Archives des Perluète #04 - Perluète https://perluete.normandielivre.fr/category/perluete-04/ La revue littéraire de Normandie livre & lecture Fri, 15 Oct 2021 08:34:36 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.2.4 https://perluete.fr/archives_00-14/wp-content/uploads/2020/08/cropped-200_2006-1-32x32.png Archives des Perluète #04 - Perluète https://perluete.normandielivre.fr/category/perluete-04/ 32 32 153862814 [L’invitée] Mélanie Leblanc – Poésie à l’air libre https://perluete.normandielivre.fr/linvitee-melanie-leblanc-poesie-a-lair-libre/ Sun, 14 Jun 2020 17:15:03 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=1778 Mélanie Leblanc aime à disséminer. En dehors des luminaires, des vitrines et des potirons ou, récemment, lors de l’exposition Relier au musée Mallarmé, sur le corps des visiteurs, elle écrit sur papier et publie.

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© Mélanie Leblanc

Poésie à l’air libre

Mélanie Leblanc aime à disséminer. En dehors des luminaires, des vitrines et des potirons ou, récemment, lors de l’exposition Relier au musée Mallarmé, sur le corps des visiteurs, elle écrit sur papier et publie. Disons qu’elle est une variété de liseron qui fait feu de tous supports. Dès qu’ils sont à sa portée, ses tiges volubiles s’y enroulent. Sa poésie est le liseron bleu, variété cultivée qui ne renie pas ses origines sauvages, le volubilis. Une forme certaine de liberté ne renonçant à explorer aucune direction.
Bio express

Mélanie Leblanc est née en 1980 et vit en Normandie.

Elle est publiée chez Cheyne, les Venterniers et les éditions Derrière la salle de bains. Ses derniers poèmes figurent dans l’anthologie du Castor astral et dans le numéro 641 de la NRF.

https://melanie-leblanc.tumblr.com/

"J’ai élargi mes collaborations artistiques et exploré d’autres médiums (broderie, encre, photographie, vidéo). J’ai joué avec le poème dans l’espace, en écrivant sur les murs, sur les corps"
Vous aimez la compagnie des artistes et des écrivains. Comment nourrissent-ils votre processus de création ?

J’apprécie leur compagnie en effet, que ces artistes et auteur·ice·s soient mort·e·s ou vivant·e·s, car elle nourrit mon existence et donc mon processus de création, puisqu’ils sont liés. Cela dépasse la fréquentation des œuvres. Je crois que c’est dans l’interaction, la présence sincère à l’autre que cela advient, dans une ouverture sans attente ni mesure. Pour les artistes avec lesquels je collabore, j’aime que nos arts dialoguent. L’illustration ou la musique « tapis » ne m’intéressent pas. J’aime ce qui jaillit de la rencontre de deux créativités. Ces jaillissements ont lieu aussi en dehors de tout projet, lors d’échanges avec d’autres auteur·ice·s et même des proches. Je reçois beaucoup, de mille façons, ce qui me remplit de gratitude et me donne envie de donner.

De la même manière, vous aimez tisser des liens de compagnonnage avec vos éditeurs. Comment travaillez-vous avec les Venterniers ?

Avec Élise Bétremieux, la fondatrice des éditions, nous avons commencé à travailler ensemble suite à un coup de cœur réciproque. Lors de la sortie d’Éphéméride (titre trouvé par Perrine Le Querrec, pour illustrer la question précédente), l’idée de notre deuxième livre est née avec notre amitié. Il s’agit de Des étoiles filantes, livre pour lequel elle m’a pleinement associée à la conception. De mon côté, je soutiens son travail par des lectures, des ateliers et sur les réseaux sociaux. Des étoiles filantes s’est déjà vendu à plus de mille exemplaires, ce qui est exceptionnel pour de l’édition artisanale et qui conforte notre façon de travailler, dans la confiance et le partage. Pour l’exposition au musée Mallarmé à Vulaines-sur-Seine, elle a été à mes côtés pour trois projets : le catalogue, la conception de dés poétiques et la création d’un livre-objet, Quand mon cœur.

Votre poésie prend des formes multiples d’écriture. Parlez-nous de la résidence au musée Mallarmé et de l’exposition Relier.

Le projet de la résidence au musée Mallarmé est de relier la poésie aux autres arts, afin d’explorer ce qui nous relie, aux autres mais aussi à nous-mêmes, à la nature et aux morts. Ainsi, j’ai élargi mes collaborations artistiques et exploré d’autres médiums (broderie, encre, photographie, vidéo). J’ai joué avec le poème dans l’espace, en écrivant sur les murs, sur les corps et en créant un poème-fil reliant les différentes pièces de l’exposition. Le jeu occupe une place importante, le spectateur pouvant jouer avec l’envers et l’endroit d’une voile brodée, avec des dés poétiques, des poèmes écrits sur un paravent et des textes à caviarder mis à sa disposition. Cette exposition s’est ouverte avec un premier week-end de lectures musicales et performances, une semaine avant le confinement. Comme elle ne sera plus visible, un site de l’exposition est en cours de création, incluant événements, ateliers d’écriture et travail en cours, afin de nous relier par l’art autant que possible.

Propos recueillis par Dominique Panchèvre

Découvrez une interview vidéo inédite de Mélanie Leblanc

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[Lieux] Bibliothèques confinées mais pas sans idées ! https://perluete.normandielivre.fr/lieux-bibliotheques-confinees-mais-pas-sans-idees/ Sun, 14 Jun 2020 17:00:56 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=1776 Depuis le 17 mars, les 700 bibliothèques publiques de Normandie ont dû fermer leurs portes pour participer au ralentissement de l’épidémie de Covid-19. Fermer leurs portes, oui, mais cesser d’exister, sûrement pas !

