Archives des Perluète #02 - Perluète https://perluete.normandielivre.fr/category/perluete-02/ La revue littéraire de Normandie livre & lecture Fri, 29 Oct 2021 09:39:59 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.2.4 https://perluete.fr/archives_00-14/wp-content/uploads/2020/08/cropped-200_2006-1-32x32.png Archives des Perluète #02 - Perluète https://perluete.normandielivre.fr/category/perluete-02/ 32 32 153862814 [L’invitée] Marie Nimier dans l’intimité https://perluete.normandielivre.fr/linvitee-marie-nimier-dans-lintimite/ Fri, 19 Apr 2019 20:00:21 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=910 Un rêve, une peur, une honte, un remords, une expérience cocasse ou sexuelle, un fantasme… Invitée en résidence dans une ville de province, l’auteure normande a recueilli, jour après jour, les yeux bandés, dans un appartement vide prêté par la mairie, ces témoignages anonymes. Avec Les Confidences, Marie Nimier signe une quarantaine de courtes nouvelles qui explorent l’intime et interrogent la notion de création littéraire. Natalie Castetz l’a rencontrée pour Normandie Livre & Lecture.

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photo de marie nimier
© Francesca Mantovani - Éditions Gallimard

Un rêve, une peur, une honte, un remords, une expérience cocasse ou sexuelle, un fantasme… Invitée en résidence dans une ville de province, l’auteure normande a recueilli, jour après jour, les yeux bandés, dans un appartement vide prêté par la mairie, ces témoignages anonymes. Avec Les Confidences, Marie Nimier signe une quarantaine de courtes nouvelles qui explorent l’intime et interrogent la notion de création littéraire. Natalie Castetz l’a rencontrée pour Normandie Livre & Lecture.

Vous avez écrit des romans, des contes, des chansons, des textes pour le théâtre. D’où est venu le désir d’écrire un recueil de confidences ?

Cela a commencé au Havre : dans le cadre des 500 ans, on m’a demandé de constituer un groupe d’auteurs pour écrire de courtes fictions à partir d’anecdotes recueillies auprès des commerçants. Ces textes ont été exposés tout l’été sur les vitrines et édités par Gallimard sous le titre Les Petits Romans du Havre. À Nantes, lors du festival Bifurcations, j’ai poursuivi ce travail en lançant un appel à confidences, invitant les habitants à prendre rendez-vous avec moi de façon anonyme ou à déposer leurs secrets sur le site dédié.

"Ce n’est pas  une collection  d’anecdotes, mais  une palette d’émotions qui fait sens, avec  un début, un milieu  et une fin."

Vous effacez-vous vraiment derrière la parole des autres ? Quel est le lien entre le témoignage, réel, et la fiction ?

Dès que vous ouvrez les pages, vous êtes dans la vérité du livre, donc tout est réel et tout est fiction. Certaines nouvelles sont parties d’une seule phrase entendue, d’un lien entre deux mots, d’une émotion ressentie, d’une image. D’autres sont liées à des thématiques qui me tiennent à cœur… L’écrivain a toute liberté. Mais il y a aussi la réalité de ce que m’ont raconté les gens, qui n’avaient que cinq à dix minutes pour se confier, car il ne s’agissait pas de raconter sa vie : je n’avais aucune certitude de la vérité de leurs confidences. J’aimerais bien que chaque lecteur, en refermant le livre, se demande : Et moi, qu’est-ce que j’aurais raconté ?

Où avez-vous placé vos propres confidences, comment avez-vous organisé les récits ?

Ce n’est pas une collection d’anecdotes, mais une palette d’émotions qui fait sens, avec un début, un milieu et une fin, comme un roman. Il y a une série de résonances avec une alternance entre les confidences lourdes et légères, longues et courtes, ponctuées de celles qui ont été postées sur le Net, des hommes et des femmes. J’ai voulu rendre imperceptibles les passages du « je », à la première personne du récit, au « il » de la troisième personne, et éviter les redondances de situations.

Dans ce qui est finalement un tableau de la société à travers l’intime, qui raconte aussi les rapports de domination homme/femme, les humiliations sociales, c’est le philodendron, installé dans la pièce, qui donne le fil conducteur : ses feuilles, qui absorbent le gaz carbonique comme les douleurs, tombent au fur et à mesure, et son départ rendra les confidences impossibles.

Vous avez pris le contre-pied du roman : que vous a apporté ce choix narratif ?

C’était un défi, pour moi, de me confronter à la parole des autres et à une autre forme d’écriture, condensée et très exigeante, comme une mise en danger. Mais que ce soit pour un roman ou pour une nouvelle, la conception d’une histoire me prend toujours du temps : je prends beaucoup de notes, je fais des croquis, la mise en route est lente. C’est finalement très chronophage de faire court, alors qu’il est plus facile dans un roman de s’autoriser des digressions et d’entraîner le lecteur dans ses histoires. J’ai aussi travaillé par évidement, pour ne pas trop dire, laisser de la place au lecteur et des fins ouvertes.

Propos recueillis par Natalie Castetz

À vos agendas

  • Lecture le 19 mai 2019 à Époque, Le salon des livres de Caen (14).
  • Rencontre le 6 juin 2019 à la librairie La Galerne, au Havre (76).

Marie Nimier a écrit treize romans publiés chez Gallimard, dont Sirène en 1985 (prix de l’Académie française et de la Société des gens de lettres) et La Reine du silence en 2004 (prix Médicis).

Elle écrit également des albums pour enfants, du théâtre, des scénarios de films, et est parolière pour de nombreux artistes francophones.

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[Dossier] Lieux du livre, lieux du vivre ? https://perluete.normandielivre.fr/dossier-lieux-du-livre-lieux-du-vivre/ Fri, 19 Apr 2019 19:00:52 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=929 OUVRIR PLUS ET MIEUX LES BIBLIOTHÈQUES... Pour l’État, elles sont un pilier dans l’accès à la culture pour tous. Les bibliothèques connaîtraient-elles une mutation à la dimension des transformations de la société ? Le rapport Orsenna, carottage instructif des changements à l’œuvre, pose la question, et plus prosaïquement celle de leurs horaires d’ouverture et de leurs nouveaux usages. Ouvrir plus, d’accord, mais pour quoi faire ? En Normandie, le sujet infuse. 

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OUVRIR PLUS ET MIEUX LES BIBLIOTHÈQUES... 

