Stéphanie CARLIER, auteur sur Perluète https://perluete.normandielivre.fr/author/scarlier/ La revue littéraire de Normandie livre & lecture Mon, 13 Jun 2022 08:25:02 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.2.4 https://perluete.fr/archives_00-14/wp-content/uploads/2020/08/cropped-200_2006-1-32x32.png Stéphanie CARLIER, auteur sur Perluète https://perluete.normandielivre.fr/author/scarlier/ 32 32 153862814 [Questions à…] Thomas Flahaut en résidence à l’IMEC https://perluete.normandielivre.fr/questions-a-thomas-flahaut/ Fri, 25 Jun 2021 09:38:50 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=3062 Thomas Flahaut, en résidence à l'IMEC du 4 mai au 30 juin 2021

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Thomas Flahaut, en résidence à l'IMEC du 4 mai au 30 juin 2021

© Patrice Normand
« Mes romans se font l’écho des fracas, des inquiétudes, des angoisses qui agitent le présent. Ils évoquent beaucoup, en disant très peu : violence du capitalisme violence de l’État, de son armée, de sa police, peur du chômage, fin de la classe ouvrière… »

Résidence qui a bénéficié du soutien de la DRAC de Normandie et de la Région Normandie au titre du FADEL Normandie.

Dès son premier roman Ostwald, paru aux éditions de l’Olivier en 2017 suivi en 2020 par  Les nuits d’été, Thomas Flahaut, né en 1991 à Montbéliard, s’est distingué par son style et son univers singulier, où l’histoire collective (le monde ouvrier et la fermeture des usines dans l’Est de la France dans les années 1980) croise celle, plus intime, de personnages librement inspirés de sa propre expérience.

« Mes romans se font l’écho des fracas, des inquiétudes, des angoisses qui agitent le présent. Ils évoquent beaucoup, en disant très peu : violence du capitalisme violence de l’État, de son armée, de sa police, peur du chômage, fin de la classe ouvrière… »

Diplômé de l’Institut littéraire suisse de Bienne, Thomas Flahaut s’est intéressé au processus de création collective parallèlement à son travail consacré à l’autofiction. Cofondateur du collectif littéraire franco-suisse « Hétérotrophes », ses propos sur l’écriture à plusieurs mains et sur la posture d’un collectif de création dans le champ littéraire actuel viennent nourrir les réflexions consacrées aux nouveaux procédés d’écriture et à leurs représentations éditoriales et scéniques.

« Je conçois le texte comme une chambre d’écho dans laquelle peuvent entrer et résonner le bruit du monde. Dans mon travail d’écrivain, je tente de générer, puis de découper, et de recomposer de la matière textuelle. Le collectif "Hétérotrophes" élabore une vision artisanale de la littérature, où l’atelier, le travail et la coopération occupent une place centrale. Les membres du collectif tentent de défendre la spécificité de l’activité littéraire comme (re)travail du texte. »

La disparition est au cœur du prochain projet d’écriture de Thomas Flahaut. Amorcé pendant l’écriture de Nuits d’été, une fiction à forte dimension autobiographique traitant du milieu disparu de son enfance dans un quartier populaire de l’Est de la France, ce nouveau projet tire un autre fil dans le parcours de l’auteur, plus personnel, individuel. Il tentera de dessiner les contours du vertige ressenti non pas face à la mort, mais face à la disparition d’un proche, ou face à l’idée même de sa disparition. Pour ce nouveau projet d’écriture, il pourra s’appuyer sur les collections de l’IMEC, dont certains fonds d’archives sont en lien étroit avec son projet.

© Philippe Delval - IMEC

En partenariat avec Époque - salon des livres de Caen, l’IMEC proposera un programme d’interventions et d’ateliers, qui conduira Thomas Flahaut à rencontrer des publics divers sur le territoire normand.

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[Questions à…] Marcus Malte en résidence à l’IMEC https://perluete.normandielivre.fr/questions-a-marcus-malte/ Fri, 18 Jun 2021 07:47:41 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=3056 Dans le cadre du programme d’Éducation artistique et culturelle à l’IMEC (Institut Mémoires de l’Edition Contemporaine), trois auteurs en résidence – Aliona Gloukhova, Marcus Malte et Kris - mènent un travail d’écriture régulier avec des élèves du CM1 à la troisième et des élèves relevant des dispositifs ULIS et SEGPA.

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Marcus Malte est né en 1967 à la Seyne-sur-Mer. Diplômé en études cinématographiques et audiovisuelles, il se consacre pleinement à l’écriture depuis 2004. Il est l'auteur de plusieurs romans et recueils de nouvelles, dont Garden of Love (récompensé par une dizaine de prix littéraires, notamment le Grand Prix des lectrices de Elle, catégorie policier). En 2016, il a obtenu le prix Femina pour son roman Le Garçon, paru aux éditions Zulma. Son dernier livre, Aires, publié chez le même éditeur, est paru en 2020.

Résidence de Création et d’Éducation artistique et culturelle en milieu scolaire - IMEC

Dans le cadre du programme d’Éducation artistique et culturelle à l’IMEC (Institut Mémoires de l’Edition Contemporaine), trois auteurs en résidence – Aliona Gloukhova, Marcus Malte et Kris - mènent un travail d’écriture régulier avec des élèves du CM1 à la troisième et des élèves relevant des dispositifs ULIS et SEGPA. Tout au long de l’année scolaire, chaque auteur intervient dans quatre classes d’établissements de l’Académie de Normandie pour une série d’ateliers d’écriture sur une thématique commune, « Points de départ », abordée selon des approches et des esthétiques très diverses : inventaire poétique des moments de bascules et de déséquilibres, questionnements autour de l’impulsion créatrice et invention d’une galerie de personnages de fiction, réflexion sur l’élan d’indignation, le point de non-retour, l’engagement et leurs traductions littéraires…

En parallèle, ils se consacrent chacun à leur travail d’écriture personnel.

Interview de Marcus Malte à écouter

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[Chronique] Découvrir Tokyo en manga de Nicolas Finet et Jean-David Morvan https://perluete.normandielivre.fr/chronique-decouvrir-tokyo-en-manga-de-nicolas-finet-et-jean-david-morvan/ Mon, 17 May 2021 08:10:57 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=2846 Ce docu-manga mélange textes documentaires, photos et mangas, avec un sens de lecture inversé (propre aux mangas). Une bibliographie de mangas traduits en français est disponible en fin d’ouvrage pour ceux qui veulent aller plus loin. Une invitation à l’évasion plus que bienvenue.

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Auteurs

Nicolas Finet,

Jean-David Morvan

Dessinateurs

Kan Takahama,

Hiroyuki Ooshima,

Naito Yamada,

Seiho Takizawa,

Makochin Ishihara,

Eirica Sakurazawa,

Satoshi Kitagami,

Mizuki Kuze,

Atsushi Kaneko,

Toru Terada,

Akira Yanagiha,

Q-Ta Minami,

Maya Koikeda,

Yoshinori Nastume,

Mariko Horiuchi,

Yoshinori Inuyama

Méga manga

Shibuya, Harajuku, Ginza... ces noms qui tintent agréablement à nos oreilles sont des noms de quartiers de Tokyo. Cette mégalopole tentaculaire (dont l’agglomération est la plus grande au monde) s’est développée de manière anarchique et n’a pas vraiment de centre-ville. Chaque quartier a sa vie propre et son identité. Amateurs de tradition ou de modernité, de gratte-ciel ou de temples zen, de mode, de sumo, de gastronomie, d’électronique... il y en a pour tous les goûts ! Découvrir Tokyo en manga, propose une immersion culturelle dans cette ville à l’énergie bouillonnante.

