerre est une réflexion de sage sur la paix.

Dans le cabinet de travail, fidèle à ce qu’il était dans sa maison du Vésinet, le visiteur découvrira aussi les traits des deux femmes qu’Alain admira toute sa vie, Marie-Monique Morre-Lambelin et Gabrielle Landormy. Il écrivit de nombreux poèmes à Gabrielle et « afin de mettre un terme au désordre de sa vie privée », l’épousa à l’aube de ses 77 ans…

La bibliothèque de Mortagne et le fonds Alain
Bibliothèque de Mortagne © Normandie Livre & Lecture
Fonds Alain
Fonds Alain @Normandie Livre & Lecture

En 1858, le conseil municipal crée une bibliothèque publique communale.

À l’époque, elle compte 300 volumes, issus des confiscations révolutionnaires et des doubles donnés par le sous-préfet. Située au premier étage de l’hôtel de ville, elle s’enrichit au fil du temps de dons de notables.

Faute de place, en 1965, elle est installée dans la Maison des comtes du Perche, propriété de la ville. Lorsqu’en 1978 la ville du Vésinet fait don à Mortagne de documents et objets ayant appartenu à Alain, les collections prennent place à la Maison des comtes, à l’étage de la bibliothèque. L’association des Amis du musée Alain, créée à cette occasion, y installe un lieu d’exposition permanent dédié au philosophe.

En 2013, la bibliothèque est transférée à la halle aux grains. Un projet de réaménagement du musée est engagé pour la création d’un Centre Alain, Maison des écrivains du Perche. Depuis 2019, l’exposition accessible au public est déployée au rez-de-chaussée de la maison. La bibliothèque personnelle d’Alain, enrichie pendant quarante ans de dons et d’acquisitions de la ville et de l’association, recèle quelques trésors dédicacés par leurs auteurs, comme cet exemplaire original du Château d’Argol que Julien Gracq dédicaça à son ancien professeur : « Je vous adresse ce livre non sans quelques appréhensions. Sans doute penserez-vous que j’ai bien mal profité de mon passage à Henri-IV. »

Simone Weil et Maurice Schumann comptèrent également parmi les élèves du philosophe. La bibliothèque est accessible, sur demande, aux étudiants et chercheurs qui travaillent sur l’œuvre d’Alain.

>>> Musée Alain : ouvert les jeudis, vendredis, samedis de 14h30 à 18h00 jusqu’aux Journées du Patrimoine.

Contact : Association les Amis du musée Alain et de Mortagne : amusalain@gmail.com - www.alainmortagne.fr

Les Propos d’un Normand - 22 avril 1913
Les Propos d’un Normand - 22 avril 1913 © Normandie Livre & Lecture

Le propos du 22 avril 1913, conservé à Mortagne, invite le lecteur à l’introspection en ce printemps d’avant-guerre.

Le début du mois d’avril a été le théâtre des premiers incidents diplomatiques. Le Conseil supérieur de la Guerre s’est prononcé pour un service militaire de 3 ans et prépare la défense nationale alors que beaucoup n’ont pas encore saisi la gravité de la situation.

Alain renoue alors avec la philosophie politique et l’esprit (des lois) de Montesquieu, pour évoquer le despotisme, la gouvernance et l’armée. De manière plus prosaïque, il met en lumière la subordination du militaire au politique. Lecteur avisé de ses contemporains, il propose une lecture de Kipling, Trois Troupiers, pour illustrer l’obéissance du soldat et ses aberrations. Et déjà, il constate le décalage entre la nation, le patriotisme et l’engagement aveugle. Il exprime l’émergence d’une conscience politique de l’armée qui pourtant n’apparaîtra pleinement qu’au milieu du siècle.

Chaque année sont organisées les « Journées Alain », le premier week-end d’octobre.

La 44e édition a eu lieu cette année le 3 octobre 2020. Le livre de Francis Kaplan Propos sur Alain (Gallimard) y a fait l’objet de plusieurs communications, dont celle de Nicolas Cayrol, éditeur scientifique de ce texte.