Pour l’État, elles sont un pilier dans l’accès à la culture pour tous. Les bibliothèques connaîtraient-elles une mutation à la dimension des transformations de la société ? Le rapport Orsenna, carottage instructif des changements à l’œuvre, pose la question, et plus prosaïquement celle de leurs horaires d’ouverture et de leurs nouveaux usages. Ouvrir plus, d’accord, mais pour quoi faire ? En Normandie, le sujet infuse. 

Laurent Cauville, avec Nathalie Delanoue, Christelle Tophin et Philippe Legueltel

photo de la Bibliohèque Niemeyer au Havre
La bibliothèque Oscar-Niemeyer, au Havre, est devenue un véritable tiers-lieu, avec son kaléidoscope de services. © aprim

Tels des points d’énergie en acupuncture, les 16 500 points d’accès au livre recensés en France (bibliothèques et lieux de lecture) forment le premier réseau culturel national. Une spécificité tricolore. « Ils offrent à 89 % des Français un lieu du livre proche de chez eux », brandit Erik Orsenna, dans le rapport Voyage au pays des bibliothèques qu’il a remis début 2018 au ministère de la Culture (1), pour éclairer d’un état des lieux son souhait de voir les bibliothèques ouvrir plus, le dimanche notamment.

(1) Co-signé avec Noël Corbin (inspecteur général des affaires culturelles).

40 % de la population française

fréquente au moins une fois par an une bibliothèque. C’est plus que les musées et
salles de spectacles.

Source : Rapport Orsenna 2018

9 Français /10

habitent à moins de 20 minutes d’une bibliothèque.

Source : Ministère de la Culture

« Un espace-temps »

Élargir les horaires suffit-il ? Début de réponse de l’académicien : « Les bibliothèques ne sont plus celles que vous croyez. » Elles deviennent « des troisièmes lieux, endroits mixtes et chaleureux, où l’on trouve des livres mais pas seulement ». L’amplitude horaire ne serait donc qu’un début de solution. Pour mieux rencontrer le public, il faudrait reconsidérer jusqu’à la vocation du lieu, jadis juxtaposition de rayonnages, désormais espace à « fabriquer des moments », comme le pense Olivier Tacheau, directeur de la bibliothèque Alexis-de-Tocqueville à Caen : « Une bibliothèque aujourd’hui doit être un espace-temps, un lieu qui crée des propositions. » Ainsi, l’établissement caennais développe une programmation pensée par les agents eux-mêmes, déplaçant du même coup leur curseur métier sur le champ de la médiation culturelle. En deux ans, le modeste agenda s’est mué en un charnu catalogue de 80 pages, qui brille par son éclectisme, avec plus de 200 propositions gratuites par trimestre. « On peut y trouver une visite guidée de la bibliothèque, s’inscrire à une soirée détox, écouter un mini-concert classique, faire une soirée contes ou un escape game… Les acteurs culturels de l’agglomération caennaise y sont impliqués : Conservatoire, Mémorial, Comédie de Caen, Boréales» Un succès qui n’étonne pas Olivier Tacheau. « C’est porté par les agents, donc c’est sincère et le public le sent. »

« Bouger si nécessaire »

« Ouvrir plus et mieux » serait devenu le mantra sur lequel s’agrègent les projets de création ou de refonte d’une bibliothèque. Mais la volonté partagée par les élus et les techniciens suffit-elle ? Le rapport Orsenna pointe d’autres conditions, parmi lesquelles
« un diagnostic de l’organisation du temps dans la commune, un projet construit avec les usagers et les personnels, des moyens budgétaires correspondant précisément aux besoins… »

À Bayeux, où vient d’ouvrir la médiathèque Les 7 Lieux, « la question des horaires est venue tout simplement de la consultation des usagers, insiste David Lemaresquier, élu de Bayeux Intercom en charge du dossier. Mais rien n’est figé, il faudra bouger si nécessaire, à l’image de nos rayonnages qui sont à 95 % sur roulettes ».

Ensuite, place à l’imagination, voire à l’audace, comme on peut le voir à Dieppe, Lisieux ou au Havre (lire par ailleurs).

Dimanches en famille

Centrale, la question de l’amplitude horaire apparaît comme un préalable pour mieux s’adapter à nos contemporains. « Ouvrir plus nous a permis de capter un nouveau public, notamment les actifs », évalue Dominique Rouet, à la bibliothèque Oscar-Niemeyer du Havre, où l’on a tenu aussi à actionner des leviers tout simples comme « simplifier la lecture des horaires en ouvrant tous les jours aux mêmes heures, du mardi au dimanche ».

Mais l’ouverture dominicale est-elle pour autant incontournable ? « Il faut d’abord s’interroger sur les besoins de ses publics : ils ne seront pas les mêmes en ville qu’en zone rurale, ou d’un quartier à un autre. » Au Havre, il n’y a pas eu photo. Le dimanche s’imposait lui aussi pour capter un nouveau public. « Beaucoup viennent en famille, c’est un jour où l’on prend son temps, le comportement n’est pas le même. Grâce au dimanche, la bibliothèque est désormais perçue comme un lieu culturel, voire touristique. »

Lisieux, l’espace remodelé

Ouvrir plus… mais en moins grand. À Lisieux, on a opté pour une extension des horaires concentrée dans l’ancien hall d’accueil réaménagé.

Réouverte en septembre 2018 après un an de travaux(1), la médiathèque André-Malraux voulait s’adapter à une tendance lourde : « Des usagers empruntant moins mais restant plus longtemps pour se poser, profiter du wifi, lire la presse… », décrit Olivier Bogros, son directeur. Le lieu a d’abord repensé le confort. Mobilier moelleux, matériaux chaleureux, mais pas seulement.

Un nouveau découpage du bâtiment a permis d’étendre les horaires à effectif constant (17 agents). Le hall et son guichet d’accueil à l’ancienne ont disparu, au profit d’une « petite médiathèque » où l’on trouve l’actu, les nouveautés et un « best of » des différentes collections. « Ouverte 41 h 30 par semaine, dont 3 heures le dimanche après-midi (de septembre à juin), cette zone peut être tenue par un seul agent titulaire et deux vacataires. » Le virage est complété par une valorisation des collections par pôles thématiques, mixant mieux les supports et les publics, une automatisation de l’emprunt, davantage d’ordinateurs à disposition, une ludothèque… Aujourd’hui, la fréquentation remonte franchement, notamment auprès des collégiens et des lycéens.

L C.

(1) Pour 2,5 millions d’euros, dont 665 000 € par le Fonds de soutien à l’investissement public et 562 000 € par la Direction régionale des affaires culturelles.