Seize mangakas (8 femmes et 8 hommes), tous japonais, ont illustré une tranche de vie ou les origines de ces quartiers. Les 30 quartiers de Tokyo sont présentés dans ce manga de découverte qui n’est ni un guide pratique ni un guide de voyage traditionnel (même si les pictogrammes de métro ou de train en page d’ouverture de chaque quartier pourront dépanner les voyageurs égarés).

Ce docu-manga mélange textes documentaires, photos et mangas, avec un sens de lecture inversé (propre aux mangas). Une bibliographie de mangas traduits en français est disponible en fin d’ouvrage pour ceux qui veulent aller plus loin. Une invitation à l’évasion plus que bienvenue.

Valérie Schmitt

Découvrir Tokyo en manga - Éditions Petit à Petit, mai 2021

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[Entretien] avec Christian Clères autour du film J’aime pas Flaubert https://perluete.normandielivre.fr/entretien-avec-christian-cleres/ Mon, 17 May 2021 08:10:12 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=2873 Christian Clères avoue avoir lu Flaubert pour les besoins de son film et y avoir pris goût ! Pour lui, Flaubert est un écrivain inclassable et profondément moderne, qui a écrit des œuvres très différentes les unes des autres.

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© Catherine Dente

J’aime pas Flaubert, un film de Christian Clères

Christian Clères avoue avoir lu Flaubert pour les besoins de son film et y avoir pris goût ! Pour lui, Flaubert est un écrivain inclassable et profondément moderne, qui a écrit des œuvres très différentes les unes des autres. Selon lui, Madame Bovary fait résonance aux mouvements comme MeToo, et Un cœur simple répond à la question « À quoi s’accrocher pour vivre, malgré les difficultés ? ». Alors, quand on lui pose la question « Pourquoi faut-il lire ou relire Flaubert ? », Christian Clères répond sans hésiter : « Parce que, pour apprécier la littérature d’aujourd’hui, il faut connaître celle d’avant. C’est comme une maison, il faut des fondations. »

Comment vous est venue l’idée de faire le film J’aime pas Flaubert ?

On me disait que c’était compliqué de faire des documentaires sur la littérature, mais comme ma vie principale est d’écrire, même si je ne suis pas romancier (parce que je n’ai pas eu de romans publiés même si j’en ai écrit), je comprends un peu les affres de l'écriture et la motivation. Ça me paraissait très évident pour moi de faire ça.

J'ai fait un film sur Michel Bussi quand il a commencé à être connu. Je le connaissais bien avant qu'il ait du succès, quand il était encore un auteur local (on est originaire de la même ville).Et je ne sais pas pourquoi j'ai senti qu’il allait percer. Je me suis dit que ça m'intéressait vraiment, que c’était quelque chose qui faisait partie de moi de réaliser des films littéraires. Je me suis dit qu'il fallait que je trouve une autre idée, que je m’attaque à plus fort que Michel Bussi !

 

Vous êtes passé aux grands maîtres de la littérature française...

Quand on fait un film, on reste avec le sujet pendant un an et demi à deux ans donc c’est vrai qu’il faut aimer ce qu’on va faire. Tout naturellement, je me suis dit que j’allais m’attaquer à une sommité de la littérature française. Qui ? J’aime beaucoup de gens et puis en cherchant, j’ai pensé à Proust. Je me suis dit : “ah oui, Proust !”. Puis tout de suite, je me suis dit “mais j’aime pas Proust…”.

C’est vrai que j’ai jamais réussi à lire Proust, c’est vraiment un des écrivains qui me tombe des mains chaque fois que je lis la première page et au bout de la fin de la phrase… Je ne suis pas arrivé à la fin de phrase, je referme et je ne comprends pas. Je me suis dit : c’est comme ça qu’il faut aborder Proust. Il faut aborder Proust d’une manière différente, d’une manière tout à fait naturelle, avec énormément de personnes qui n’arrivent pas à le lire, comme moi. Voilà, je vais proposer un film qui s'appelle J’aime pas Proust.

 

Avec un titre volontairement provocateur !

Oui, avec un titre volontairement provocateur : je vais me mettre dans la peau des 95% des gens, dont je suis, qui n’arrivent pas à lire Proust, qui ne comprennent pas comment on peut célébrer cet écrivain. Je vais aller voir des personnes qui sont des sommités, proustiens, proustiennes ou des amoureux et je vais leur demander pourquoi et comment ils aiment cet auteur. Comment on peut faire pour aimer Proust au XXIe siècle parce que c’est quand même un auteur du XXe siècle. C’est parti comme ça, tout simplement. Après ce film sur Proust, tout naturellement on a été amené à continuer et à faire J’aime pas Maupassant et J’aime pas Flaubert.  

 

Parce que vous avez eu une bonne réception j’imagine ? 

Oui, parce qu’en fin de compte il a beaucoup décontracté et beaucoup plu et en même temps Je n’aime pas Proust est un peu particulier : il est un peu provocateur, mais ce qui était intéressant pour nous tous, c’était que ce Je n’aime pas Proust a donné envi de lire Proust. C’est ça l'intérêt de notre métier : on est des passeurs, on n'est pas plus intelligent que les autres. On est juste là pour transmettre. En fait, contrairement à ce que le titre dit, à la fin, on se dit “on comprend mieux, on va peut-être aller voir, aller lire, on a peut-être raté quelque chose.”

Avec ces clés-là, j’ai trouvé comment lire Proust plus facilement. J’ai trouvé qu’en respectant la ponctuation Proust était fluide. C’était impeccable. C’est comme ça que j’ai compris qu’on allait rapper Proust dans le film. J’aime pas Proust commence par un rappeur qui slame Proust et c’est tout à fait naturel en fait. Donc il y a plein de choses qui font que ce film est différent d’un film classique. C'est aussi un film pour une génération peut-être un peu plus jeune et aussi pour des gens qui ont eu beaucoup de complexes : moi, je sais bien, je vois bien, dans mon milieu, quand on a l'audace de dire “j’aime pas Proust”, “ha oui, tu n’aimes pas Proust ? Comment, je ne comprends pas…”. Quand même, c’est un peu… Ridicule.

 

Et puis il y a des postures du style “je relis Proust régulièrement”...

Oui ! Il y a des postures et c’est vrai qu’en faisant des films qui s’appellent “j’aime pas” je n'ai pas ressenti cela du tout. Même les gens qui aiment, ils respectent le fait de donner un point de vue très clair, c’est très intéressant. Et Flaubert est arrivé à ce moment-là.

 

Pourquoi Flaubert justement ? 

C’est en parlant avec France 3 qui avait envie de continuer à faire une collection. Flaubert fait partie des incontournables, des sommités, des maîtres ! Et on a découvert plus tard qu’il y avait l’année Flaubert. Je suis très naturel, je suis très béotien. Flaubert, c’est pareil : j'ai lu plusieurs fois Madame Bovary dans mon existence et j’ai jamais compris pourquoi il fallait s’enthousiasmer, donc, je suis plutôt en phase avec les films. Ce n'est pas une posture.

C’est bizarre, je passe ma vie à écrire, je ne viens pas de la littérature : j’ai eu un BAC scientifique. Et c’est parce que j’ai une formation scientifique que j’ai réussi finalement à écrire, pour la radio notamment. Quand on fait du cinéma ou de la télévision, enfin quand on écrit des scénarios, ce sont des écritures très cartésiennes, ce ne sont pas des écritures littéraires... Quand on n'a pas de formation littéraire, c’est plus facile.

