Raphaël Naklé 

Le Détour

62, rue aux Juifs - 50400 Granville

 

Cap sur la liberté de Voldemar Veedam et Carl B. Wall – Éditions de la Table Ronde

Matria a tout de la terre rêvée. Les femmes ont préservé cette île de la folie des hommes depuis des générations. Elles vivent en autarcie loin du continent. À la tête de cette communauté, Marianne, la femme chamane, accueille Charlotte, une ingénieure venue faire des réparations sur l’île pour plusieurs semaines. Charlotte se laisse envoûter par Matria et ses femmes météorites, par la vie au milieu de ses adelphes et des enfants élevés en dehors des normes de genre. L’idylle est parfaite jusqu’à l’arrivée de Fabrizio, né à Matria, à qui la communauté refuse de pardonner une erreur commise lorsqu’il était enfant.

Entre la tragédie grecque et la fable écoféministe, le premier roman de Juliette Garrigue présente une société matriarcale, bâtie de barricade, de feu, de résistance et d’amour. Entre utopie et dystopie, le roman pousse à s’interroger sur la réconciliation, l’impact de chacun·e sur notre environnement et le pouvoir de faire communauté.

Une lecture poétique, riche et intrigante, qui invite au débat et qui laisse parler « les indésirables, les mauvaises, les perturbatrices d’une histoire écrite à l’encre masculine ».

Littérature de terroir, littérature régionale... Longtemps la littérature qui parlait du monde paysan et depuis ce monde a souffert d’une forme de mépris.

Parlant d’un « texte terroir tout terrain », Aurélie Olivier, autrice du magnifique recueil Mon corps de ferme renverse le stigmate et donne voix et corps à un monde silencié, acteur et première victime des bouleversements écologiques.

Uppercut poétique publié chez les formidables Éditions du commun, Mon corps de ferme dit ce que fut une enfance rurale à l’ère de l’agroalimentaire : la mise au pas des corps et des paysages, l’injonction à produire et l’accusation de détruire.

L’autrice dit aussi l’attachement à cette vie, l’impossibilité d’y échapper totalement et invente une langue pour dire un monde où humains et animaux doivent se plier au rythme si particulier de la ferme où la mécanique et les pesticides mettent au pas les vivants :

« Entre-temps, tâches assignées, journées remplies

Comme on fait leurs lits, les vaches se couchent

Les nuits indistinctes sont pour les rêves épuisés

Tant et si bien qu’on dirait de près

Que les exploitants sont les exploités

Que les exploités sont les exploitants

Que les bêtes de somme mènent le troupeau »

Ce livre documentaire offre un fascinant voyage à travers la Scandinavie, à la rencontre d’espèces animales hors du commun dont la préservation est cruciale. Grand Nord tente de sensibiliser le lecteur à la fragile biodiversité de ce monde de glace et de neige.

Tout dans ce livre suscite l’émerveillement ! Des textes agréablement mis en page et enrichis d’anecdotes, qui nous en apprennent un rayon sur les animaux du Grand Nord. Chaque double page est complétée par de magnifiques gravures en relief illustrant ces animaux extraordinaires.

Cet ouvrage est à mettre entre toutes les mains, des petits comme des grands, ne serait-ce que pour la beauté de ses gravures en couleur !

Après une enfance solitaire au bord d’une mare en compagnie des oiseaux, la narratrice, à peine adolescente, part sur les chemins avec sa mère. Ensemble, elles passeront quatre années à vagabonder, à dormir dans les champs et les forêts, à travailler dans les fermes ou les usines. Quand la fille découvre l’amour, il est temps de s’éloigner l’une de l’autre.

En suivant leurs chemins, les protagonistes pourront construire leur identité profonde, en liberté, dans un rapport au monde et au vivant sans aucune domination, dans le respect de chaque singularité. Et de plaider ainsi avec force pour l’invention d’une nouvelle relation à notre environnement.

Douna Loup convoque tous nos sens pour saisir la beauté de cette nature qui fait corps avec la narratrice, au travers d’une écriture riche, vibrante et poétique.

Dans ce qui semble être un futur imminent, Patrick Hamlin, écrivain au succès relatif, débarque à Los Angeles dans une Californie en proie à de permanents incendies ravageurs pour y superviser l’adaptation à l’écran de l’un de ses romans. L’eau potable y a été depuis peu remplacée par une boisson de synthèse, la WAT-R, dont les étranges effets sur ses consommateurs semblent pour l’heure mal maîtrisés et plus encore cachés au grand public.

Bien loin de sa zone de confort et de sa famille partie dans une sorte de camp New Age dédié à l’écoanxiété, Patrick et la jeune star hollywoodienne du projet cinématographique s’allient pour mener l’enquête sur les troubles agissements de leurs producteurs.

Un roman brillant et satirique empreint d’une ambiance marquée par la décadence environnementale, qui interpelle sur la direction prise par notre société.