Photo de Dominique Rouet, directeur de la lecture publique du Havre
Dominique Rouet
© aprim

Au Havre, « les ados sont revenus »

En 2012, Le Havre décide d’aménager une nouvelle bibliothèque dans le « Petit Volcan » d’Oscar-Niemeyer. « Tout y a été pensé pour y simplifier la vie des usagers », souligne Dominique Rouet, directeur de la lecture publique de la Ville. Accessible du mardi au dimanche(1), de 10h à 19h, l’établissement passe ainsi de 40 à 54 heures d’ouverture hebdomadaires. Avec des schémas inédits d’organisation, imaginés dès la conception architecturale du projet. Ainsi, de 10h à 11h et de 18h à 19h, seul un tiers des espaces est accessible. « Il s’agit des plus utilisés par les usagers et des collections que nous souhaitons mettre en valeur. »

Devenu un véritable tiers-lieu, avec son kaléidoscope de services (wifi, tablettes, prêts automatisés, navettes, etc.), Oscar-Niemeyer enregistre, depuis son ouverture en 2015, des chiffres de fréquentation et de prêts en constante hausse (685 000 visiteurs en 2018). Surtout, « les publics qui s’y croisent sont plus variés et les ados sont revenus ». / Ch. T.

(1) Excepté pendant les vacances scolaires.

Bayeux chausse « Les 7 Lieux »

Photo de la Médiathèque de Bayeux
À Bayeux, la médiathèque Les 7 Lieux propose sept espaces différents,
pour s’isoler ou non.
© aprim

« Vous avez fait de votre médiathèque un lieu de liberté, un lieu de rapprochement et de dialogue. » En inaugurant, le 7 mars dernier, la toute nouvelle médiathèque de Bayeux Intercom Les 7 Lieux, Franck Riester, ministre de la Culture, a résumé, en une seule phrase, le projet voulu par l’intercommunalité. Après un peu plus de 18 mois de travaux et des mois de consultations de différents publics (jeunesse, usagers et sages), l’équipement, lumineux et vitré, enregistre déjà des scores impressionnants : une moyenne de 500 visiteurs par jour, 30 000 documents déjà empruntés et 4 500 abonnés (contre 3 000 sur le précédent équipement)…

« Je ne voulais plus du culte du silence. Nous avons souhaité un lieu où chacun trouve sa place et puisse se sentir bien. L’humain est au cœur de notre projet », résume David Lemaresquier, élu communautaire de Bayeux Intercom et président de la commission Médiathèque intercommunale. Ouverte depuis le 2 février, elle offre sept espaces pour s’isoler ou non, et « propose à chaque usager un voyage personnalisé dans le monde de la culture et de la création », selon l’expression du président de Bayeux Intercom, Patrick Gomont. / Ph. L.

Photo de David Lemaresquier
David Lemaresquier, élu communautaire de Bayeux Intercom et président de la commission Médiathèque intercommunale.
© aprim

Dialogue social

La question impose aussi de mettre les agents au cœur de la réflexion, dans un dialogue social nourri. « Pour l’ouverture du dimanche, nous sommes tombés d’accord sur un maximum de six dimanches travaillés par an et par agent, ce qui nous permet d’ouvrir 36 dimanches consécutifs dans l’année (15h-18h30), de mi-septembre à mi-juin », illustre Olivier Tacheau. In fine, le jour du Seigneur a ses fidèles, et en 3 h 30 d’ouverture dominicale, Tocqueville réalise 15 % de sa fréquentation hebdomadaire.

Au Havre, Dominique Rouet admet que le dialogue social a pris du temps. « Un an et demi de négociations avec les syndicats, et finalement un système basé sur le volontariat des agents. Il en faut au moins 68 pour ouvrir la bibliothèque 30 dimanches par an. Chacun gagne un samedi par mois et une prime. »

« Troisièmes lieux »

Pour accompagner ces élargissements d’horaires, l’État mobilise de nouveaux moyens, avec une hausse en 2018 de 8 M€ de son aide aux collectivités. La DRAC Normandie suit ainsi actuellement 19 projets. « Le grand intérêt de cette aide est qu’elle touche tous types d’établissements, insistent Idyll Bottois et Sabrina Le Bris.
À Mathieu (petite commune au nord de Caen), on passe ainsi de 18 à 24 heures hebdomadaires, dont 13 dimanches. Au Thuit-de-l’Oison (3 500 habitants, dans l’Eure), on bondit de 4 heures à 17 h 30. »

De quoi donner le sourire au ministre de tutelle, Franck Riester, présent à Bayeux début mars pour inaugurer la médiathèque Les 7 Lieux. « Notre ambition, c’est effectivement d’aider à ouvrir plus, mais aussi à offrir plus. » Pour le ministre, il faut l’envisager comme lieu de vie, « pas seulement lieu de passage, mais aussi lieu de brassage ».

La mutation est déjà bien enclenchée en Normandie, à l’image de ces « bibliothèques troisièmes lieux » qu’Erik Orsenna a croisées partout en France, « des lieux entre le travail et la maison, où l’on trouve des livres mais pas seulement, conviviaux, chauds, avec des parcours aux atmosphères diversifiées, où espaces pour les jeux vidéo, ludothèques, bars à mangas et machines à café font leur apparition ».

Fer de lance

Plus fréquentées que les musées et les salles de spectacles (40 % de la population y entre au moins une fois par an), les bibliothèques françaises s’affichent progressivement passerelles vers d’autres offres culturelles, partenaires des conservatoires, musées, librairies… L’enjeu à plus longue échéance sera sans doute d’en bonifier le potentiel d’inclusion sociale, face à la fracture numérique (13 millions de Français ne savent pas se connecter à Internet) ou pour accompagner les publics en recherche d’emploi. Et tant d’autres nouveaux usages, puisque le livre, finalement, n’est sans doute plus l’objet central des bibliothèques de demain.

Photo de la Bibliothèque Niemeyer du Havre
« Des lieux entre le travail et la maison, où l’on trouve des livres, mais pas seulement… »
Rapport Orsenna
© aprim

La France, si mauvaise élève ?

Dans Voyage au pays des bibliothèques, Erik Orsenna rappelle que Paris figure en bas du classement des grandes villes internationales. Ses bibliothèques sont ouvertes 60 heures par semaine en moyenne, quand celles d’Helsinki effleurent les 80 heures. Cette différence sensible n’est pour autant pas révélatrice du paysage français. Des villes de province, notamment de 20 000 à 40 000 habitants, travaillent à élargir leurs horaires. Ce n’est d’ailleurs pas toujours dans les communes les plus grandes qu’on ouvre le plus, mais là où s’exprime une volonté politique forte. Sur les 135 bibliothèques ouvertes le dimanche, 50 % le sont dans des communes de moins de 10 000 habitants. / N.D.