 

Donc le titre J'aime pas Flaubert, ce n’est pas seulement un titre provocateur, c’est votre postulat de départ et vous cherchez vraiment à comprendre pourquoi il faut relire cet écrivain, pourquoi il est si important dans la littérature normande ou française ? 

Oui, c’est ça. Mais il est volontairement provocateur quand même ! Quand on dit “j’aime pas Flaubert”, on dit clairement quelque chose qui peut être… Choquant ? Je pense qu’on a pu, faire ces films-là parce qu'on est en phase aussi avec une époque. On passe notre temps sur les réseaux sociaux, Facebook notamment à faire “j’aime”, “j’aime pas”. En faisant un film qui s’appelle J’aime pas Flaubert, volontairement on est dans cela, pour en arriver à apporter beaucoup de nuances finalement. Flaubert est quand même clivant.

C’est un personnage à la fois dans sa littérature parce que, contrairement à Proust, il n'a pas écrit qu’un seul livre. Proust a écrit un livre, c’est un recueil de 3 000 pages. Flaubert, a écrit sept livres, ou six, je ne sais plus, complètement différents, il s’est remis en question tout le temps. Entre Madame Bovary et Salammbô, c'est déjà un grand écart. Et ensuite avec Un Coeur Simple qui est une nouvelle magnifique. On ne sait pas où situer Flaubert : on ne peut pas dire “, c’est un écrivain romantique” ou “c’est un écrivain peplum”et ça, c’est intéressant en soi.

Il y a le caractère de l’homme aussi. Il est exaspérant, il est entier, il est misogyne, il est excessif. Marie-Hélène Lafon, dans le film, dit qu’elle adore Flaubert et adore la littérature de Flaubert mais qu’elle ne supporte pas l’homme. Et elle dit que Flaubert est un punk, un punk à l'intérieur. Et c’est vrai que Flaubert, c’est rock n’roll. C’est un bourgeois détestant les bourgeois. Il est contre la monarchie, mais il adore être flatté. Quand la reine - la princesse Mathilde -  lui dit qu’il a écrit un roman formidable, il va à la cour et est flatté d’être à la cour ! c’est le grand écart permanent. 

 

À travers ce documentaire, le but était-il de dépoussiérer l’image de Flaubert, de faire remonter ce côté excessif, punk, comme le décrit Marie-Hélène Lafon ?

Oui. C’est-à-dire que partir d’un postulat de départ en disant “j’aime pas Flaubert” : c’était beaucoup plus facile : on pouvait parler de ses défauts, de ses facettes moins reluisantes, on pouvait ne pas (les) mettre sous le tapis. Ce qui est intéressant aussi, c’est de rencontrer les vrais spécialistes, les gens qui sont des références. Pour Flaubert, il s’agit d’Yvan Leclerc *. Ça fait 50 ans qu’il travaille sur Flaubert. On a la chance qu’il soit normand, qu’il habite à Rouen, et que ce soit un homme formidable. Quand je suis allé le voir en lui proposant de faire un film J’aime pas Flaubert, il m’a répondu  “C’est formidable, moi j’ai vu J’aime pas Proust, c’était bien donc allons-y, faisons J’aime pas Flaubert !”...

En fin de compte, les spécialistes, les gens qui sont les plus amoureux, acceptent qu’on vienne les voir en disant “mais moi j’aime pas”, parce que ça les intéresse aussi de nous expliquer, pourquoi eux ils aiment et quelles sont les clefs pour aimer. En même temps, ils acceptent aussi de dire “ah oui mais moi aussi il y a des facettes de Flaubert que j’aime pas ou alors qui sont un peu moins drôles" et ainsi d’en parler. Finalement,  on a le portrait très humain de quelqu’un. Je pense que le fait de mettre des gens sous cloche ou de le mettre en haut d’un pied d'estale, ça ne les aide pas.

Mais Flaubert a des côtés sympathiques. Avec ses amis, il était magnifique. Avec Louis Bouilhet, il a été exceptionnel ! Quitte à se fâcher avec la ville de Rouen pour que son ami ait une statue à Rouen. Quand Flaubert fait les choses, il ne les fait pas à moitié ! Quand il aide Maupassant, quand il prend Maupassant sous son aile, aussi.  Avec toutes ces entrées, différentes, on a plus de facilité après pour le lire et on le comprend mieux. Le procès bovary  a fait beaucoup aussi pour sa notoriété. Les censeurs sont toujours les mauvais juges puisqu' ils mettent le focus sur une œuvre, sur un livre et finalement, c’est comme ça que Flaubert a été connu.

*Yvan Leclerc est président du comité scientifique et culturel Flaubert 21, Professeur émérite à l’Université de Rouen Normandie, membre associé du laboratoire Cérédi, spécialiste de Flaubert.

 

Pourquoi avoir utilisé le procès de Flaubert pour atteinte aux bonnes mœurs comme un des fils conducteurs de votre documentaire ? 

Une des particularités de ces films est la musique originale, faite par Gregory Moore et un chanteur qui est Hassan Guaid. Donc pour Flaubert, je me suis demandé comment faire ? Parce que ces œuvres sont tellement différentes : pourquoi prendre Madame Bovary ? Pourquoi prendre Salammbô ? Pourquoi prendre La Tentation De Saint Antoine ? Pourquoi ne pas prendre Bouvard et Pécuchet ? Pourquoi ne pas prendre les Dictionnaires ? C’était compliqué ! Et puis on a besoin d’une unité, on ne va pas chanter Salammbô comme on chante Bovary ! Et tout à coup, j’ai lu la plaidoirie de Maître Sénard… Ça m'a paru évident ! Dans ces phrases, cela résume un petit peu plus Flaubert que le procès. Finalement, le chanteur rythme le film avec la plaidoirie.

Effectivement, ça donne un focus un peu plus important sur le procès Bovary… Mais en même temps, ça résume bien. Quant à la fin, Sénard dit “Voilà maintenant vous connaissez mieux mon client, vous allez pouvoir l’aimer à sa juste valeur puisque vous le connaissez mieux”. Cela résume également le film qu’on a fait. On a utilisé cette plaidoirie dans le but du film mais il est vrai que Flaubert ne doit pas se résumer au procès malgré tout. 

 

Vous avez vraiment lu Flaubert finalement ? 

Oui ! C’est le piège quand on a des idées un peu saugrenues comme ça ! On se dit qu’on va faire des films sur des gens qu’on n'aime pas et puis finalement, on est obligé de les lire ! Donc j’’ai découvert Flaubert, j’ai découvert les autres auteurs aussi, écrivains et l’écriture, c’est magnifique !

 

À votre avis, pourquoi faut-il lire ou relire Flaubert en 2021 ? 

C.C. : C’est Marlo Johnston à la fin du film sur Maupassant qui dit tout simplement “parce que c’est bien”. Je pense qu’on a besoin de fondements aussi. C’est-à-dire que si on veut apprécier la littérature de maintenant, il faut aussi connaître celle d’avant. l’une ne va pas sans l’autre. Quand on a une maison, comme nous tous, il y a  des fondements et après, on fait notre propre décoration. Mais les fondements sont là et c’est aussi pour voir comment, pourquoi ces écrivains sont toujours lus... Non pas par nous, mais par des gens qui ne sont pas forcément dans ce milieu littéraire, dans ce milieu de la culture et qui sont plombiers, coiffeurs et qui adorent ! Pour eux c’est leur vie. Leurs références... Pourquoi ? Pourquoi ça nous touche ? Parce qu’il y a une certaine modernité dans Flaubert...

 

Selon vous, si Flaubert est moderne est-ce parce qu’il y des thèmes soulevés dans ces œuvres qui sont toujours d’actualité en 2021 ? 