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Depuis le 17 mars, les 700 bibliothèques publiques de Normandie ont dû fermer leurs portes pour participer au ralentissement de l’épidémie de Covid-19. Fermer leurs portes, oui, mais cesser d’exister, sûrement pas !

Dès le début du confinement, elles se sont organisées pour maintenir le lien avec leurs usagers. À distance, les bibliothécaires ont continué de programmer des animations, d’acquérir des ouvrages ou autres supports, de dialoguer avec leurs usagers. Qu’elles soient équipées ou non de ressources numériques, les médiathèques ont investi les réseaux sociaux et informé leurs usagers des différents accès aux contenus en ligne.

Les propositions affluent et de nouvelles initiatives émergent chaque jour pour apporter culture, information et divertissement à tous les publics. À Fontaine-Étoupefour (14), la bibliothèque a ainsi lancé un appel aux lecteurs pour partager le plaisir de la lecture à travers sa chaîne YouTube, « Mediatek ».

Des histoires pour enfants ou des conseils de lecture, avec le « Booktube du confinement » : la bibliothèque de Fontaine-Étoupefour a maintenu le contact sur sa chaîne YouTube « Mediatek ».

À Louviers (27), les bibliothécaires ont proposé chaque mercredi les « P’tites histoires confinées ». Certaines bibliothèques départementales ont également ouvert leur portail numérique.

De nombreuses bibliothèques ont observé un accroissement considérable de l’intérêt porté à leurs ressources numériques, conduisant, dans certains cas, d’ores et déjà à un changement de priorité par rapport aux ressources physiques. Une enquête a d’ailleurs été réalisée par le ministère de la Culture, pour mesurer l’impact de la crise sanitaire Covid-19 sur l’offre numérique des bibliothèques territoriales.

Le confinement et la crise que nous traversons suscitent beaucoup de questions chez les bibliothécaires sur leur profession. Un séminaire en ligne consacré au rôle des bibliothèques pendant les périodes de crise a été lancé par l’ENSSIB et engendre beaucoup de débats. Il faut aussi envisager l’après : que changera-t-on après cette crise ? Quels enseignements aura-t-elle apportés ?

Alexandra Guéroult

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[Lieux] Résidences croisées : échanges presque aboutis https://perluete.normandielivre.fr/lieux-residences-croisees-echanges-presque-aboutis/ Sun, 14 Jun 2020 16:45:25 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=1774 Normandie Livre & Lecture et l’AR2L des Hauts-de-France se sont associées en 2019 et 2020 pour accueillir un auteur normand dans les Hauts-de-France et un auteur des Hauts-de-France en Normandie.

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Normandie Livre & Lecture et l’AR2L des Hauts-de-France se sont associées en 2019 et 2020 pour accueillir un auteur normand dans les Hauts-de-France et un auteur des Hauts-de-France en Normandie : un mois chacun, dans le cadre d’une résidence croisée. D’un côté, le normand Rémi David, à Arras (62) de novembre à janvier, a finalisé l’écriture de son roman La Vie derrière, sur le voyage extraordinaire d’une famille afghane sur la route des Balkans.

© Dominique Panchèvre

De l’autre, Romain Villet, auteur et musicien de jazz, accueilli en février à la résidence départementale des Fours à Chaux, de Regnéville-sur-Mer (50), s’est consacré à la rédaction d’un livre sur l’énergie des musiciens, en particulier des jazzmen.

La notion d’improvisation, déjà au cœur de cette résidence par le choix du sujet de Romain, a été poussée à son paroxysme du fait de la crise actuelle. La résidence de Regnéville-sur-Mer a dû en effet fermer ses portes jusqu’à la fin du confinement et annuler ou reporter les événements accueillant du public, dont la soirée de restitution de cette résidence (prévue le 29 mai). Toutefois, des moyens seront mis en œuvre pour permettre à Romain de profiter pleinement de sa seconde période de résidence du 28 septembre au 9 octobre 2020 et organiser à son issue une restitution unique. Affaire à suivre… 

Alice Ginsberg

 

Découvrir une interview de Romain Villet au sujet de sa résidence à Regnéville-sur-Mer
Découvrir une interview de Rémi David au sujet de sa résidence à Arras
En savoir plus sur cette résidence croisée de création littéraire sur le site de Normandie Livre & Lecture

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[Lieux] Le virus emporte salons et rencontres… https://perluete.normandielivre.fr/lieux-le-virus-emporte-salons-et-rencontres/ Sun, 14 Jun 2020 16:39:41 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=1813 Du jamais vu ! En raison de la crise sanitaire liée au Covid-19 et du confinement qui s’en est suivi, toutes les manifestations du printemps ont été annulées. Pour celles de l’été et de l’automne, l’incertitude plane encore.

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Du jamais vu ! En raison de la crise sanitaire liée au Covid-19 et du confinement qui s’en est suivi, toutes les manifestations du printemps ont été annulées. Pour celles de l’été et de l’automne, l’incertitude plane encore. Certaines ont déjà jeté l’éponge comme Normandiebulle qui devait avoir lieu fin septembre à Darnétal. D’autres tiennent bon, comme Poésie & Davantage qui espère pouvoir accueillir, le 17 octobre, un public amateur de poésie venu très nombreux en 2019.

Une manifestation annulée, après souvent un an de préparatifs, c’est frustrant. Envolé le plaisir d’accueillir les auteurs choisis, sollicités, les rencontres préparées avec soin, les spectacles concoctés ou sélectionnés pour attirer un public de lecteurs ou non mais toujours avec l’envie de lui faire partager le goût des livres et de la lecture.