Pionnières du dimanche

Depuis 1978 et 1982, on ouvre le dimanche à la bibliothèque d’Hérouville-Saint-Clair et à la médiathèque Jean-Renoir de Dieppe ! Si, à l’époque, les idées visionnaires des élus ont suscité des critiques, l’ouverture dominicale n’a pas posé de problème. L’ambition des deux villes était avant tout sociale : offrir aux habitants des lieux de rencontre et créer des conditions d’échanges dans de nouveaux espaces de croisements culturels. Les bibliothèques s’installent avec les cinémas « art et essai » et les théâtres. Aujourd’hui, elles accueillent toujours le public le dimanche après-midi de l’automne au printemps. « Les habitants ont pris l’habitude de venir y lire, y jouer et de s’y retrouver en famille. Il serait difficile de revenir sur cet acquis, confirme Céline Sinha à Dieppe. Ce jour-là, les usagers ont accès à des mini-concerts, des activités jeux vidéo ou des spectacles ». Quant aux agents, la majorité apprécie d’alterner entre travail le dimanche et week-ends prolongés. / N.D.

Photo de Céline Sinha, directrice du réseau lecture de Dieppe
Céline Sinha, directrice du réseau lecture de Dieppe.

135 bibliothèques ouvrent le dimanche(1)

dont 50 % dans des communes de moins de 10 000 habitants et seulement 14 dans des villes de plus de 100 000.

(1) au moins 2 heures et 2 dimanches par mois.

Source : Rapport Orsenna 2018

400 projets d’aménagement et d’extension d’horaires

se concrétiseront en France d’ici 2020.

Source : Ministère de la Culture

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[Lieux] Petites, mais costaudes ! https://perluete.normandielivre.fr/lieux-petites-mais-costaudes/ Fri, 19 Apr 2019 18:00:22 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=976 Véritables outils d’aménagement du territoire, les bibliothèques sont d’incontestables acteurs du développement local. Dans les petites communes, elles sont souvent le seul équipement culturel et d’importants lieux de socialisation. Ces dernières années, le territoire normand a vu fleurir de nombreux équipements de lecture publique.

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Véritables outils d’aménagement du territoire, les bibliothèques sont d’incontestables acteurs du développement local. Dans les petites communes, elles sont souvent le seul équipement culturel et d’importants lieux de socialisation.
Logo Bibliotaco
© Ville de Condé-en-Normandie

Ces dernières années, le territoire normand a vu fleurir de nombreux équipements de lecture publique. La communauté de communes du Vexin Normand (27) s’est ainsi dotée d’un complexe culturel remarquable. Inauguré en novembre 2018, dans un ancien couvent à Étrépagny, il fait l’unanimité. En Seine-Maritime, la médiathèque Christiane-Doutart de Saint-Valery-en-Caux, entièrement rénovée en juin 2018, a reçu le prix Livres Hebdo de la « Petite Bibliothèque ». Le jury a salué les efforts de cette bibliothèque « lieu de vie et de mixité sociale, de socialisation et de rencontre ». Citons également les médiathèques du Thuit-de-l’Oison (27), de Saint-Rémy-sur-Orne (14), Créances (50), Morteaux-Coulibœuf (14), récemment construites ou rénovées pour attirer toujours plus d’usagers dans leurs murs.

Les petites bibliothèques font preuve d’imagination pour aller à la rencontre de nouveaux lecteurs. Salariées ou bénévoles, les équipes s’efforcent, avec le soutien des médiathèques départementales, de faire rayonner leur établissement. Dans le Calvados, le Bibliotacot de Condé-en-Normandie va à la rencontre des familles dans les villages et les écoles. À Bellou-en-Houlme (61), les bibliothécaires construisent un projet de jardin culturel et éducatif. Le réseau Mont-Saint-Michel-Normandie (50), quant à lui, fait participer les publics à travers des biblioremix.

Ambitieuses, innovantes et inventives, les petites bibliothèques n’ont rien à envier aux gros établissements !

Alexandra Guéroult

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[Lieux] Passage de relais chez les libraires https://perluete.normandielivre.fr/lieux-passage-de-relais-chez-les-libraires/ Fri, 19 Apr 2019 17:00:43 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=991 La Librairie du Conquérant, à Falaise (14), et À la Page, à Louviers (27), ont trouvé un repreneur. Fondée en 1946, la librairie falaisienne a connu trois cessions. La dernière est effective depuis avril. Jennifer Brezel, libraire depuis onze ans

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La Librairie du Conquérant, à Falaise (14), et À la Page, à Louviers (27), ont trouvé un repreneur.
Quai des mots à Louviers
Quai des mots à Louviers © Sophie Fauché

Fondée en 1946, la librairie falaisienne a connu trois cessions. La dernière est effective depuis avril. Jennifer Brezel, libraire depuis onze ans et cogérante de la librairie jeunesse de Caen Le Cheval Crayon jusqu’en août 2017, vient de prendre le relais de Catherine Trachtenberg. Celle-ci avait racheté la librairie en 2015 après avoir dirigé un syndicat professionnel dans le monde du sport à Paris. Le passage de témoin s’est fait en douceur, car Jennifer a remplacé durant huit mois la libraire, absente pour raisons de santé. Elle a dû s’adapter à de nouvelles conditions de travail, mais sa passion de la littérature et l’accueil des clients l’ont décidée à franchir le pas. Elle envisage de développer les rayons BD et bien évidemment jeunesse. Cette reprise a été soutenue par le CNL, l’ADELC et le fonds régional FADEL.

Retour aux sources pour Stéphane Lemaître, libraire à la librairie généraliste À la Page, avant de créer, en 2012, sa librairie jeunesse, Quai des mômes. Quand Stéphane, Lovérien de naissance, a appris que Sébastien Lefebvre cédait la librairie pour raisons personnelles, il a décidé de la racheter en fin d’année et en a pris possession le 1er février avec une nouvelle équipe.

Nous leur souhaitons à tous les deux une longue vie de libraires.

Sophie Fauché

Librairie du Conquérant, Falaise
Librairie du Conquérant, Falaise © Le Conquérant

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[Rendez-vous à…] Normandiebulle avec le Prix « Hors les murs » https://perluete.normandielivre.fr/rendez-vous-a-normandiebulle-pour-le-prix-hors-les-murs/ Fri, 19 Apr 2019 15:30:39 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=958 La lecture en détention participe activement à l’émancipation des personnes en instaurant un nouveau rapport à soi, aux autres et au monde. Depuis huit ans, le festival Normandiebulle organise le prix « Hors les murs » en Normandie.