Effectivement, Madame Bovary fait exploser l’image de la femme au XIXe siècle. Et on est là, en 2021, avec des combats encore plus féminins. La place de la femme dans la société avec #MeToo par exemple. Quand on lit Madame Bovary, encore plus au XXIe siècle et encore plus en 2021, ça fait résonance. Un Coeur simple aussi fait résonance à des gens qui ont une vie… Simple. Comment faire pour avoir une belle vie ? On s’accroche à quoi pour vivre, malgré les difficultés ? L'héroïne s'accroche à un perroquet empaillé. C'est incompréhensible pour les autres, mais pour elle, c’est tellement important. 

Je crois que c’est vraiment la fonction de la littérature aussi : c’est de s’évader. Et puis Salammbô, La Tentation De Saint-Antoine, c’est tellement barré et moderne. Ce sont des scénarios avant l’heure. Quand il décrit, il met “il va s'asseoir". Et ça, c’est ce qu’on écrit dans les scénarios. Il y a des dialogues, il y a des descriptions, il y a des réflexions… C’est un peu autre et ce qui est un peu autre est toujours exceptionnel. En France, on est dans un pays formidable où on a accès aux livres. Avec internet, on a tous les livres, tous les classiques. On peut les lire, les étudier, on a toutes les références. Je crois que ça nous nourrit. A la fin de notre premier film avec Laurent Mathieu, on avait mis une phrase de Malraux qui est à peu près celle-ci : “La culture, c’est ce qui répond à l’Homme quand il se demande ce qu’il fait sur la terre”. (La culture, c’est ce qui répond à l’homme quand il se demande ce qu’il fait sur la terre. Et pour le reste, mieux vaut n’en parler qu’à d’autres moments : il y a aussi les entractes.) Effectivement, on n'est pas des animaux parce qu’on a un cerveau qui nous permet de lire, de penser, de parler, de faire des films, de rêver, de faire du jardinage. Ce que les animaux ne peuvent pas faire. C’est ce qui nous sauve.

On peut passer sa vie sans lire Flaubert. Par contre, c’est vrai que si on commence à aimer, c’est bien. Je ne vois pas où sont les murs. Je vois surtout des passerelles : plus on lit, plus on a envie de lire et plus on a envie de lire et plus on va aller lire des choses qui nous paraissent inaccessibles ou dont on a peur.

Pour Flaubert, cet homme inaccessible dans la littérature et bien dans son histoire, a rêvé d’être un auteur de théâtre. Mais il n’a jamais réussi. Quand il a été auteur de théâtre, ça n’a pas marché. Il a même été obligé d’enlever sa pièce au bout de trois jours parce que ça a été un fiasco total ! Même lui, il ne réussit pas… c’est rassurant quand même. C’est bien pour nous tous de voir qu’il a aussi ses échecs, qu’il a aussi sa part d’ombre. Il n’a eu que deux livres qui ont eu du succès dans sa vie. Les deux premiers : Salammbô et Madame Bovary. Madame Bovary pour de mauvaises raisons et Salammbô parce que les gens ont aimé. Les autres livres n’ont pas eu de succès. C’est très paradoxal. Et c’est bien de le découvrir, parce que cela nous rassure tous, je pense. 

 

En France on aime toujours les outsiders...

C’est aussi pour ça. Je suis content quand les gens qui ont vu les films me disent “on a été relire les livres” parce que c’est vraiment le but du jeu. Je pense que c’est important de faire aussi des films sur ces sujets-là. C’est compliqué de parler de culture à la télévision en ce moment. Il parait que c’est clivant. C’est vrai que c’est difficile. Les gens n'ont pas tellement le cœur ou l’envie. Donc allons les chercher autrement !

 

Dernière question, est-ce que vous avez un autre film sur un écrivain en projet ou que vous aimeriez faire ? 

Oui, j’aimerais bien faire des films sur des gens que j’aime aussi ! Donc, oui ! En fait, ce qui m’intéresse, ce sont les histoires liées à l'œuvre, ce sont aussi les personnages et les histoires des personnages qui sont intéressantes. Je pense que c’est un tout. On aime aussi les écrivains parce qu'on aime ce qu’ils sont, ce qu’ils ont été et effectivement il y a “foultitude” de gens. Donc on a des projets, mais on n'en parle pas pour le moment. Comme je le disais tout à l’heure, on est dans des cases. Je suis maintenant catalogué réalisateur littéraire donc il va falloir que je me sorte de la case ou que je continue dans la case.

En tout cas, il y a tellement d’ écrivains, pas forcément français d’ailleurs, qui nous aident au quotidien, dont on a parlé, et qu’on a oubliés. Par exemple, moi, je suis un peu surpris. Cette année, on n’a pas fêté Boris Vian ! Alors que c’était le centenaire de sa naissance. Boris Vian est génial parce que c’est un touche-à-tout. Il a fait des chansons, il a fait des critiques, il a fait de la trompette, il a fait du jazz, il a fait des livres, il a fait des livres sous pseudonyme différents, des polars. Il parle toujours à une génération de gens jeunes et il est passé un peu à la trappe… Mais on a besoin de ça. Donc oui moi, j’y retourne sans problème.

 

Voir le documentaire J'aime pas Flaubert

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[Témoignages] Mots libres https://perluete.normandielivre.fr/temoignages-mots-libres/ Mon, 17 May 2021 08:06:20 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=2887 Trois personnes détenues nous parlent de leur rapport à la culturede l’autre côté du mur qui les sépare de leur vie d’avant.

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Trois personnes détenues nous parlent de leur rapport à la culture

de l’autre côté du mur qui les sépare de leur vie d’avant.

« Des moments de partage »

« Je participe à toutes les activités possibles. C’est une ouverture d’esprit et ça peut aussi m’aider pour mon projet de réinsertion : créer une petite ferme écologique… J’ai dû participer à une cinquantaine de projets : arts plastiques, concerts, comédie musicale, théâtre. J’ai aussi appris la musique : guitare, piano, trompette, percussions. J’ai commencé à apprendre juste après mon jugement, pour faire quelque chose de vraiment bien. Je joue dans un groupe et j’ai participé à la création d’un album.

J’ai découvert la littérature, avec des intervenants extérieurs, comme cet ancien boxeur devenu écrivain. Je me suis mis aussi à écrire, suite à un super atelier d’écriture. Ça me passionne de plus en plus. J’écris aussi de la chanson et de la poésie, même si j’en lis assez peu.

Même chose pour la lecture : il n’est jamais trop tard, et là je me rattrape. (Rires.) Avec le projet Passerelle(s), j’ai découvert des livres, et faciles à lire.

Tout ça aide à se sentir mieux. C’est une façon de se cultiver et une activité sociale… Les ateliers d’arts plastiques, par exemple, sont des moments de partage formidables et on en a besoin en détention. »

JH, détenu à Val-de-Reuil

« Ça fait du bien d’avoir un écho extérieur »

« J’ai découvert beaucoup d’activités en détention, et ça m’a beaucoup plu. Avant je n’osais pas parler devant les gens. Des activités comme le théâtre ou la danse m’ont aidée. En sortant, je crois que je retournerai voir des pièces ou que j’irai à l’Opéra…

En cellule, je dessine aussi beaucoup, je regarde des documentaires. Je suis aussi auxiliaire-bibliothécaire. Ça me fait un bien fou, je me sens utile. J’aime les biographies et les histoires vraies. Je me rappelle un livre qui a été comme un déclic par rapport à mon vécu. Il m’a apporté beaucoup.