C’est pourquoi Monique Cabasson, organisatrice du Salon du livre d’Alençon (6 et 7 juin), s’est démenée pour reporter la plupart des rencontres au 4e trimestre de l’année. Elle a également versé aux 15 auteurs jeunesse la rémunération qu’ils auraient dû percevoir pour les rencontres qu’ils devaient animer. Position vertueuse, car une manifestation annulée, ce sont des auteurs sans travail et sans rémunération pour des interventions en milieu scolaire, carcéral ou le temps du Salon.

Hécatombe d’annulations ou de reports pour cause de Covid-19. Quatre exemples parmi tant d’autres :

Communiquer autrement

Rappelons que la Région et la DRAC Normandie se sont engagées, tout comme le CNL et la Sofia, à verser les subventions aux manifestations qui rémunéreraient les auteurs malgré tout. Certains, comme Trouville sur livres jeunesse, sans subventions régionales, ont joué la solidarité et fait le choix de dédommager à 50 % les six auteurs jeunesse qui devaient intervenir en milieu scolaire. Ce n’est pas toujours facile pour une collectivité qui ne peut payer que les « prestations réalisées ». Pour les éditeurs et les libraires, c’est également une perte de visibilité importante et un vrai manque à gagner.

Néanmoins, pourquoi ne pas en profiter pour communiquer sur le Salon et sa programmation via les réseaux sociaux pour donner à voir ou à lire les auteurs invités et leurs livres ? Ces périodes de confinement et de déconfinement doivent libérer l’imagination et mettre à jour la créativité des organisateurs pour faire découvrir leurs pépites d’une autre manière.

Sophie Fauché

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[Lieux] Coronavirus – Les librairies durement touchées https://perluete.normandielivre.fr/lieux-coronavirus-les-librairies-durement-touchees/ Sun, 14 Jun 2020 16:35:24 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=1772 À la tête du Brouillon de Culture à Caen et président de l’association Librairies en Normandie, Laurent Layet revient sur cette crise qui a touché ces établissements obligés de fermer leurs portes.

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À la tête du Brouillon de Culture à Caen et président de l’association Librairies en Normandie, Laurent Layet revient sur cette crise qui a touché ces établissements obligés de fermer leurs portes.

« Tout est allé très vite. Une fois la décision prise le samedi soir par Édouard Philippe, nous n’avions que le lundi pour nous organiser. L’équipe a été mise au chômage partiel et trois salariés et moi-même en télétravail. Au-delà de notre librairie, l’urgence était de repousser les échéances à payer, de mars et avril, sous peine de disparition de nombreuses librairies. Ceci a été brillamment négocié par le Syndicat de la librairie française (SLF). »

Malgré une autorisation de rouvrir dès les premières heures du déconfinement, les difficultés auxquelles sont confrontées les librairies depuis la reprise ne sont pas amoindries. © Aprim

Pour sa part, l’État s’est tout de suite engagé à soutenir la librairie par des prêts garantis à 90 %, la mise en place du chômage partiel et d’un fonds de solidarité. Il en a été de même en région avec la garantie substitutive du dispositif ARME (Anticipation redressement mutations économiques) et l’annonce d’un fonds de 2 M€ et d’un autre pour la relance de 1 M€. Laurent Layet, également très engagé au sein du SLF, a déclaré ces aides indispensables et devant se conjuguer, car les échéances, tout d’abord repoussées, doivent être payées à partir de juin, ainsi que les charges fixes, tout cela en l’absence de rentrée d’argent suffisante.

Les difficultés auxquelles sont confrontées les libraires depuis la sortie du confinement ne sont pas moindres. Comme l’explique le président de l’association Librairies en Normandie : « Si l’urgence est passée, reste la relance qui nécessite une forte activité pour affronter le mur d’endettement qui s’annonce pour toutes les librairies. »

 

Nous devions annoncer la reprise, en janvier, de la librairie La Chaloupe à Saint-Vaast-la-Hougue (50) par Bertrand Fourquoire et la fermeture de Planet’R à Saint-Lô (50) pour une réouverture en avril sous franchise Fnac (ouverture mi-juin), mais la crise sanitaire est venue bouleverser ces choix.

Sophie Fauché

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[Dossier] La BD explose les cases https://perluete.normandielivre.fr/dossier-la-bd-explose-les-cases/ Sun, 14 Jun 2020 16:05:26 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=1768 Locomotive des ventes en France, le 9e art attire un public grandissant et bigarré, des dévoreurs de planches aux lecteurs occasionnels. Genre de moins en moins cloisonné, en interactions de plus en plus nourries avec la littérature, il est aussi un outil de médiation à ne pas négliger, autant qu’une passerelle vers le livre.

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Les lecteurs déconfinés se rueront-ils cet été sur les rayons BD, frustrés de tant d’attente ?
Locomotive des ventes en France, le 9e art attire un public grandissant et bigarré, des dévoreurs de planches aux lecteurs occasionnels. Genre de moins en moins cloisonné, en interactions de plus en plus nourries avec la littérature, il est aussi un outil de médiation à ne pas négliger, autant qu’une passerelle vers le livre.

Laurent Cauville / aprim

Dorian Duron à la bibliothèque Alexis de Tocqueville à Caen © aprim

De la classique série franco-belge au roman graphique, les productions se diversifient et l’audience s’élargit sur la planète BD. Le rapport livré en 2019 par Pierre Lungheretti au ministère de la Culture, le souligne. (La bande dessinée, nouvelle frontière artistique et culturelle : 54 propositions pour une politique nationale renouvelée). Avec une croissance de son chiffre d’affaires de 13 % en 2017, « c’est le deuxième segment le plus dynamique du marché du livre en France et l’une des pratiques culturelles les plus importantes des Français, notamment auprès des jeunes et des femmes ».