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[Chronique] Le Masque de père de Louison Nielman https://perluete.normandielivre.fr/chronique-le-masque-de-pere-de-louison-nielman/ Wed, 30 Sep 2020 16:30:36 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=2162 Comment naît un dragon ? L’autrice nous livre ici la vision poignante d’une adolescente, Céleste, condamnée à voir son père se transformer en un être qu’elle ne reconnaît pas, qu’elle ne reconnaît plus, jusqu’à le craindre plus que tout.

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Prison de peur

Comment naît un dragon ? L’autrice nous livre ici la vision poignante d’une adolescente, Céleste, condamnée à voir son père se transformer en un être qu’elle ne reconnaît pas, qu’elle ne reconnaît plus, jusqu’à le craindre plus que tout.
© Alice Ginsberg

Ce court roman relate, avec une objectivité glaçante, la prison de peur, de souffrance et de rage que construit petit à petit un père alcoolique au sein de son propre foyer, où il fait subir une tyrannie latente, psychologique, à sa femme et sa fille. Des êtres qu’il est pourtant censé aimer plus que tout au monde.

Ce roman se lit d’un trait et se ressent comme un coup de poing dans le ventre, chaque page vous coupant le souffle. Le lecteur, qui suit l’histoire à travers les yeux de Céleste, devient témoin d’une adolescence étouffée par cette violence inouïe, pourtant masquée par l’apparence d’une famille équilibrée et joyeuse.

Le livre est construit comme un récit rassemblant en un vaste puzzle les souvenirs de
Céleste. S’entremêlent alors des moments joyeux et sombres, un passé et un présent, que les émotions de Céleste confondent jusqu’à trouver une place pour chacun, une solution en elle, située entre l’ombre et la lumière, pour reprendre son souffle.

Le Masque de père, publié aux éditions Macha, est le premier livre d’une collection de romans destinés aux adolescents, pour discuter et échanger autour des violences conjugales. L’autrice, Louison Nielman, est aussi psychologue, spécialisée dans les émotions et les romans jeunesse. Son écriture, comme un témoignage, traduit les émotions que peut ressentir tout un chacun, témoin ou victime de violences conjugales et familiales.

Alice Ginsberg

Le Masque de père - Louison Nielman, éd. Macha, 2020

Mots choisis

" Au début, il le mettait seulement de temps en temps, puis peu à peu, il ne le quitta plus. Son père et le masque ne faisaient qu’un. La mascarade était quotidienne, Céleste ne tremblait plus en surface, elle gardait tout à l’intérieur, elle devenait presque hermétique pour vivre, survivre. Au fond d’elle, la peur grandissait. "

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[Chronique] Le Glacier qui refusait de fondre d’Hélène Gloria et Célina Guiné https://perluete.normandielivre.fr/chronique-le-glacier-qui-refusait-de-fondre-dhelene-gloria-et-celina-guine/ Wed, 30 Sep 2020 16:00:24 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=2160 La naissance d’un jeune glacier en période de réchauffement est-elle le signe d’un avenir plus radieux ? Pour la narratrice, elle coïncide avec la future venue au monde de son bébé.  Une écriture poétique subtilement mise en images.

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Une petite langue d’espoir

La naissance d’un jeune glacier en période de réchauffement est-elle le signe d’un avenir plus radieux ? Pour la narratrice, elle coïncide avec la future venue au monde de son bébé.  Une écriture poétique subtilement mise en images.

Un grand-père disait fièrement à sa petite-fille que les glaciers qui surplombent la région sont la mémoire de leur vallée, de leur famille et seront toujours là pour veiller sur eux pendant encore de nombreuses générations…

Devenue adulte et bientôt mère, la jeune femme se rend dans la montagne. Elle observe douloureusement la lutte de ces « géants » pour ne pas fondre. Les « colosses grincent », tentent de résister, de « s’amarrer aux blocs de pierre » pour ne pas sombrer, et ils « pleurent ». Mais la jeune femme observe aussi la naissance d’une petite langue de glace qui tente « intimidée » de se faire une place à côté de ses aînées.