Ces activités artistiques aident à mieux supporter la détention, c’est sûr. Quand je m’y inscris, c’est aussi pour rencontrer, pour apprendre, sortir de la cellule. J’ai fait de belles rencontres avec les gens du théâtre de Caen, de l’Opéra… Le lien avec l’extérieur est essentiel. À la fin d’une activité, j’ai envie de recommencer. »

Florence, détenue à Caen

© Cyrille Ternon

« Quand on est ému, la cuirasse s’ouvre »

« La culture en prison, c’est une ouverture, un lien avec l’extérieur… Je me suis mis à la musique et au théâtre en prison : deux disciplines majeures occuperont ma vie, désormais. Si je ne peux pas faire de théâtre, je lirai des pièces et je me les jouerai dans la tête. J’ai la chance d’avoir des livres et des instruments de musique dans ma cellule, donc je ne m’ennuie pas… J’ai lu jusqu’à cinq livres par semaine. J’ai eu ma période scientifique. Là, je suis revenu au roman. Je suis attaché au style plus qu’à l’histoire. Mes auteurs fétiches : Hermann Hesse, Umberto Eco, Jean d’Ormesson, et au-dessus de tous Boris Pasternak. Il m’emporte, j’ai l’impression de ressentir ce qu’il nous montre.

Je m’inscris aux activités pour m’élargir l’esprit. Par exemple les tags, que je considérais avant comme une pollution visuelle, j’ai découvert leur dimension artistique, grâce à des intervenants. On a une vie pour se transformer, la culture permet ça.

Certains livres bouleversent. Certains artistes aussi, comme Dominique A, quand il est venu ici. Quand on est ému, la cuirasse s’ouvre. Et dans les livres ou la musique, il y a de quoi tituber. Ici, à Caen, on a des échanges avec les artistes, c’est des parcelles de vie que la culture fait entrer en prison.

La culture m’a sauvé. J’avais besoin de surpasser des complexes, de m’assumer. C’est tellement facile de se perdre en détention et de sombrer dans la prétention. La culture permet de rester humble. Ce qu’il nous reste à apprendre du monde, on l’aperçoit quand on se cultive. C’est une transition avant de reprendre la vie de dehors. »

Jean, détenu à Caen

 

« Le livre agit un peu comme un pansement »

« Il y a deux ans, j’ai pris le poste d’auxiliaire-bibliothécaire. J’ai découvert un métier passionnant. Je m’y sens utile. Je fais tout pour que la lecture ne soit pas une épreuve pour les détenus, mais un plaisir, une respiration. Je leur propose de nouveaux livres, en variant les genres. Je leur demande leur avis, j’évalue l’attractivité des ouvrages. En prison, pour beaucoup, 90 % du temps n’est qu’ennui. Avec la pandémie, tout le monde souffre encore plus, surtout depuis l’arrêt des activités et la fermeture des parloirs “unités de vie familiale”, qui déshumanise un peu plus l’incarcération. En 2020, je n’ai eu que deux visites, contre huit habituellement…

La bibliothèque est donc un rayon de soleil dans l’obscurité la plus totale. On dit du livre en prison que plus la situation est difficile, plus il est libérateur. Pour résumer, le livre agit comme un pansement à la souffrance qu’est l’univers carcéral. »

Une personne détenue auxiliaire-bibliothécaire, au centre pénitentiaire du Havre

 

Merci aux coordonnateurs culturels des établissements pour le recueil de ces témoignages.

Lire l'intégralité du dossier La culture fend les murs publié dans le Perluète #07.

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[Entretien] avec Karine Vernière, profession « coordonnateur » https://perluete.normandielivre.fr/entretien-avec-karine-verniere-profession-coordonnateur/ Mon, 17 May 2021 08:05:38 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=2895 Ils construisent et déploient la programmation au sein des établissements pénitentiaires. En Normandie, huit coordonnateurs de l’action culturelle (six femmes, deux hommes) sont les artisans du programme. Karine Vernière, directrice du SPIP (Service d’insertion et de probation) du Calvados en brosse le portrait.

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© aprim

Profession « coordonnateur »

Ils construisent et déploient la programmation au sein des établissements pénitentiaires. En Normandie, huit coordonnateurs de l’action culturelle (six femmes, deux hommes) sont les artisans du programme.
Karine Vernière, directrice du SPIP (Service d’insertion et de probation) du Calvados en brosse le portrait.

 

À quoi servent ces coordonnateurs culturels en milieu  pénitentiaire ?

Avec les SPIP et les chefs d’établissement, ils conçoivent et mettent en place la programmation culturelle au sein de la prison. Il y a toute la dimension liée aux bibliothèques, à laquelle s’ajoutent tous types d’actions, pour répondre aux besoins des détenus.

Ils sont le pivot du dispositif Culture-Justice, au plus près des détenus. Dans les coursives, dans les cours de promenade, à la bibliothèque… Ils sont aussi ceux qui accueillent les intervenants extérieurs, les rassurent. Ils permettent la rencontre entre plusieurs mondes.

 

Quel est leur profil et comment sont-ils formés ?

Ils sont dans les réseaux culturels et ont su intégrer les codes du monde pénitentiaire, où les questions de sécurité et d’organisation sont importantes. Ils savent s’adapter et ont bien compris le rôle de la culture pour l’insertion. Ils sont créatifs et ne se laissent pas absorber par la culture du monde pénitentiaire. Ils sont un peu magiciens. (Sourire.)

Ils se forment sur le terrain. L’administration pénitentiaire fait attention à bien les préparer, en expliquant les spécificités des établissements, leur fonctionnement, les contraintes, les interlocuteurs. Ensuite, chacun s’acclimate. Chaque coordonnateur doit pouvoir s’appuyer sur nous à tout moment. Il ne doit pas se sentir seul dans un univers qui reste complexe.

 

Quel est le bilan de leur action ?

On ne pourrait plus s’en passer. Avec eux, la culture en prison a fait un bond assez prodigieux. Leur impact sur les parcours de vie de nombreux détenus le prouve. J’ai longtemps été directrice de prison, je sais l’impact de la lecture, du théâtre, et de tous les supports qui apportent une forme d’ouverture. La culture, c’est la rencontre, avec les autres et avec soi-même, parce que l’art fait réagir. On découvre une œuvre, une pratique, et on se découvre soi. Ce socle permet de mettre en place des tas d’autres choses.

Le travail des coordonnateurs permet notamment aux détenus d’expérimenter la pratique artistique. Or, expérimenter rend curieux. Sculpter, c’est envisager, imaginer, produire. C’est la même chose avec l’écriture ou la chanson. On voit alors des détenus se transformer en découvrant ce qu’ils peuvent faire. Le rôle du coordonnateur à cet égard est essentiel, il va établir la connexion entre un intervenant extérieur et un détenu. À partir de là, des verrous peuvent sauter et les armures peuvent tomber. On se découvre sous un autre prisme. On peut ouvrir des champs nouveaux. Ça ne change pas radicalement une personne, mais brique par brique, on crée la possibilité de se parler et de s’écouter.

Interview dans le cadre du dossier La culture fend les murs publié dans Perluète #07.

Lire l'intégralité du dossier.

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[Questions à…] Cécile Garin, coordonnatrice https://perluete.normandielivre.fr/questions-a-cecile-garin/ Mon, 17 May 2021 08:04:48 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=2900 Détachée à 80 % par le Trident (scène nationale) sur un poste de coordonnatrice dans les maisons d’arrêt de Coutances et Cherbourg, elle a développé depuis 2014 une programmation avec une vingtaine de partenaires culturels « tellement impliqués que je dois les freiner », sourit-elle.