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Bulles de liberté

La lecture en détention participe activement à l’émancipation des personnes en instaurant un nouveau rapport à soi, aux autres et au monde. Depuis huit ans, le festival Normandiebulle organise le prix « Hors les murs » en Normandie. Lancé sous l’impulsion de Catherine Langlois, bibliothécaire au centre de détention de Val-de-Reuil, « Hors les murs » s’étend aux dix prisons du territoire et cent personnes y participent. « J’avais remarqué que peu de personnes incarcérées connaissaient vraiment la bande dessinée et, pour beaucoup, leurs connaissances les amenaient dans l’enfance (Tintin, Lucky Luke…). Pour eux, la BD, ce n’était pas pour les adultes...», indique Catherine.

"Le livre, la BD, les journaux : ça relie au monde extérieur. Derrière l’enjeu de la lecture, il y a l’idée centrale que la prison ne doit pas seulement punir, mais aussi permettre aux détenus d’avoir un futur, sous peine de les voir revenir indéfiniment derrière les mêmes barreaux."

Jean-Louis Fabiani, sociologue

Pour Marianne Auffret, directrice du festival, « le projet a pour objectif de faire découvrir la bande dessinée, de susciter l’envie de lire et de faire vivre les bibliothèques de détention. La BD touche des personnes éloignées du livre en s’appuyant sur le texte et également sur la lecture d’images. C’est possible grâce à l’implication des partenaires et du disposi­tif culture - justice. Nous avons reçu le soutien de la Fondation Orange, c’est très encourageant ! »

Présentation du festival Normandiebulle

Le fonctionnement du Prix Hors les murs

Catherine Langlois reçoit le prix Hors les murs en 2016 pour Alcoolique de Dean Haspiel et Jonathan Ames
Catherine Langlois reçoit le prix Hors les murs en 2016 pour Alcoolique de Dean Haspiel et Jonathan Ames
© Ville de Darnetal

Le principe : un jury, composé de personnes incarcérées, décerne le prix du meilleur album parmi une sélection de cinq livres. D’avril à juin, les lecteurs sont invités à en lire au minimum trois, à se rencontrer pour en discuter et à voter. L’auteur lauréat reçoit son trophée, réalisé dans un des établissements pénitentiaires, lors du festival de Darnétal, le dernier week-end de septembre.

Les participants rencontrent également des auteurs et des professionnels du livre. Ces moments ponctués de discussions animées, de sourires discrets et de remerciements sont les temps forts du projet. Le véritable enjeu du prix est là : permettre aux personnes détenues de s’exprimer et leur donner la possibilité de s’extraire, le temps de quelques heures, de leur statut de « détenus » pour redevenir simples lecteurs, pour renouer avec un mode de relation apaisé avec autrui. « Je n’ai pas de mots suffisamment forts, dit Seb, de retour à la vie civile, pour remercier […] toutes les personnes qui m’ont permis d’entrer dans la grande et belle famille de Normandiebulle et m’ont ainsi aidé à retrouver cette “foutue” confiance en moi qui s’était envolée quelques années auparavant. […] Cela m’a permis, jadis, de croire en l’avenir. »

La sélection 2019 

Réalisée sur les conseils avisés des libraires partenaires, Au Grand Nulle Part à Rouen et La Cour des Miracles à Caen, voici la sélection 2019 pour le prix « Hors les murs » :

  • Il faut flinguer Ramirez, Nicolas Petrimaux, Glénat
  • Didier la 5e roue du tracteur, Pascal Rabaté et François Ravard, Futuropolis
  • Nymphéas noirs, Michel Bussi, Fred Duval et Didier Cassegrain, Dupuis/Air libre
  • Lapa la nuit, Nicolaï Pinheiro, Sarbacane
  • Ailefroide, altitude 3954, Jean-Marc Rochette et Olivier Bocquet, Casterman

Découvrez les BD sélectionnées en vidéo

Cinq chroniques de Fred Sendon (Librairie Au grand nulle part à Rouen) réalisées par la Chaîne Normande

Il faut flinguer Ramirez, Nicolas Petrimaux, Glénat

Didier la 5e roue du tracteur, Pascal Rabaté et François Ravard, Futuropolis

Nymphéas noirs, Michel Bussi, Fred Duval et Didier Cassegrain, Dupuis/Air libre

Lapa la nuit, Nicolaï Pinheiro, Sarbacane

Ailefroide, altitude 3954, Jean-Marc Rochette et Olivier Bocquet, Casterman

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[Patrimoine] Flaubert à Rouen https://perluete.normandielivre.fr/patrimoine-flaubert-a-rouen/ Fri, 19 Apr 2019 15:00:41 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=1002 Nombre de lieux témoignent de la présence de l’écrivain dans la ville. Le patrimoine écrit n’est pas non plus en reste : sa bibliothèque personnelle est conservée à Canteleu (76) et la bibliothèque de Rouen conserve une importante collection de pièces essentielles de l’œuvre et de la vie de Flaubert.

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Nombre de lieux témoignent de la présence de l’écrivain dans la ville. Le patrimoine écrit n’est pas non plus en reste : sa bibliothèque personnelle est conservée à Canteleu (76) et la bibliothèque de Rouen conserve une importante collection de pièces essentielles de l’œuvre et de la vie de Flaubert.

Dossier rédigé par Cindy Mahout et Anne-Bénédicte Levollant, directrice adjointe, Rouen nouvelles bibliothèques

Chambre du musée Flaubert et d’Histoire de la médecine CHU de Rouen
Chambre musée
© Musée Flaubert et d’Histoire de la médecine CHU de Rouen

Fondé en 1901, le musée Flaubert et d’Histoire de la médecine est situé dans une belle demeure construite en 1757. Il affiche une double vocation. Littéraire d’abord, car l’écrivain est né dans cette maison, le 12 décembre 1821, et y passa une grande partie de son enfance. Médicale ensuite, car son père était chirurgien-chef de l’Hôtel-Dieu de 1816 à 1846 et, à ce titre, résidait dans ce logement de fonction, avec sa famille.