La naissance de ce jeune glacier est un signe d’espoir, tout comme la venue au monde du bébé de la narratrice. Il est la prochaine génération qui vivra dans la vallée sous la figure tutélaire des glaciers et devra aussi les protéger.

Célina Guiné, artiste plasticienne et illustratrice, a su de manière subtile et douce mettre en images l’écriture poétique d’Hélène Gloria. À l’heure où nous apprenons que les glaciers du Groenland ont atteint leur point de non-retour, et ce, même si le réchauffement climatique s’arrêtait aujourd’hui, cet album est à mettre d’urgence entre les mains des jeunes lecteurs.

Ce livre est adapté au public Dys.

Valérie Schmitt

Le Glacier qui refusait de fondre - Hélène Gloria et Célina Guiné, éd. La Marmite à Mots, 2020

Mots choisis

« Aujourd’hui, je suis allée marcher dans la montagne. J’ai levé les yeux vers les sommets. Avec tristesse.

Que vous est-il arrivé, géants de glace ? Les colosses pleuraient et leurs larmes remplissaient les ruisseaux.

Plic, plic, plic, plic. »

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[Chronique] À l’ombre de la Butte-aux-Coqs d’Osvalds Zebris https://perluete.normandielivre.fr/chronique-a-lombre-de-la-butte-aux-coqs-dosvalds-zebris/ Wed, 30 Sep 2020 15:30:39 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=2155 Riga, capitale de la Lettonie, la veille de Noël, 1906. Trois enfants, sans lien apparent entre eux,  sont enlevés en plein jour au milieu d’une fête foraine. La police n’a aucune piste  et se perd en préjugés et conjectures complotistes.

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Tourbillon letton

Riga, capitale de la Lettonie, la veille de Noël, 1906. Trois enfants, sans lien apparent entre eux,  sont enlevés en plein jour au milieu d’une fête foraine. La police n’a aucune piste  et se perd en préjugés et conjectures complotistes.

Il faut dire que l’arrière-plan historique est sombre, tourmenté. Nous sommes au début du XXe siècle, à l’heure où la Lettonie appartient encore au « tsar de toutes les Russies », Nicolas II. En 1905, à l’occasion de la Révolution russe, la population se soulève contre le joug impérial et de grands domaines féodaux, aux mains de l’élite germanophone, sont brûlés par les paysans lettons. Des revendications politiques émergent, notamment l’enseignement du letton à l’école, socle indispensable pour bâtir le futur d’une nation. La répression est sanglante.

Au milieu de ces grands bouleversements, le lecteur va suivre la trajectoire d’un instituteur, Rūdolfs. Lui aussi a voulu s’engager dans la révolution. Par conviction, et aussi peut-être pour briller aux yeux d’Arvids, son voisin de la Butte-aux-Coqs qu’il admirait étant enfant.

L’auteur, Osvalds Zebris, propose un roman polyphonique, dense, qui met l’individu face à ses choix. Un roman où se mêlent aussi la culpabilité, la recherche de la rédemption et la folie.

À l’ombre de la Butte-aux-Coqs a été sélectionné pour le Prix littéraire de Lettonie en 2015 et lauréat du Prix de littérature de l’Union européenne en 2017.

Valérie Schmitt

À l’ombre de la Butte-aux-Coqs - Osvalds Zebris, éd Agullo, 2020, Traduit du letton par Nicolas Auzanneau.