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"Il faut savoir se préserver"

Covid oblige, la disette culturelle affecte aussi les centres de détention, où la programmation est en sommeil. Pour garder le lien avec les personnes détenues, les coordonnateurs normands publient depuis un an une gazette trimestrielle dans tous les établissements, où se mêlent conseils de lecture, recettes de cuisine, jeux et concours… Mais la frustration est là, rien ne remplace le contact direct et les émotions partagées. À Cherbourg, par exemple, Cécile Garin ronge un peu son frein.

Détachée à 80 % par le Trident (scène nationale) sur un poste de coordonnatrice dans les maisons d’arrêt de Coutances et Cherbourg, elle a développé depuis 2014 une programmation avec une vingtaine de partenaires culturels « tellement impliqués que je dois les freiner », sourit-elle.

Son carburant ? « Tous ces moments de grâce glanés au fil des activités : les larmes d’un détenu en atelier d’écriture, l’émotion d’un autre qui découvre la musique classique… Des expériences qui peuvent les aider à se reconstruire. » À 36 ans, Cécile frôle parfois l’épuisement, certes. « Il faut savoir se préserver. Parce que ce métier est également plein de petites victoires qui nous rappellent à quoi l’on sert. »

 

Interview dans le cadre du dossier La culture fend les murs dans Perluète #07.

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[Dossier] La culture fend les murs https://perluete.normandielivre.fr/dossier-la-culture-fend-les-murs/ Mon, 17 May 2021 08:04:22 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=2879 En Normandie, le dispositif Culture-Justice permet de diffuser la culture auprès de 5 000 personnes, majeures et mineures, placées « sous main de justice », essentiellement des détenus en prison. Un levier qui fait ses preuves, pour freiner la spirale de l’enfermement et stimuler le processus d’insertion.

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La culture fend les murs

En Normandie, le dispositif Culture-Justice permet de diffuser la culture auprès de 5 000 personnes, majeures et mineures, placées « sous main de justice », essentiellement des détenus en prison. Un levier qui fait ses preuves, pour freiner la spirale de l’enfermement et stimuler le processus d’insertion.

Laurent Cauville  / aprim

© Cyrille Ternon

Lire et sentir, page après page, comme le monde peut s’élargir. Dessiner, pianoter ou slamer et s’extraire des coursives et des cris de la promenade. Vibrer un après-midi de concert, dans la salle polyvalente d’un centre de détention... Parce qu’aujourd’hui, en France, la culture est reconnue comme élément clé du parcours d’une personne détenue, les programmes « culture-justice » se développent en région. Cela donne une offre foisonnante, de l’aménagement d’un petit point lecture à une résidence d’artiste, en passant par l’organisation d’un spectacle. En 2019, on dénombrait ainsi 133 projets menés en Normandie (1).

« Tellement facile de se perdre… »

En France, l’acte de naissance de cette politique remonte aux années Lang-Badinter, en 1986. « La culture est un droit pour tous, c’est donc d’abord un fort enjeu de société », rappelle Nicolas Merle, chef de bureau des politiques interministérielles au ministère de la Culture. « Ensuite, l’expérience le démontre, c’est un vecteur essentiel dans le parcours d’insertion. »

Pour quelqu’un qui passe plus de vingt heures par jour en cellule, une pile de livres à disposition ou un cours de guitare sont aussi des moyens de rester debout. Ce que confirme Jean, détenu à Caen (lire en page 12) : « La culture m’a sauvé. Des activités comme la lecture ou la musique m’ont permis de mieux me connaître. C’est tellement facile de se perdre en détention... »

« Une volonté de qualité… »

La Normandie (10 établissements pénitentiaires) est plutôt bonne élève. Personnels pénitentiaires, intervenants culturels, milieu éducatif, composent un écosystème bien en place. « La dynamique fonctionne », confirment Mathilde Besnard et Laurent Brixtel, chargés de projet « Culture-Justice » à Normandie Livre et Lecture (N2L) depuis 2018. « Le dispositif vit et se développe, avec un engagement des pouvoirs publics et un bon soutien du monde culturel. »

Salles de spectacle, artistes, libraires, bibliothécaires... Partout où se trouve un établissement pénitentiaire, des partenaires culturels extérieurs s’impliquent et des actions émergent. « On constate en Normandie une bonne implication des services “culture et justice” de l’État, bien prolongée sur le terrain par Normandie Livre et Lecture », observe Nicolas Merle, depuis Paris.

À Caen, Karine Vernière, directrice du Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) du Calvados, confirme : « Je remarque une grande variété des propositions et une bonne implication des acteurs de la culture, avec la volonté de faire de la qualité. Il y a de bons coordonnateurs, des actions de qualité, et finalement des budgets. C’est un cercle vertueux. »

Reconstruction

Au fil des actions, des ateliers, des résidences d’artistes, la pratique infuse auprès de tous les publics, des mineurs placés en centres éducatifs aux adultes en longues peines. « Une activité culturelle permet d’agir sur des leviers importants comme l’estime de soi, le rapport au corps, l’assiduité. C’est un facteur de reconstruction de la personne, rappelle Laurent Brixtel. Le dispositif permet à chacun de se faire une expérience de la culture par la pratique. »

Dans cette mécanique sensible, les coordonnateurs culturels en milieu pénitentiaire (8 en Normandie), apparus en 2009, sont une courroie essentielle (lire aussi page 13). Au contact quotidien avec le monde carcéral, ils façonnent la programmation, mettent de l’huile dans les rouages, relient le dedans et le dehors.

Pour les bibliothèques pénitentiaires aussi, la région affiche un bon bilan (voir Repères). « Mais le plus notable, c’est l’amélioration des conditions d’accès (hors Covid), de la qualité des ouvrages et des locaux », souligne Mathilde Besnard.

© Cyrille Ternon

Montée en gamme dans les bibliothèques

« En prison, 90 % du temps n’est qu’ennui », rappelle ce détenu au Havre (lire aussi page 12), devenu auxiliaire de bibliothèque. Comme lui, ils sont 20 aujourd’hui sous contrat de travail (20 à 24h/semaine) à tenir la bibliothèque à l’intérieur de la prison.

Un métier pour contredire la spirale de l’enfermement. Lire et faire lire, pour tenir, et même pour grandir. « La bibliothèque est un rayon de soleil. Plus la situation est difficile, plus le livre est libérateur », ajoute-t-il. « Aujourd’hui j’entretiens, je classe, j’organise... Je fais le lien entre le livre et le détenu. Je n’y connaissais rien. Les livres étaient à même le sol, il n’y avait pas d’informatique. Un gros travail a été fait. J’ai appris à utiliser un logiciel, avec l’appui de ma coordonnatrice, que je tiens à remercier. »

Ainsi, d’année en année, le nombre de détenus formés au métier d’auxiliaire-bibliothécaire progresse. Leur travail, en lien avec leur coordonnateur culturel, façonne des lieux mieux adaptés. Formation, aide au catalogage, conseils en aménagement, prêts, animations... Dans 90 % des établissements, les bibliothèques publiques interviennent et contribuent à la montée en gamme. Mais des faiblesses perdurent. « La fréquentation reste inférieure à la moyenne et l’offre n’est pas toujours adaptée aux attentes des personnes détenues », tempère Mathilde Besnard.

Beaucoup de freins restent à lever. C’est le sens du projet Passerelle(s), « pensé pour permettre à chacun de trouver une offre de lecture lui correspondant ». Porté par N2L, avec les bibliothèques publiques, ce dispositif prévoit l’acquisition de documents ainsi que des actions culturelles et de formation auprès des adultes et des mineurs placés sous main de justice. Le travail continue.

(1) 94 projets cofinancés par la DRAC ou la Région (pour majeurs et mineurs)
+ 39 projets financés directement par le ministère de la Justice.