« Je suis né dans un hôpital et j’y ai vécu un quart de siècle. »

Labellisé Musée de France, Maison des Illustres et Normandie Qualité Tourisme, ce musée appartient au CHU de Rouen. Il possède une bibliothèque médicale riche de 2 000 ouvrages datant du XVIe au XXe siècle, ayant appartenu pour une partie à la famille Flaubert. On peut y suivre un itinéraire de citations extraites de l’œuvre romanesque et de la correspondance de Flaubert. Dans sa maison natale, on découvre ses écrits de jeunesse, et, dans une salle consacrée à Flaubert et à la médecine, on mesure l’influence du milieu hospitalier dans sa création littéraire. Une lecture attentive de sa correspondance permet de restituer l’atmosphère de cette résidence hospitalière où il passa sa jeunesse. « Une simple cloison percée d’une porte séparait notre salle à manger d’une salle de malades, où les gens mouraient comme des mouches », écrit-il.

Les collections du musée, son cadre ravissant, ainsi que le rapport qu’entretient cette maison avec Flaubert et son œuvre, font de cet endroit un lieu particulièrement intéressant à découvrir, un écrin au cœur de la ville de Rouen. Maison des villes, maison des champs. À quelques kilomètres de Rouen, le visiteur pourra aussi découvrir le pavillon Flaubert, situé au bien nommé quai Gustave-Flaubert à Canteleu.

Un fonds exceptionnel

La bibliothèque de la ville conserve des fonds importants consacrés à des écrivains originaires de Normandie comme Guy de Maupassant ou André Gide. Gustave Flaubert y occupe une place prépondérante.

Le fonds Flaubert trouve son origine dans le don effectué par sa nièce Caroline Franklin Grout. En 1914, elle donne à la bibliothèque de Rouen les manuscrits de Madame Bovary et de Bouvard et Pécuchet, dont l’action se déroule en Normandie. Pour Madame Bovary, c’est l’ensemble des plans et scénarios, notes documentaires, brouillons et manuscrits originaux qui ont rejoint l’établissement. Soit plusieurs milliers de feuillets ! Pour Bouvard et Pécuchet, œuvre inachevée, la bibliothèque conserve les plans, des brouillons et une importante documentation préparatoire (notes, coupures de presse, prospectus, citations, etc.).

Depuis ce don fondateur, la bibliothèque a complété par différents achats : les notes préparatoires à Salammbô, à La Tentation de saint Antoine, au Château des cœurs et au Sexe faible. Mais l’établissement est également incontournable pour qui s’intéresse à la famille et à l’entourage de Flaubert, car on peut y découvrir son engagement en faveur de son ami Louis Bouilhet – avec le dossier préparatoire à l’écriture du pamphlet qu’il a rédigé afin de convaincre la Ville de Rouen de construire un monument à la mémoire de son camarade.

La bibliothèque de Rouen forme le troisième fonds en France pour la conservation de la correspondance de Flaubert(1) avec 250 lettres envoyées par lui – des originaux, des copies ou fragments et quelques lettres qu’il a reçues. Plusieurs campagnes de numérisation ont été menées afin de permettre aux chercheurs et au grand public d’avoir accès à une grande partie du corpus conservé à Rouen. Le site www.bovary.fr, ouvert en 2009 et piloté par l’université de Rouen, donne ainsi accès à la transcription intégrale du manuscrit et à la mise en place d’un tableau génétique. Il permet ainsi de naviguer entre les différentes versions du manuscrit. Deux autres sites (http://flaubert.univ-rouen.fr/bouvard_et_pecuchet/ et www.dossiers-flaubert.fr/) permettent un accès aux manuscrits et à la documentation préparatoire de Bouvard et Pécuchet.

(1) Après la bibliothèque de l’Institut et la Bibliothèque nationale de France.

Un pavillon miraculé

Aujourd’hui ne subsiste de la propriété qu’un pavillon au bord de l’eau.

Flaubert y écrivit pendant trente-cinq ans ses œuvres magistrales : Madame Bovary, L’Éducation sentimentale, Bouvard et Pécuchet… et y reçut les grands noms de la littérature, tels les frères Goncourt, Théophile Gautier, George Sand ou Maupassant.

Il fit de cette maison de campagne, acquise par ses parents en 1845, un cabinet littéraire qui servait aussi de « gueuloir », Flaubert y déclamant ses œuvres.

Dessins et gravures, masques mortuaires, photos de famille, fauteuil et écritoire…

Ces curiosités contribuent à inscrire le Pavillon comme une immersion sensible dans le monde de Flaubert.

Pavillon Flaubert
Pavillon Flaubert © Catherine Lancien
Œuvres de Gustave Flaubert (1821-1880). Bouvard et Pécuchet. Brouillonsdes chapitres 6 et 7
Œuvres de Gustave Flaubert (1821-1880). Bouvard et Pécuchet. Brouillonsdes chapitres 6 et 7. © Bibliothèque municipale de Rouen

L’édition électronique de la correspondance de Flaubert

Après cinq ans de travail, le site consacré à la correspondance de Flaubert créé par Yvan Leclerc et Danielle Girard a ouvert en novembre 2017. Il comporte l’intégralité des lettres connues, conservées dans des collections publiques, chez des collectionneurs privés ou passées en vente aux enchères, mais aussi des lettres inédites. Au total, 4 487 lettres envoyées par Flaubert à 272 destinataires sont consultables par ordre chronologique, destinataire, lieu de rédaction, de conservation ou par thème.

Rendez-vous sur le site dédié

Un réseau des maisons d’écrivain en projet

Une première réunion s’est tenue le 5 décembre dernier au musée Flaubert, en vue de la création d’un futur réseau normand des maisons d’écrivain et des patrimoines littéraires, sous l’égide de la Fédération nationale. Avec plus d’une trentaine de sites répertoriés en Normandie, cette initiative s’inscrit sur un territoire doté d’un patrimoine littéraire exceptionnel. Une seconde réunion aura lieu avant l’été 2019. Normandie Livre & Lecture est associée à cette réflexion.

www.litterature-lieux.com

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[Chronique] La Dame de Reykjavík T. 1 de Ragnar Jónasson https://perluete.normandielivre.fr/chronique-la-dame-de-reykjavik-t-1-le-secret-de-ragnar-jonasson/ Fri, 19 Apr 2019 14:00:29 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=1042 Ragnar Jónasson avait séduit le public des Boréales avec son policier Ari Thor, novice dans la vie de couple et dans son métier. Avec Hulda, il met à l’honneur une femme d’un âge certain, dotée d’un vif intellect et qui se sent encore habitée par une énergie très forte.