Un rayon phare chez les généralistes

Dans les rayonnages sont apparus de nouveaux formats. On parle à tout-va de « roman graphique », la bande dessinée propose aussi des reportages, des autobiographies, des adaptations littéraires, des documentaires...

À Rouen, dans sa librairie spécialisée, Fred Sendon (Au Grand Nulle Part), l’un des papes de la BD alternative en région, déplore un peu cette surproduction, « d’autant qu’elle ne profite pas aux auteurs, qui eux sont de plus en plus précaires ». Il observe un changement de paysage, près de vingt ans après avoir créé son lieu. « Certaines niches d’hier sont devenues populaires. Par exemple, récemment un album très graphique comme In Waves (Casterman, 2019) a bien marché, ce qui n’aurait pas été le cas il y a vingt ans. » L’empreinte d’un lectorat nouveau, dont une partie non négligeable est préalablement passée par la case littérature. Les rayons bandes dessinées ont en effet pris du poids ces dernières années chez les libraires généralistes, générant du chiffre d’affaires avec une offre qui a converti un nouveau public. « On a vu arriver de nouveaux éditeurs, de nouveaux auteurs, de nouvelles formes narratives..., abonde Fred Sendon. Les Riad Sattouf, Marjane Satrapi, Joan Sfar ou Pénélope Bagieu sont visibles médiatiquement, et rencontrent leur public, à quelques mètres des romans. »

Un premier pas vers la lecture ?

Des romans adaptés avec succès en BD.
Ici, Dans la forêt
de Joan Hegland.

Longtemps vue comme une sous-culture de strict divertissement, la BD semble donc n’avoir jamais été aussi proche du livre. Pour beaucoup moins effrayante qu’un long tunnel de mots sans images, a-t-elle pour autant le pouvoir de donner le goût des textes ? Pierre Lungheretti estime qu’elle est encore pour les jeunes « un outil d’apprentissage de la lecture et l’un des premiers contacts avec le livre ».

Pour Dorian Duron, référent BD pour les 13-18 ans à la bibliothèque Alexis-de-Tocqueville de Caen, « il y a aujourd’hui une grande porosité entre littérature traditionnelle et bande dessinée. Certaines BD font directement référence à des œuvres, à des écrivain·e·s. Ces derniers temps, beaucoup d’albums adaptent des textes classiques ou des romans récents ».

Chez Fred Sendon, aucun doute non plus sur les interactions entre les genres. « Lire de la BD, c’est un bon pas pour lire de tout. Sans parler des bonnes adaptations de romans, de plus en plus fréquentes et qui jouent un grand rôle, comme récemment celles de Sukkwan Island (David Vann) ou de Dans la forêt (Joan Hegland) : elles amènent le lecteur à découvrir un auteur et lui donnent l’occasion de partir à sa rencontre. »

Un lectorat élargi et féminisé

Qui est le lecteur de BD en France ? Selon une étude de 2017 du Syndicat national de l’édition et l’Institut GFK, son âge moyen est de 41 ans, il est issu à 48 % de CSP +, il pratique pour 16 % l’achat d’occasion et très peu l’achat numérique (2 %). « Mon meilleur client est une cliente », remarque le libraire Fred Sendon, à Rouen. Pas seulement chez lui, car aujourd’hui 53 % des lecteurs sont des femmes.

Si la majorité achète de la BD franco-belge (6,9 millions d’acheteurs), les plus gros segments du marché aujourd’hui sont les mangas (103 M€, + 3 %) et la BD de genre, dont les romans graphiques (188 M€, + 15 %).

Un potentiel pédagogique sous-utilisé

La BD est-elle un vecteur d’éducation artistique et culturelle pleinement reconnu ? Non, répond en substance le rapporteur Pierre Lungheretti : « Elle continue de se heurter à un plafond de verre et sa prise en compte institutionnelle demeure inaboutie », écrit-il, plaidant pour un plus grand volontarisme des politiques. « Les quelques expériences existantes en matière d’éducation artistique et culturelle sont plébiscitées par les équipes éducatives et leurs partenaires, dit le rapport. Le potentiel est considérable. Il convient de l’exploiter pleinement, en inscrivant de manière structurelle le 9e art dans les dispositifs du ministère de l’Éducation nationale, et renforcer la formation et la certification des enseignants. »

Côté outils, ces derniers – ainsi que les médiateurs culturels – disposent depuis 2009 d’un PREAC (Pôle de ressources en éducation artistique et culturelle) « bande dessinée », basé en Charente, qui organise un séminaire annuel de formation et contribue à la production de ressources pédagogiques et d’expositions itinérantes.

 

« Un éveil à la culture et à l’imaginaire »

Si la BD n’apparaît que très tardivement dans les programmes officiels d’enseignement, le tableau n’est pas pour autant totalement noir. « Les opérations éducatives avec le 9e art sont montées progressivement en puissance ces dernières décennies. Elles ont démarré avec le Festival d’Angoulême, qui a lancé dès 1975 un concours scolaire de BD, devenu le plus important en Europe. »

Le scénariste rouennais Céka en a d’ailleurs un souvenir ému, pour avoir décroché avec une classe de Bures-en-Bray, l’Écureuil d’or au Festival d’Angoulême lors de l’édition 2004.