Qui fait quoi ?
En Normandie, le programme Culture-Justice bénéficie du soutien de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC), la Direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP), la Direction interrégionale de la protection judiciaire de la jeunesse (DIRPJJ) et de la Région. Porté par Normandie Livre & Lecture, il invite partenaires culturels, services et établissements de l'administration pénitentiaire et de la PJJ à construire des projets en partenariat. Les coordonnateurs de l’action culturelle qui travaillent au sein des SPIP sont salariés de la Ligue de l’enseignement de Normandie, sauf pour la Manche, où le Trident (scène nationale) porte le poste.

Repères

19 bibliothèques
dans les 10 établissements pénitentiaires de Normandie : 5 bibliothèques centrales (plus importantes) et 14 de quartier. S’y ajoutent 18 points lecture (simples dépôts de livres). Source : Normandie Livre & Lecture

500
Le nombre de projets soutenus chaque année par le ministère de la Culture dans les établissements,
y compris en milieu ouvert. Source : ministère de la Culture

2 M€
Le budget annuel alloué
à la politique culture-justice par le ministère de la Culture. 75 % à destination de centres pénitentiaires, 25 % vers
les centres pour mineurs. Source : ministère de la Culture

3 500
détenus dans les établissements pénitentiaires de Normandie. S’y ajoutent 1 500 mineurs sous tutelle
de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Source : Normandie Livre & Lecture

Retour d'expérience

Passerelle(s) vers le livre

Au Centre éducatif et d’insertion (CEI) Le Bigard, près de Cherbourg, les 12 résidents mineurs font désormais leur choix de lecture parmi 600 ouvrages récents, contre 50 livres poussiéreux en 2017. Cette métamorphose de leur bibliothèque est l’œuvre de l’éducateur Dimitri Corbet et du dispositif Passerelle(s) Jeunes, porté par Normandie Livre & Lecture. Le budget alloué a permis de réaménager l’espace et surtout d’acheter des livres. « Pour donner le goût de la lecture, il faut des ouvrages qui plaisent ! » Alors Dimitri emmène une fois par mois les jeunes faire leur marché chez Ryst et aux Schistes bleus, deux librairies locales. « Ils choisissent surtout des BD, des mangas, et des docus d’actualité. » Pour Dimitri, ce projet est une réussite quasi inespérée. « On a des jeunes de tous bords, parfois totalement déscolarisés. Le livre joue son rôle apaisant, stimule le lien et la curiosité. »

Une source de rencontres aussi, comme avec l’illustrateur Cyrille Ternon, venu parler une journée de son métier et qui animera en mai trois jours de travaux pratiques au centre. À la clé : une BD entièrement faite par les pensionnaires !  LC, avec Félicien Trollé

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[Lieux] Pourquoi il faut soutenir l’édition indépendante https://perluete.normandielivre.fr/lieux-pourquoi-il-faut-soutenir-ledition-independante/ Mon, 17 May 2021 08:03:55 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=2918 Vous auriez dû les rencontrer fin mai, à Livre Paris, sur le stand Livres en Normandie.La crise sanitaire en a décidé autrement, privant 24 éditeurs régionaux de cette vitrine et d’échanges précieux avec leurs lecteurs et confrères.

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Pourquoi il faut soutenir l’édition indépendante

Vous auriez dû les rencontrer fin mai, à Livre Paris, sur le stand Livres en Normandie.
La crise sanitaire en a décidé autrement, privant 24 éditeurs régionaux de cette vitrine et d’échanges précieux avec leurs lecteurs et confrères. Ce rendez-vous devait leur permettre de renforcer leur visibilité, déjà mise à mal par les confinements et les embouteillages de parutions à la réouverture des librairies.
Ainsi en 2020, leurs revenus ont baissé en moyenne de 40 %. Avec une belle résilience, ils n’envisagent pourtant pas de changer d’activité et s’adaptent : changement de programme éditorial, communication renforcée en direction des libraires et sur les réseaux sociaux… Il faut soutenir l’édition indépendante. Il en est encore temps. Et voici pourquoi…
Par Valérie Schmitt

L’édition indépendante prend des risques éditoriaux, en publiant des premiers romans de jeunes auteurs (qui iront peut-être ensuite chez les grands éditeurs, les « Galligrasseuil »). Tel Sana de Léo Larbi aux éditions Grevis, ou La Célébration du lézard, de Quentin Margne aux éditions Le Soupirail.

Elle donne une résonance à des genres sous-représentés car jugés non rentables comme la poésie, avec Le Confinement du monde aux éditions Lurlure, Accoster le jour chez La Feuille de Thé, ou le genre de la nouvelle avec les éditions L’Ourse brune.

L’édition indépendante se fait l’écho des questions
de notre temps,
et propose aux lecteurs d’autres voix. Par exemple avec : Nos sociétés du vieillissement entre guerre et paix, plaidoyer pour une solidarité de combat, aux éditions L’autreface ; Red Mirror, l’avenir s’écrit en Chine, chez C&F éditions ; Éprouver l’altérité, des pistes pour le vivre ensemble, aux éditions Rabsel ; ou encore Le photojournalisme peut-il sauver la presse ?, chez MJW Fédition.

L’édition indépendante est un laboratoire et innove, prenant des risques techniques et donc financiers en proposant de nouveaux formats, comme le Docu BD À la découverte de Tokyo en manga chez Petit à Petit, ou le livre dépliant Grandir aux éditions Møtus. En travaillant sur l’accessibilité du livre pour tous, notamment aux DYS, comme le proposent les éditions La Marmite à mots avec Un chien trop connecté. Ce livre présente une police Verdana, taille 14, un interlignage espacé et les phrases se terminent en bas de page (les enfants nayant pas à tourner la page pour avoir la suite de la phrase). Ou encore, en développant des applications numériques comme Perroquet bleu, avec Promenons-nous dans les bois.

L’édition indépendante produit des livres de haute qualité, à l’opposé de certains préjugés sur l’édition régionaliste. Des livres qui sont le fruit de recherches scientifiques, avec des photos artistiques. Des livres qui valorisent le patrimoine culturel régional. Ainsi, La Normandie de Flaubert, aux éditions des Falaises ; Le Déjeuner du casseur de pierres, chez Cahiers du Temps.

>>>
L’annuaire des éditeurs en région

© A. Sablery

Anne Sablery, Cahiers du Temps

« Toujours dans le respect du métier et d’une ligne éditoriale cohérente, nos éditions continuent de valoriser, de mettre en lumière notre patrimoine, comme Pierre Coftier l’a fait en partant d’un tableau de Guillaume Fouace, exposé à l’abbaye aux Dames : Le Déjeuner du casseur de pierres, qui lui a permis d’explorer une profession oubliée – pourtant toujours d’actualité dans certains pays – et d’analyser la démarche du peintre naturaliste.