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Ici sont tombées les ténèbres

Creuser le passé, c’est s’exposer à affronter ses propres fantômes et provoquer des fissures dangereuses. Pour boucler sa dernière enquête, Hulda doit-elle aller aussi loin ?

Mots choisis

"Son bureau, qu’elle considérait comme sa seconde maison, lui paraissait tout à coup étranger, comme si le nouveau propriétaire s’y était déjà installé. Elle trouvait sa vieille chaise inconfortable, la table en bois foncé usée et abîmée, les papiers qui y traînaient n’avaient plus aucun sens pour elle."

(Page 33)

© La Martinière

Hulda s’est toujours impliquée dans son métier de flic, qu’elle aime, certaine d’avoir du flair et de savoir mener les investigations. Au moment de démasquer une mère de famille ayant renversé volontairement un pédophile, elle apprend qu’elle doit laisser sa place à un jeune et brillant collègue. Avant cette retraite anticipée, elle arrache le droit de rouvrir un cold case : le cadavre d’une demandeuse d’asile russe retrouvé sur une plage dans l’indifférence générale. Affaire classée ? Pas pour Hulda, persuadée que l’enquête a été bâclée et que les choses auraient tourné autrement si la victime avait été une Islandaise.

Loin d’être une Miss Marple un peu écrasée par le poids des ans, Hilda montre une belle vitalité. Mais le mystère plane autour d’elle. Est-elle en recherche d’un second souffle amoureux ? Que recèlent les silences ? Au fil du texte, les questions s’accumulent, installent un trouble et une émotion.

Il y a un souffle particulier chez l’Islandais Ragnar Jónasson. Avec lui, nul besoin de bain de sang ou de noirceur sociale appuyée ; juste s’arrêter, partager la vie d’individus ordinaires, et les émotions vous nouent la gorge. L’esprit du lecteur peut rester plusieurs heures dans un fjord isolé, ou simplement marqué par des rencontres simples, surprenantes, parfois déroutantes. Ce roman met en lumière les conditions de vie dans les centres d’accueil avec un double focus : celui du personnel qui y travaille et celui des réfugiés et des migrants. C’est aussi un texte très fort sur la parentalité et sur les troubles de l’attachement.

Ragnar Jónasson avait séduit le public des Boréales avec son policier Ari Thor, novice dans la vie de couple et dans son métier. Avec Hulda, il met à l’honneur une femme d’un âge certain, dotée d’un vif intellect et qui se sent encore habitée par une énergie très forte. Il faut une bonne paire de chaussures de randonnée pour suivre ses traces, ne pas se fier à son âge. Hulda a de l’endurance et nous emmène en des lieux où les ténèbres sont tombées.

 

Sophie Peugnez

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[Chronique] Cargo de Marianne Rötig https://perluete.normandielivre.fr/chronique-cargo-de-marianne-rotig/ Fri, 19 Apr 2019 13:00:44 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=1049 Une jeune femme part sur un cargo. Sept jours entre Le Havre et l’île de Malte. C’est long et court à la fois. Il n’y a que des hommes à bord : l’équipage est composé des officiers et de Philippins, pour les tâches qui n’incombent pas à la navigation.

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Humanité de haute mer

Embarquée sept jours à bord d’un cargo, Marianne Rötig livre un carnet de bord dont la poésie, croisant vers l’introspection, offre aussi un regard plein d’humanité sur la petite société des hommes en mer.
chronique Cargo
© Dominique Panchèvre

Une jeune femme part sur un cargo. Sept jours entre Le Havre et l’île de Malte. C’est long et court à la fois. Il n’y a que des hommes à bord : l’équipage est composé des officiers et de Philippins, pour les tâches qui n’incombent pas à la navigation. Un prologue et un épilogue encadrent sept chapitres qui suivent le rythme du voyage et les jours de la semaine, marqués du sceau des planètes auxquelles ils se réfèrent. Jupiter ouvre la marche, Mercure la clôt.

Ce récit, publié fort à propos dans la collection « Le Sentiment géographique » chez Gallimard, se construit sur le voyage qu’a effectivement entrepris l’auteure. Cela dit, comme le note joliment Emmanuel Ruben dans Terminus Schengen, Marianne Rötig « n’[est] pas un écrivain voyageur mais un écrivain voyagé ». Elle avait en effet prévu d’écrire un texte à l’issue du voyage. Il n’en fut rien. Les notes prises au jour le jour, le voyage les a rapidement transformées en écriture. La durée de la traversée est aussi le temps de l’écriture ; ainsi, le journal de bord s’est naturellement mué en objet littéraire : une réflexion tour à tour sociologique, poétique, toujours émerveillée et baignée d’humanité, sur la petite société qui vit au cœur de ce porte-containers. Le regard est à la dérive mais il ne perd pas une miette des relations parfaitement codifiées et respectées entre les hommes de l’équipage, « car il y a le paradoxe de l’immensité du bateau et de la proximité des corps, cette violence-là », dit la narratrice. Observation spéculaire qui conduit à une saine introspection.

Mots choisis

"La destination tient du hasard. La taille du bateau également. Ma seule demande a été d’avoir une place dans le premier cargo au départ du Havre. Qu’est-ce qui, alors, ne tiendrait pas du hasard ? La question a tourné comme un vautour derrière mes yeux toutes ces semaines. Peu avant le départ, un type est assis devant moi :

« Combien de temps, ton voyage ?

– Pas très long. Sept jours.

C’est le temps qu’il a fallu pour la création du monde »."

Écrivaine voyagée, Marianne Rötig ? À lire cet appel à Mercure, le jour de son arrivée à La Valette, nous comprenons que le voyage fut aussi intérieur et qu’il a profondément modifié la géographie de son rapport au monde : « Je veux la mer toujours dans le corps, le mouvement sans répit de la mer en moi, je veux le mouvement, le mouvement infini. Mercure, j’ai le mal de terre, la vague dans l’âme dans l’œil dans le poumon dans les pieds. »

 

Dominique Panchèvre

 

Cargo - Marianne Rötig, Gallimard, « Le Sentiment géographique », 2018

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[Chronique] Sans adresse de Pierre Vinclair https://perluete.normandielivre.fr/chronique-sans-adresse-de-pierre-vinclair/ Fri, 19 Apr 2019 12:00:56 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=1032 Pierre Vinclair est un poète passionné de poésie, de technique poétique. Non seulement il écrit mais, dans la seconde partie du recueil, il explique pourquoi et comment il élabore ses sonnets. Homme d’échanges, il rapporte ses discussions écrites – parfois en vers – avec des amis poètes ou des poètes qu’il a lus ou rencontrés : Laurent Albarracin, correspondant privilégié, Ivar Ch’Vavar, critique attentif et bienveillant.