« Aujourd’hui la BD est rentrée dans l’école, alors que quand j’étais enfant, elle en était bannie. Depuis une quinzaine d’années, j’interviens régulièrement en milieu scolaire. L’intérêt des enseignants est manifeste. Il y a là un outil pédagogique puissant, susceptible d’amener les enfants vers la lecture. » Que ce soit en milieu scolaire ou dans les cours qu’il donne aux ateliers Terre et Feu de Rouen, Céka fait le même constat : « La BD éveille les enfants à la culture et à l’imaginaire. » Pour l’auteur qu’il est, c’est aussi une manière de sortir du confinement créatif, « sans parler du complément de revenu ». Céka va même plus loin, en développant des conférences à partir de ses albums, ou sur des thèmes larges comme le digital.

Les opérations éducatives avec le 9e art sont montées progressivement en puissance ces dernières décennies. © Céka

Quand la BD emmène hors les murs

La BD, levier vers la lecture et ouverture vers l’extérieur pour les détenus. Sur cette idée s’est développé depuis sept ans le prix Hors les murs, dans le cadre du festival Normandiebulle de Darnétal, organisé chaque année en septembre. Déprogrammé en 2020 comme tant d’autres manifestations, le dispositif a prouvé la place que peut prendre la BD (et plus largement le livre) dans la vie carcérale.

L’an passé, 125 détenus (un record), issus des dix prisons normandes, ont lu les albums sélectionnés et élu le lauréat du prix. Ils ont pu aussi rencontrer des auteurs, des professionnels du livre, et se sont vu remettre d’autres albums, clés vers d’autres voyages, sésames pour s’extraire quelques heures au fil des pages du statut de « détenu ». 

Retrouvez toutes les informations concernant le Prix Hors les murs 2020

Repères

  • 15,5 % La part de la population française acheteuse de BD, soit un peu plus de 8 millions de personnes. Un chiffre en hausse de 400 000 depuis 2015.
  • 20 % La croissance des ventes de BD en France ces dix dernières années.
  • 12 % Le poids du marché de la bande dessinée française en Europe, ce qui en fait le premier du continent en chiffre d’affaires.
  • x 10 La production de BD en France a décuplé depuis 1996, ce qui en fait le troisième pays producteur du monde.

Source : Rapport de Pierre Lungheretti au ministère de la Culture (2019) et Institut GFK.

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[Dossier] Lisieux Normandie : la culture en partage https://perluete.normandielivre.fr/dossier-lisieux-normandie-la-culture-en-partage/ Sun, 14 Jun 2020 16:00:24 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=1770 Rarement un jeune territoire avait autant mis en avant la culture dans sa stratégie de développement. L’agglomération Lisieux Normandie, née en 2017, l’a fait, avec Vents de culture. Ce schéma pour 2019-2025 est le fruit d’une concertation inédite, tant auprès des acteurs que des habitants.

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Rarement un jeune territoire avait autant mis en avant la culture dans sa stratégie de développement.
L’agglomération Lisieux Normandie, née en 2017, l’a fait, avec Vents de culture. Ce schéma pour 2019-2025 est le fruit d’une concertation inédite, tant auprès des acteurs que des habitants.
Laurent Cauville / aprim
Mathilde Leroux-Hennard © DR

Une cinquantaine d’associations et de partenaires consultés, plus de 110 interviews individuelles, 600 participants au fil de neuf rencontres citoyennes et plus de 2 000 réponses aux questionnaires auprès des habitants, le tout sous le pilotage d’un cabinet extérieur... La jeune communauté d’agglomération de Lisieux Normandie (53 communes, 77 000 habitants) s’est donné les moyens d’entendre les idées de tous pour élaborer un schéma culturel à la hauteur des enjeux du territoire. Baptisée Vents de culture, la démarche a été rondement menée, entre l’été 2018 et mars 2019, date où le schéma a été adopté à l’unanimité des élus. « Le délai était court, ce qui nous a évité de nous disperser, nous a permis de garder un rythme et de cristalliser un maximum d’avis sans perdre trop de monde en route », commente Mathilde Leroux-Hennard, directrice de la culture à l’agglo et pilote des opérations.

« Un ingrédient pour se construire »

Un tel niveau de concertation situe l’ambition du projet. Deux ans après sa création, Lisieux Normandie voulait un cap clair en matière de culture, sur un territoire aux stratégies morcelées, voire inexistantes en la matière. « Notre idée de départ, c’est de faire de la culture un élément de développement pour ce territoire, au même titre que l’économie, le tourisme ou l’environnement. C’est un ingrédient essentiel, elle doit aider le citoyen de demain à se construire, à s’épanouir là où il vit. » Bref, une stratégie qui dépasse le seul objectif de « faire tourner des équipements, mais impulse une politique de terrain, incitant au croisement de toutes les disciplines artistiques, partout et pour tous, qui permette aussi de mieux travailler ensemble sur des projets collectifs, de laisser plus souvent des cartes blanches aux habitants ».

Neuf rencontres citoyennes ont jalonné l’élaboration de Vents de culture,
le schéma culturel de l’agglomération Lisieux Normandie.

Vents de culture c'est...

9 rencontres sur l’ensemble du territoire rassemblant plus de 600 personnes

Plus de 2 000 réponses aux questionnaires (dont un millier de jeunes)

Un cabinet spécialisé pour mener la consultation (Créaction)

Quatre piliers issus des avis des habitants :

  • une offre enfance jeunesse au premier rang
  • une offre à l’écoute des habitants
  • une culture qui valorise le territoire
  • une culture créatrice de liens

Une nouvelle offre pour la lecture publique

Tourbillonnant autour de quatre piliers exprimés par les habitants (lire ci-contre), les Vents de culture ont fait émerger 18 objectifs, qui se traduisent déjà en actions concrètes depuis l’an dernier : création d’un guide de ressources pour enseignants et professionnels de l’enfance, agenda collaboratif, nouvelle offre tarifaire...