Mots choisis

« Tout à notre songerie d’un monde nouveau sur le point de naître, dont les lois étaient certes impénétrables mais justes, nous nous mîmes en chemin à travers la campagne, à la recherche de gars susceptibles de nous soutenir ou de nous suivre. Pour les gens du cru, nous étions des “ rouges ” ou des “ socialeux ” portant barbiche et binocles, bombe et pistolet ‒ braves et totalement inconscients. "

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[Chronique] La Géante de Laurence Vilaine https://perluete.normandielivre.fr/chronique-la-geante-de-laurence-vilaine/ Wed, 30 Sep 2020 15:00:27 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=2149 Un roman poétique entre ciel et frondaisons, où la quête de lumière des protagonistes les porte vers une montagne qui est plus qu’un simple décor.

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Sur les sentiers rugueux de l’amour et de la vie rêvée

Un roman poétique entre ciel et frondaisons, où la quête de lumière des protagonistes les porte vers une montagne qui est plus qu’un simple décor.
© Dominique Panchèvre

La Géante, roman poétique éponyme du nom de la montagne qui est le cadre de l’intrigue, croise le récit rugueux de deux orphelins, Noële et son frère Rimbaud, recueillis par « la Tante » ; et la correspondance entre deux journalistes : Maxim qui souffre d’une maladie des yeux, écrit des articles pour un journal et vit replié dans la « Maison froide », près de chez Noële ; Carmen qui parcourt le monde en quête de reportages.

Noële a appris auprès de la Tante les remèdes que l’on fabrique avec les plantes, elle connaît les chemins, les plantes, les animaux et le silence des bois. Rimbaud, qui ne parle pas et chante avec le petit-duc, a fait de la nature sa vraie maison, il observe et comprend, à sa façon, tout ce qui se passe autour de lui.

Entre Carmen et Maxim, il y a de l’amour. Carmen l’écrit avec ardeur mais Maxim, dont la vision s’étiole et le fait souffrir, choisit la réclusion loin des rédactions et impose rapidement un silence aux lettres de Carmen. C’est Noële qui apporte les lettres à Maxim, et c’est Noële qui les lit lorsqu’il ne veut plus les recevoir.

En s’immisçant dans l’intimité de la correspondance, Noële découvre par procuration le sentiment amoureux, le désir, ce qui porte et transporte. La douleur aussi, lorsque les mots de Carmen se heurtent au silence de Maxim qui se mure dans la souffrance de la maladie qu’il combat, mais dont il sait qu’il ne sortira pas vainqueur. Ces lectures sont aussi une initiation au langage de l’amour pour Noële, langage duquel sa vie rustique et frugale ne lui avait jamais permis d’approcher.

On ne peut lire ni les propos de Noële ni ceux de Carmen sans penser aux Fragments d’un discours amoureux, de Roland Barthes. Autre forme, autre langue, mais une grande parenté dans la perception des émotions, du désir, de l’inquiétude que procure l’amour de l’autre. Laurence Vilaine nous guide sans nous contraindre, entre ciel et frondaisons, sur les chemins des fleurs bleues inaccessibles et des branches dont on fait les fagots, du trajet du facteur à la « Maison froide », jusqu’au sommet de « La Géante », qui attirera les protagonistes comme un aimant – dans ses deux acceptions. Chacun y trouvera une parcelle de la lumière recherchée, et Rimbaud, silhouette furtive du récit, y aura finement contribué.

Un roman qui commence par la citation de Jón Kalman Stefánsson, extraite de La Tristesse des anges et qui ne peut être qu’un beau présage : « Partir dans la montagne par une nuit calme et sombre comme l’enfer pour y trouver la folie ou la félicité, c’est peut-être cela, vivre pour quelque chose. »

Dominique Panchèvre

La Géante - Laurence Vilaine, Zulma, 2020

Mots choisis

« Le Bois noir n’avait laissé sur elle aucune marque. Pas une égratignure sur les joues seulement rosies par l’effort de la marche quand les miennes, avec la sueur, brûlaient des griffures des épineux. Sa respiration était tranquille et ce répit la faisait douce. Et comme si un prénom suffisait à donner chair et os, j’ai reconnu son visage que je n’avais jamais vu. »

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