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Les sonnets d’un passant passeur

Les flâneries d’un voyageur inspiré, observateur et partageur, entre rues de Chine et nid douillet familial. Entre deux villes, entre deux mondes, entre deux âges de la poésie.
livre chronique_sans_adresse
© Daniel-Claude Collin

Pierre Vinclair est un passant. Après avoir habité Tokyo quelque temps, il a vécu à Shanghai, qu’il se prépare à quitter pour une autre destination, peut-être la Malaisie. C’est donc un voyageur qui se déplace aisément à travers le monde. Mais c’est aussi un flâneur qui aime raconter ses promenades à travers la ville ou les petits moments d’un quotidien tranquille à la maison, comme la préparation du petit-déjeuner pour son épouse et ses deux fillettes.

C’est la vie quotidienne, à hauteur d’homme, mais traduite dans un format singulier par le poète enseignant. Au fil de ses déambulations dans les rues chinoises ou parisiennes, il multiplie les remarques, les impressions, les images qui le frappent ou l’attendrissent. Pierre Vinclair observe des pratiquants de tai-chi ou des adultes chinois, que les enfants appellent affectueusement « ayi ou shushu » selon leur genre. Il arrête son regard sur un espace libre, ancienne parcelle d’une concession que des particuliers cultivent.

Mots choisis

"Cultive le poème ainsi qu’un arbre étrange."

(Poème 12)

La singularité de l’ensemble de sonnets du poète enseignant surprend le lecteur. Certes, le cadre est bien celui du sonnet, mais un sonnet où les mètres bien respectés sont bousculés par un rythme qui rompt ces ensembles en de nombreux enjambements ou rejets, parfois très audacieux. Pourquoi ce choix quelque peu étonnant en notre époque de poésie très libérée ? C’est un défi, qu’on pourrait qualifier d’« oulipien ». En effet, si Pierre Vinclair est un passant, c’est aussi un remarquable passeur, passeur entre les genres, passeur entre les cultures – il fait partie de l’AEFE, Agence pour l’enseignement français à l’étranger –, passeur pour ses amis et parents auxquels il dédie chaque poème. Passeur aussi dans le temps : certains sonnets sont destinés à ses fillettes pour plus tard, quand elles sauront lire.

Pierre Vinclair est un poète passionné de poésie, de technique poétique. Non seulement il écrit mais, dans la seconde partie du recueil, il explique pourquoi et comment il élabore ses sonnets. Homme d’échanges, il rapporte ses discussions écrites – parfois en vers – avec des amis poètes ou des poètes qu’il a lus ou rencontrés : Laurent Albarracin, correspondant privilégié, Ivar Ch’Vavar, critique attentif et bienveillant. Pierre Vinclair est surtout un homme de partage. Lui qui a «repris» le Kojiki (épopée japonaise) et traduit le Shijing (poèmes chinois) pratique avec la même aisance le partage de la vie et des mots, ce lien essentiel en poésie, cet art du dire.

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[Chronique] Chacun son tour de Gaspard-Marie Janvier https://perluete.normandielivre.fr/chronique-chacun-son-tour-de-gaspard-marie-janvier/ Fri, 19 Apr 2019 11:00:56 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=1019 Personnage de son propre roman, Gaspard-Marie Janvier part en croisade de Port-d’Argouges jusqu’en Écosse, dans une guerre de fratrie, pour faire respecter les dernières volontés de son père.

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Vigie de l’espèce humaine

Personnage de son propre roman, Gaspard-Marie Janvier part en croisade de Port-d’Argouges jusqu’en Écosse, dans une guerre de fratrie, pour faire respecter les dernières volontés de son père.

Gaspard-Marie Janvier, c’est déjà un visage. Celui d’un beau marin-pêcheur de Port-en-Bessin, bourlingueur des archipels, chercheur d’or aux confins des îles Hébrides. Et, paradoxe, celui aussi d’un mathématicien que la philosophie et la littérature ont dévoyé… Son dernier roman, Chacun son tour, aborde le sujet de la mort et de la sépulture : inhumation ou incinération ? D’autres questions très à la mode aussi, comme la chirurgie esthétique et la cryogénisation, soit la jeunesse prolongée et la quête de vie éternelle. En toile de fond, un regard sur notre époque où l’idée même de la mort est escamotée par l’emploi abusif de litotes, alors qu’auparavant les vivants côtoyaient les morts.

Gaspard-Marie JANVIER, Paris, 2018
© Richard Dumas

"C’est en lecteur attentif et vigilant qu’il faut lire ce roman à l’écriture truculente, à l’humour féroce et redoutable, traversé par des références subtiles à la physique quantique."

Trois fils, Rodrigue, Cecil, Gaspard-Marie, à la mort de leur père, Denis Janvier, s’affrontent non pas pour un héritage, mais pour le mode de sépulture. On pense à Shakespeare, en particulier Le Roi Lear et Hamlet, Sophocle et son Antigone. Dans cette guerre de fratrie, l’auteur se fait personnage principal et narrateur secondaire, tandis qu’Albertine, amie de Gaspard et metteuse en scène de théâtre, en est la narratrice essentielle.

Pour faire avancer la cause du défunt et celle de son fils Gaspard, deux stratagèmes sont mis en place, représentation théâtrale et plaidoirie d’appel, qui se révèlent des échecs, des fiascos. Que reste-t-il à faire ? L’auteur alors nous fait prendre la mer pour un voyage, sans doute sans retour…

Vous l’avez compris, c’est en lecteur attentif et vigilant qu’il faut lire ce roman à nul autre pareil, à l’écriture truculente, à l’humour féroce et redoutable, ce roman traversé par des références subtiles à la physique quantique. Clin d’œil du mathématicien au littéraire !

couverture du livre chacun son tour, G-M JanvierIl importe de dire enfin que Gaspard-Marie Janvier sème des cailloux dans ses trois derniers romans et construit ainsi une œuvre. La Trace du fils (2014) relate les aléas de Cecil Janvier, frère ennemi de Gaspard-Marie dans son dernier roman. Comme un bel écho de Quel trésor ! (Prix littéraire de la Ville de Caen 2013), on retrouve aussi dans Chacun son tour certains personnages, les paysages familiers de l’auteur, l’archipel des Hébrides, le breuvage ambré et tourbé de l’île de Farà.

 

Jean-Bernard Caux

 

Chacun son tour - Gaspard-Marie Janvier, Fayard, 2018

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