Côté livre et lecture, les intentions ne manquent pas, mais le déploiement des actions reste conditionné au recrutement (en cours) d’une nouvelle direction pour le pôle de lecture publique. « Nos objectifs sont connus : une offre en lecture publique mieux implantée, mieux structurée et mieux harmonisée », résume Mathilde Leroux-Hennard.

Traductions concrètes à court terme ? « Nous réfléchissons à un catalogue commun, avec un service de portage des documents, à un plan de coopération entre bibliothèques, à leur transformation pour qu’elles deviennent aussi des lieux de vie, de convivialité, à un meilleur accès aux supports numériques... » Un vaste chantier pour lequel il faudra maintenir l’adhésion large qui s’est exprimée jusqu’à maintenant.

L’avis de la libraire

« Nous sommes des acteurs de la programmation »

À Lisieux, Anne-Sophie Baert a repris la librairie Les Grands Chemins en octobre dernier. Avec l’envie d’affirmer son rôle de partenaire et d’acteur du calendrier culturel.

« Le partenariat entre la librairie et la médiathèque, située à deux pas, est enclenché depuis plusieurs années déjà. J’espère vivement le poursuivre. Chacun de nous valorise ce que fait l’autre et ces interactions sont essentielles évidemment. L’idée d’une plus grande concertation pour une offre cohérente me plaît tout autant. Nous sommes un acteur de la programmation à part entière : nous faisons fréquemment venir des auteurs ; nous proposons des ateliers, j’ai des projets avec le Tanit-Théâtre et j’espère pouvoir perpétuer en octobre prochain le Salon de la BD créé par la librairie en 2017. J’ai la chance d’avoir une clientèle complice, très demandeuse d’initiatives. Bref, je pense qu’avec un équipement comme la médiathèque, il y a encore beaucoup de belles choses à imaginer. »

Plus d’infos sur Vents de culture : lisieux-normandie.fr/ventsdeculture

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[Patrimoine] Sur les traces de Jules Michelet https://perluete.normandielivre.fr/patrimoine-sur-les-traces-de-jules-michelet/ Sun, 14 Jun 2020 15:44:19 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=1766 À l’orée de la forêt de Lyons, au cœur de la vallée de l’Andelle, dans l’Eure, se dresse le château de Vascœuil. Avec sa tour octogonale du XIIe, ses bâtiments annexes du XVIIe et son magnifique colombier doté d’un système d’échelle tournante d’origine, le lieu est encore imprégné de la présence de Jules Michelet.

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À l’orée de la forêt de Lyons, au cœur de la vallée de l’Andelle, dans l’Eure, se dresse le château de Vascœuil. Avec sa tour octogonale du XIIe, ses bâtiments annexes du XVIIe  et son magnifique colombier doté d’un système d’échelle tournante d’origine, le lieu est encore imprégné de la présence de Jules Michelet.

Dossier rédigé par Alice Ginsberg et Agnès Babois

© DR - Château Vascœuil © Gaspard Félix Tournachon Nadar

Le château n’a pas toujours été ainsi, lorsque Maître François Papillard, avocat et historien, en devient propriétaire en 1964, il entreprend une longue restauration durant quinze ans. En parallèle, il rassemble des documents relatant l’histoire de la vie de Jules Michelet et ses séjours au château de Vascœuil présentés dans une ancienne grange rurale normande à colombage du XVIIIe siècle qui deviendra, en 1989, l’unique musée Jules Michelet de France.

La Sorcière
Évreux, bibliothèque municipale, notice 1494976.
Bruxelles et Leipzig, A. Lacroix, Verboeckhoven et Cie, 1863.
Seconde édition, Legs Fouché.

Jules Michelet est considéré comme l’un des plus grands historiens du XIXe siècle. Il contribue largement au « roman national » avec son œuvre majeure Histoire de France à laquelle il consacre trente années de sa vie. Libéral et anticlérical, il a écrit également de nombreux essais et ouvrages de mœurs, dont certains lui valent quelques ennuis avec l’Église.

En 1841, après la monarchie de Juillet, Paris est en effervescence et l’œuvre de Michelet connaît un très grand succès. C’est à cette époque que Jules Michelet commence à se rendre régulièrement au château de Vascœuil, sans doute pour fuir l’agitation parisienne. Il côtoie alors le fils d’une certaine Françoise Adèle Dumesnil, propriétaire du château, avec qui il noue une profonde amitié, voire une relation amoureuse platonique. Jules Michelet considère alors Vascœuil comme un « lieu d’intimité, de plaisir et de rêverie (1) ».

 

Vascœuil, sa source d’inspiration

À cette époque, Jules Michelet habite à Paris mais séjourne très régulièrement à Vascœuil. Il installe d’ailleurs son cabinet au sommet de la tour du château. Vascœuil est sa source d’inspiration. Il dira : « Revenu à Vascœuil..., c’est ici (vendredi, samedi) que j’ai commencé à avoir la première intuition de mon nouveau sujet. » (2)

Cette période fut très prolifique pour Michelet. De 1835 à 1867, il réalise de longues recherches pour son Histoire de France et en écrit une partie (17 tomes). Le Peuple paraîtra en 1846, Du prêtre, de la femme et de la famille en 1845, Histoire de la Révolution française (6 tomes) de 1847 à 1853, L’Oiseau en 1856, La Femme en 1859 et La Mer en 1861. Ces derniers sont bel et bien écrits à Vascœuil.