Ces livres sont le fruit d’un travail de recherche pointu de la part d’auteurs talentueux et motivés. La mise en page de chaque titre est particulièrement soignée grâce à une iconographie choisie, issue des archives départementales du Calvados, de collections privées ou du travail de photographes professionnels. »

 

 

 

Emmanuelle Moysan, éditions Le Soupirail

« Prendre des risques, du temps avec les auteurs, c’est le cœur de métier de l’éditeur. D’autant plus pour le premier roman. Offrir aux lecteurs non ce qu’ils attendent, mais ce qu’ils n’imaginent même pas attendre. Les surprendre par la langue, la vision du texte, parce que la diversité et la richesse sont essentielles face à l’uniformisation de la culture et de la pensée. Pour le lecteur, c’est la garantie d’avoir un vrai choix. »

 

 

 

 

Caroline Triaureau, éditions La Marmite à mots

« Faciliter l’accès à la lecture pour tous est essentiel. Pour cela, nous travaillons sur la graphie, la mise en page, la cohérence de lecture, pour que celle-ci soit la plus aisée possible. Bien que cet objectif ait un impact financier sur l’économie du livre, le prix et le livre sont les mêmes pour tous, dyslexiques ou non. Parce que le droit à la culture ne doit pas être celui de la différence. »

 

 

Sandrine Levasseur, éditions L’autreface

« Les grandes maisons d’édition ont la capacité d’attirer les “grandes signatures”. Or celles-ci, même lorsqu’elles publient un nouveau livre, vont le plus souvent y exprimer une pensée déjà éprouvée, “rodée”. La nouveauté des idées y est assez limitée, car installée dans le système de pensée de l’auteur. C’est finalement dans les petites maisons d’édition que des idées “neuves”, plus dissonantes, vont s’exprimer plus facilement. Un “jeune” auteur y trouvera davantage sa place, notamment s’il s’oppose au paradigme dominant… »

 

 

 

 

© Lurlure

Emmanuel Caroux, éditions Lurlure

« En France, la poésie a été délaissée par la quasi-totalité des “gros” éditeurs, car jugée non rentable. Elle existe grâce à un réseau d’éditeurs indépendants et de libraires passionnés et engagés. Loin des clichés, la poésie contemporaine n’est ni moribonde ni hermétique, mais c’est au contraire un écosystème riche, pluriel et très vivant, comme en témoigne le nombre important de publications, de manifestations ou de revues. On attend maintenant avec impatience le jour où une poétesse inaugurera une cérémonie d’investiture présidentielle en France, comme cela a été le cas aux États-Unis pour Joe Biden. »

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[L’invité] Patrick Bard – Traducteur du réel https://perluete.normandielivre.fr/linvite-patrick-bard-traducteur-du-reel/ Mon, 17 May 2021 08:03:26 +0000 https://perluete.normandielivre.fr/?p=2939 Journaliste, auteur, photographe. Quelle que soit sa forme, le travail de Patrick Bard s’inscrit dans la réalité de notre monde.Il a signé en 2020 un essai biographique sur l’américain Piero Heliczer, artiste aussi important qu’oublié, qui vécut dans le Perche, comme lui.

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Journaliste, auteur, photographe. Quelle que soit sa forme, le travail de Patrick Bard s’inscrit dans la réalité de notre monde.
Il a signé en 2020 un essai biographique sur l’américain Piero Heliczer, artiste aussi important qu’oublié,
qui vécut dans le Perche, comme lui.
© Marie-Berthe Ferrer

Bio express

Patrick Bard est romancier, écrivain-voyageur et photographe. L’Amérique latine, les frontières et la question des femmes sont au centre de son travail. Son premier roman, La Frontière, a reçu le prix Michel- Lebrun 2002, le prix Brigada 21 (Espagne, 2005) et le prix Ancres noires 2006. Il est l’auteur de huit romans aux éditions du Seuil. Orphelins de sang, sur le trafic d’enfants en Amérique latine, a été récompensé par le prix Sang d’encre des lycéens 2010 et le prix Lion noir 2011.
En 2015, il a publié Poussières d’exil (Seuil), couronné par le prix 1001 Feuilles noires de Lamballe, et Mon neveu Jeanne (Loco), un essai documentaire sur la question du genre. En 2016, son roman jeunesse sur l’embrigadement et les réseaux sociaux, Et mes yeux se sont fermés (Syros), a reçu dix prix. Il a également publié le roman POV (2018), chez Syros, et Le Secret de Mona (2020), ainsi qu’un essai biographique, Piero Heliczer, l’arme du rêve (2020, Seuil).
Il est traduit en cinq langues.

Vous semblez aussi à l’aise dans le roman, le polar, l’essai, le carnet de voyage que le beau livre photo. D’où vous vient ce côté protéiforme ?

Je pense que cela vient du fait d’avoir plusieurs casquettes. Le polar est ma famille littéraire d’origine. Très jeune et gros lecteur de polar, j’ai cofondé le festival Jazz & Polar avec des amis. C’est une littérature qui parle du monde comme il va, et surtout quand il va mal. Je suis aussi photographe, j’ai donc beaucoup voyagé et souvent écrit des textes pour accompagner mes images. Ma formation de journaliste m’a prédisposé à l’essai, et enfin j’ai développé une passion pour l’Amérique latine grâce à ma belle-famille espagnole.

On ressent une volonté très forte de témoigner, comme dans Le Secret de Mona, POV, Et mes yeux se sont fermés, qui s’adressent notamment à un public de jeunes adultes. Est-ce une manière de prolonger votre vocation première de journaliste ?

Ce sont deux choses très différentes ! Le journalisme consiste à délivrer une information, des faits qui contribuent au débat démocratique. Un roman, ce sont des personnages d’encre et de papier qui vivent des événements et auxquels le lecteur s’identifie, tout comme l’auteur. C’est un partage d’empathie. Mais c’est vrai, mon écriture est ancrée dans le réel. D’ailleurs, la recherche qui précède la rédaction d’un roman est très semblable au travail d’enquête du journaliste. Je pense toujours au roman de Steinbeck Les Raisins de la colère, rédigé après son reportage sur la Grande Dépression pour le magazine Life.

Votre dernier livre met en lumière à la fois un artiste peu connu – Piero Heliczer, cofondateur oublié du Velvet Underground – et son lien méconnu avec le territoire normand. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre attrait pour cet artiste et son lien avec le Perche ?

J’ai découvert sa tombe par hasard, une tombe anonyme, juste un tas de pierres et un pied de lavande dans le petit cimetière du village. J’ai été intrigué, ému, aussi. J’ai cherché à savoir qui reposait là et quand j’ai découvert cette vie digne d’un roman, j’ai immédiatement eu envie de l’écrire. Il m’a fallu cinq ans. Piero Heliczer est arrivé dans le Perche ornais en 1959, sur invitation du peintre et architecte Friedensreich Hundertwasser qui y résidait. Heliczer vivait alors à Paris avec la poétesse Olivia de Haulleville, la nièce d’Aldous Huxley. Au début des années 1960, il est rentré à New York, mais il a été victime d’une chasse aux sorcières de la part du FBI, qui visait principalement Allen Ginsberg. Il a donc décidé de revenir s’installer dans le Perche à l’été 1967. Il couche d’ailleurs ce vœu sur le papier, quelques mois plus tôt : « Je veux retourner écrire en Normandie. » Hélas, diagnostiqué schizophrène et victime d’addictions multiples, il connaîtra une longue descente aux enfers jusqu’à son accident de la route, fatal, à 56 ans en 1993. Il sera enterré à Préaux-du-Perche, où il vivait, et où j’habite depuis 2009. Heliczer a été un poète important, un compagnon de route de William
Burroughs, Allen Ginsberg, et un cinéaste expérimental proche d’Andy Warhol et de la Factory. Il aura aussi été l’un des piliers de l’underground new-yorkais. La colonie d’artistes qu’il avait fondée en a incarné l’un des épicentres et le point 0 du Velvet Underground.

Votre deuxième passion reste la photographie. En quoi la ressentez-vous complémentaire du travail d’écriture ?

Voilà une chose que je peux résumer en une phrase : on ne peut pas tout dire, ni tout montrer, mais la photographie a cette puissance pour montrer l’indicible tandis que l’écriture a cette capacité à dire l’immontrable...

Propos recueillis par Valérie Schmitt et Cindy Mahout

Découvrez une interview de Patrick Bard

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