Le château, un domaine de 6 hectares, composé d’un grand parc et d’un jardin à la française, offre tout le calme nécessaire dont peut rêver l’écrivain. Michelet se promène beaucoup dans cet endroit qu’il chérit.
Il dira dans son journal : « Vascœuil, admirablement détaché de la forêt de la prairie, mille accidents de lumière au soleil couchant, mais déjà un peu de brume sur la forêt et tout change. » (3)

Le château de Vascœuil est aujourd’hui un grand centre d’art et d’histoire. Ouvert au public depuis 1970, il a accueilli plus d’une centaine d’artistes parmi les plus renommés, tels que Braque, Brayer, Carzou, Cocteau, Combas, Corneille, Dali, Léger, Lurçat, Vasarely et d’autres. En 2019, un hommage à Bernard Buffet a attiré 25 000 visiteurs. Et en 2020, une exposition de l’hyperphotographe Jean-François Rauzier s’y tiendra jusqu’au 25 octobre.

Sa collection permanente de sculptures dans le parc rassemble plus de soixante bronzes, marbres, mosaïques et céramiques des grands artistes modernes des XXe et XXIe siècles.

Le château, labellisé « Maison des illustres », membre de la « Route des maisons d’écrivains », inscrit dans un circuit littéraire et touristique qui réunit quatorze « Maisons littéraires » en Île-de-France et Normandie, perpétue la mémoire de l’illustre historien et écrivain français qu’était Jules Michelet.

 

A. G.

 

(1) Journal de Michelet, tome I, 1828-1848.

(2) Dans son journal, en 1845, à propos de son ouvrage Le Peuple qui paraîtra en 1846.

(3) Journal de Michelet, jeudi 28 juin 1860.

Un essai controversé

La Sorcière est un titre parfait pour découvrir l’esprit de Jules Michelet. Il révèle l’inventeur qu’il fut de la figure historique de la sorcière et l’écrivain sensible dans son analyse de la société. Publié en 1862, l’essai ne sera mis en vente qu’en 1863. Censuré et controversé, il n’en est pas moins réédité et somptueusement illustré de quinze eaux-fortes de Martin Van Maele dans l’édition de Jules Chevrel en 1911.

Le livre est composé de deux parties, accompagnées d’une introduction, d’un épilogue, de notes et d’une bibliographie nommée « Sources principales ». Michelet puise dans les manuels d’inquisition enseignant à identifier les sorcières, mais aussi parmi tous les procès en sorcellerie abondant aux XVIIe et XVIIIe siècles.

La première partie retrace la généalogie du personnage de la sorcière, depuis le haut Moyen Âge jusqu’aux débuts du XVIIIe siècle. Pour la retracer, Michelet a composé à partir de ses sources un récit poétique dont l’héroïne est une figure de l’imaginaire et non un être concret, historiquement défini. Il brosse ainsi une sorcière héritière des traditions, créée au Moyen Âge et définie en vertu de la religion. À cette vision satanique et hérétique, il oppose la connaissance des sciences en lutte contre l’obscurantisme.

La seconde partie est consacrée aux récits des procès en sorcellerie, du début du XVIIe à l’aube du XVIIIe siècle. L’auteur a pris connaissance de comptes rendus qu’il analyse et restitue comme des romans. Il brosse le portrait des personnages, leurs caractères, leurs dialogues avec verve et émotion. Ce qui laisse imaginer qu’il a consulté des sources comme l’histoire de Madeleine Bavent, dans l’affaire des possédés de Louviers, qui se déroule non loin du château de Vascœuil et dont la bibliothèque conserve procès et controverses.

La bibliothèque d’Évreux

Héritière des confiscations révolutionnaires, la bibliothèque d’Évreux ouvre en 1801 et devient municipale en 1802, à la suite des lois napoléoniennes. Elle conserve des fonds provenant des abbayes de Lyre, du Bec-Hellouin, de Saint-Taurin d’Évreux, de la cathédrale Notre-Dame, des séminaires d’Évreux, des couvents ébroïciens – cordeliers, dominicains, ursulines – et du couvent Picpus situé à Paris. Ces fonds sont d’abord installés au grand séminaire, puis au couvent des capucins. Entre 1850 et 1895, les collections ne cessent de s’accroître, grâce à de nombreux dons et legs de particuliers qui forment aujourd’hui la majeure partie du fonds local conservé au fonds patrimonial. Parmi les bienfaiteurs, Charles Augas et Charles-Lucien Fouché, originaires d’Évreux, lèguent par testament en 1883 et 1888, à la ville, leurs bibliothèques personnelles, dont des éditions de Jules Michelet, qu’elle conserve encore aujourd’hui à la médiathèque. En 1936, la bibliothèque est transférée au pavillon Fleuri. Le fonds patrimonial y restera jusqu’en 2016, date de son transfert dans la nouvelle médiathèque conçue par l’architecte Paul Chemetov et inaugurée le 14 janvier 1995 pour la lecture publique.  A. B.

À découvrir, un extrait d’un film d’animation japonais, Belladonna la sorcière, d’EiichiYamamoto, 1973, adapté du récit de Michelet :

ϕ À lire sur Gallica l’exemplaire de 1878 :

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[Chronique] Les crocodiles sont toujours là de Juliette Boutant et Thomas Mathieu https://perluete.normandielivre.fr/chronique-les-crocodiles-sont-toujours-la-temoignages-dagressions-et-de-harcelement-sexistes-et-sexuels/ Sun, 14 Jun 2020 15:38:44 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=1764 Achever la lecture des Crocodiles sont toujours là le jour où Harvey Weinstein se voit condamné à 23 années de prison pour viol et agression sexuelle sonne comme un rappel. Cette bande dessinée n’est pas une fiction, elle témoigne de faits tristement réels.

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Dans les mâchoires du harcèlement

Achever la lecture des Crocodiles sont toujours là le jour où Harvey Weinstein se voit condamné à 23 années de prison pour viol et agression sexuelle sonne comme un rappel. Cette bande dessinée n’est pas une fiction, elle témoigne de faits tristement réels.

L’histoire commence en 2013, un an après la création du site Paye ta shnek, mais bien avant le mouvement #MeToo. À cette période, Thomas Mathieu décide de faire un appel à témoignages autour du harcèlement de rue et du sexisme, pour les retranscrire sous forme de bande dessinée, en représentant les hommes sous la forme de crocodiles vert fluo.

L’intérêt porté à ce projet par Nathalie Van Campenhoudt, alors éditrice aux éditions du Lombard, permet en 2014 la parution d’un premier album, Les Crocodiles, concentré principalement sur le harcèlement de rue, et qui reçut un bel accueil.

Depuis la sortie de la BD en 2014, Juliette Boutant a rejoint le projet, à la demande de Thomas Mathieu, qui voulait être accompagné d’une femme pour répondre aux procès en légitimité qui auraient pu lui être faits. Elle s’est depuis complètement investie dans la mise en scène de nouveaux témoignages, au format bande dessinée. Une grande partie des témoignages présents dans Les crocodiles sont toujours là, édité cette fois-ci chez Casterman, ont d’ailleurs été réalisés par Juliette Boutant. Plus vaste que le premier, ce second opus s’intéresse toujours au harcèlement de rue, mais traite aussi de situations sexistes en rapport avec la police, le milieu professionnel, la sphère intime pour finir sur les violences gynécologiques et obstétricales.

Tantôt légers, tantôt difficiles à lire, les récits, au long de 177 pages, rappellent que les difficultés rencontrées par les femmes, dans tous les champs de la société, sont réelles et souvent consternantes. Menteurs, violeurs, parfois charmeurs, ces « crocodiles » incarnent un problème de société plus large que ce que l’on peut percevoir depuis la création du mouvement #MeToo. Avec Les Crocodiles sont toujours là, hommes et femmes peuvent prendre conscience de ce nécessaire besoin de changer les choses. Cette bande dessinée est un puissant révélateur à mettre entre les mains de tous.

Marion Cazy

Les crocodiles sont toujours là : témoignages d’agressions et de harcèlement sexistes et sexuels - Juliette Boutant et Thomas Mathieu, Casterman, 2019

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[Chronique] Les Employés d’Olga Ravn https://perluete.normandielivre.fr/chronique-les-employes-dolga-ravn/ Sun, 14 Jun 2020 15:37:52 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=1762 En France, où l’on adore les classifications, ce livre serait estampillé comme un OVNI de la SF. Mais les éditions de la Peuplade sont au Québec et Les Employés appartient à la collection « Fictions du Nord », tout simplement parce qu’il s’agit de littérature de fiction et qu’Olga Ravn (2), l’écrivaine, est danoise.

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Ressemblances inquiétantes

En France, où l’on adore les classifications, ce livre serait estampillé comme un OVNI de la SF. Mais les éditions de la Peuplade sont au Québec et Les Employés(1) appartient à la collection « Fictions du Nord », tout simplement parce qu’il s’agit de littérature de fiction et qu’Olga Ravn (2), l’écrivaine, est danoise.

© Dominique Panchèvre

Mots choisis

" Oui, c’est vrai.Le cadet 4 était un ressemblant, créé. Mais, toi, tu viens de la Terre, c’est ce que vous dites, et vous voulez dire tu es né. Pourtant le cadet 4 est aussi en quelque sorte originaire de la Terre, oui, de la Terre, créé à partir de la Terre. Pure chair, dites-vous à mon sujet, parce que je n’ai pas de parties techniques. Mais que dire de mon ajout ? " (extrait de la Déposition 064)

La structure du texte – une série de dépositions – est constitutive du discours narratif et de la progression des événements dont il est question sur ce six millième vaisseau. Y cohabitent des humains, engendrés, et des ressemblants, créés pour accomplir certains travaux. L’environnement est constitué d’objets indistincts et inqualifiables, qui influencent la pensée, l’humeur et les rêves. Grâce à eux, les ressemblants semblent encore pouvoir être augmentés dans leur homothétie avec les humains. Ils s’émerveillent. Pensent-ils ainsi pouvoir se libérer de leur sous-condition ? Si la commission d’enquête intervient, c’est bien qu’un grain de sable s’est glissé dans le projet : bientôt les ressemblants ne seraient plus si éloignés des humains. La différence entre les deux espèces s’amenuisant, l’unique distinction se réduirait à la mortalité des humains. Cela poserait-il un problème risquant d’enrayer la machine ? La mort serait-elle finalement le sel de la vie ? Le livre se clôt sur une porte ouverte que le lecteur devra franchir pour répondre à cette question.

Les distances, temporelles et spatiales, pourraient éventuellement nous rassurer sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une anticipation, c’est-à-dire d’une situation qui pourrait nous échoir prochainement. Seulement, voilà : la métaphore est terrifiante, même si elle est empreinte de poésie et qu’elle laisse affleurer une forme de sensibilité, d’humanisation même, chez les ressemblants, ces êtres faits de technique et de programme. À lire comme un poème philosophique, c’est très beau.

Dominique Panchèvre

(1) Traduit du danois par Christine Berlioz & Laila Flink Thullesen.

(2) Olga Ravn sera à Caen en novembre 2020 puisqu’elle fait partie des écrivains invités par le festival Les Boréales cette année.

Les Employés - Olga Ravn, La Peuplade, coll. « Fictions du Nord », 2020

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